Sidney Rostan (Bioxegy) "On peut s'inspirer des organismes marins pour améliorer l'IoT"

Méthode de R&D qui consiste à transférer l'ingéniosité du vivant aux technologies, le biomimétisme représente, pour le fondateur de Bioxegy une réelle opportunité pour l'IoT.

Sidney Rostan, fondateur de Bioxegy. © Bioxegy

JDN. La quatrième édition du salon Biomim'expo se déroule ce mardi 22 octobre à Paris. Comment définissez-vous le biomimétisme et observez-vous un dynamisme autour de ce concept dans l'industrie ?

Sidney Rostan. Le biomimétisme est une approche d'innovation qui simplifie et transfère aux technologies humaines des tactiques et des stratégies éprouvées par l'évolution. L'avantage d'imiter la nature est double : ces techniques sont performantes et répondent à l'optimisation énergétique. L'industrie, en particulier l'aéronautique et l'automobile, s'intéresse au biomimétisme depuis les années 90. Dans l'IoT, cette méthode de R&D reste encore inexplorée et il y a encore beaucoup de pédagogie à faire pour passer de la théorie au POC. Mais le biomimétisme a de forts potentiels pour améliorer les capteurs.

Comment appliquer le biomimétisme à l'IoT ?

Cette méthode peut être utilisée à la fois au niveau du hardware, pour concevoir des capteurs plus efficaces, notamment en s'inspirant de membranes particulières, mais aussi dans le software pour améliorer les mécanismes de détection. Il y a beaucoup de possibilités en s'inspirant des organismes marins et de leurs capacités de détection électromagnétique. Autre exemple, au niveau de l'analyse de la donnée : nous avons mené une réflexion avec un acteur de la smart city pour savoir comment prioriser l'information. Quand une communauté urbaine reçoit des milliers de données provenant d'alarmes, de détecteurs de feux ou de capteurs pour la collecte de déchets, il faut être réactif en cas de problème. Pour savoir comment les hiérarchiser au mieux, nous avons étudié dans la nature les nuages de criquets. Car pour éviter les collisions avec leurs congénères, ils doivent développer un système de priorisation de l'information. Ils décentralisent la gestion des data, que l'on peut de notre côté interpréter algorithmiquement et transposer. Au niveau des réseaux de communication, le cachalot utilise une gamme de fréquence sur lequel il y aurait matière à s'inspirer.

Quels sont les principaux projets déjà concrétisés ?

En juillet 2018, nous avons travaillé avec un équipementier automobile pour réfléchir à la meilleure manière de nettoyer les capteurs des véhicules autonomes. Les gicleurs existants sont très consommateurs d'eau. Nous avons donc étudié des modèles biologiques pour optimiser ce processus, en particulier la membrane nictitante des camélidés (similaire à la troisième paupière des chats, ndlr). Cette paupière d'une certaine transparence se referme pour protéger le globe oculaire des grains de sable mais permet la vision. Ce système est très efficace, tout le défi a été de définir comment transposer ce cartilage en polymère, quelle pression sur le globe oculaire peut s'appliquer à une caméra et comment passer des muscles à une attache pour la fermeture de cette membrane. Selon les estimations issues de notre modèle en CAO, ce capteur permet de réduire par dix les consommations en eau. Dans le ferroviaire, nous sommes en train d'étudier comment faire passer à l'échelle une solution destinée à des capteurs capables d'interagir entre eux pour permettre à une rame d'analyser son environnement.

Il existe aussi des entreprises bio-inspirées, qui ont détecté dans la nature une capacité qui les intéresse pour leur technologie. C'est le cas par exemple de Prophesee, qui a conçu une caméra intelligente fonctionnant sur le même principe que l'œil humain, ou Wavera et sa pompe inspirée de l'ondulation des animaux marins. Des étudiants taïwanais ont par ailleurs imaginé un robot pour inspecter le réseau de canalisation qui s'inspire des poissons tétra aveugles dans la détection de variation de pression, des méduses pour la manière dont il se propulse dans l'eau et des pieuvres puisque son tissu peut se compresser. Nous aimerions à l'avenir travailler sur des projets industriels similaires avec une triple inspiration.

À la sortie de ses études en école de management en 2018, Sidney Rostan fonde Bioxegy, bureau d'études expert du biomimétisme. Avec ses équipes, Sidney Rostan s'inspire des principes et propriétés présents chez les organismes vivants pour imaginer et concevoir des innovations intelligentes et durables. La start-up parisienne, qui ambitionne de démocratiser l'approche en France et en Europe, développe ainsi des technologies bio-inspirées auprès de grands groupes ou ETI, tous secteurs confondus. L'entreprise, qui compte en octobre 2019 une quinzaine de clients, prévoit de réaliser à la fin de l'année, pour son premier exercice, près de 200 000 euros de chiffre d'affaires.