Ronan le Roy (Goodfloow) "L'IoT doit apporter une notion de preuve légale de qui est responsable de l'emballage et quand"

Le fondateur de la start-up Goodfloow met à profit l'intelligence artificielle et les technologies radio pour que les capteurs puissent fournir une responsabilité en cas d'incident en supply chain.

JDN. Vous prônez un nouveau rôle de preuve de responsabilité pour l'IoT dans l'asset tracking. Pouvez-vous en expliquer le concept ?

Ronan le Roy, fondateur de Goodfloow © Crédit Photo - Antoine Monié

Ronan le Roy. En Europe, chaque année, l'utilisation des emballages industriels en carton à usage unique engendre plus d'un milliard de tonnes de CO2. Pour diviser ces émissions de CO2 par trois, il faudrait passer du jetable aux emballages réutilisables. Mais aujourd'hui ces derniers ne représentent que 20% du marché, l'usage n'est pas encore entré dans les habitudes. La raison : un trop grand nombre d'emballages réutilisables sont perdus, cassés ou volés et il est impossible d'attribuer la responsabilité de ces dysfonctionnements. Et la quantité et la variété des intervenants dans les boucles logistiques ne cesse de croitre. En conséquence, c'est le propriétaire des emballages réutilisables qui paie. Le coût de ces dysfonctionnements est de plusieurs centaines de millions d'euros, d'autant que les propriétaires qui doivent se prémunir du risque de rupture en achètent quatre à cinq fois plus que nécessaire. De ce fait, ils considèrent le retour sur investissement trop faible. Ce qui n'encourage pas les industriels à s'y mettre.

C'est pourquoi l'IoT doit aller plus loin que la simple localisation et identifier de manière fiable l'utilisateur responsable légalement de chaque emballage, et de quand à quand. C'est le seul moyen de fiabiliser les boucles logistiques et d'attribuer la responsabilité d'un choc ou d'un vol à une usine a lieu par exemple. Car c'est le fond du problème : ce qui intéresse vraiment les industriels est de savoir qui a la responsabilité de leur colis, et qui doit donc payer en cas de problème.

Comment fonctionne votre solution ?

Elle est constituée d'un objet connecté dont le rôle est de collecter des informations irréfutables et d'une application qui va les agréger et en déduire des raisonnements. La durée de vie de l'objet de connecté est supérieure à celle des emballages sur lequel il est fixé car les industriels ne changent généralement pas les batteries mais les IoT en entier. Remplacer des tonnes de CO2 par des déchets électroniques dues aux IoT en fin de vie n'est pas notre objectif. Pour garantir cette autonomie, notre objet connecté ne géolocalise pas l'emballage dans lequel il est, cette technologie consomme beaucoup trop d'énergie. Il va regarder les réseaux radio présents et envoyer par radio longue portée les éléments très simples qu'il aura constatés. Il est d'ailleurs capable d'échanger avec les autres objets connectés. Il est aussi capable de comprendre les mouvements de l'emballage.

L'application dans le cloud agrège les données, en déduit des raisonnements qui attribuent des responsabilités… légalement opposables. C'est aussi une particularité des algorithmes de notre application.  Concrètement, le propriétaire des emballages sait chez qui sont ses emballages et comme les usines voyagent rarement pendant la nuit, il sait où ils sont. Si un emballage est cassé à une heure précise et qu'à cette même heure il est possible de prouver qui en était responsable, alors il est possible de prouver qui est responsable du problème. Nos clients cherchent avant tout à comprendre les conditions dans lesquelles les problèmes surviennent, de manière à mettre en place les process qui fiabilisent l'utilisation de leurs emballages réutilisables. La blockchain étant très consommatrice d'énergie, nous ne voulons pas y recourir mais nous avons une solution fiable qui garantit elle aussi l'authenticité des informations de nos clients.

Avec notre solution, il n'y a pas d'infrastructure à installer sur les lieus de passage des emballages, ce qui lève un frein pour les clients. La solution GoodFloow est entièrement éco-conçue ça veut dire que nous avons vérifié, lors de la création de notre service, que l'emballage réutilisable doté de l'objet connecté et son application ait un impact nettement inférieur à la solution d'emballage carton et de palette en bois. Le coût d'utilisation d'un emballage industriel réutilisable avec le système GoodFloow et son abonnement est trois fois moins cher que le coût d'usage du carton jetable. C'est l'Ademe qui nous audite sur cette partie éco-conception, suite à l'appel à projet PERFECTO que nous avons gagné en 2021.

Quelles sont vos perspectives de déploiement ?

Goodfloow est en train de déposer des brevets (un premier a été validé par l'INPI, ndlr). Nous développons, avec l'Inria à Lille, l'IMT Nord Europe, l'IMT Atlantique, et l'Irisa à Lannion, des briques technologiques qui n'existent pas. Ces innovations nous permettent de mener des POC de 5 000 objets connectés déployés avec les entreprises propriétaires de flottes d'emballages industriels réutilisables dans l'automobile et la chimie. L'objectif est d'avoir 25 000 IoT installés d'ici deux ans.

A plus court terme, quels sont vos projets pour la fin d'année ?

Nous voulons rendre la solution capable de s'adapter à n'importe quel emballage dans n'importe quel environnement, que ce soit un rolls métallique, un conteneur grillagé, etc.

Un nouveau programme de R&D sera donc lancé de 2023 à 2026. En parallèle au dépôt de brevets, nous développons une offre de conseil pour aider les industriels sur les sujets de l'adaptation de leur supply chain aux emballages industriels réutilisables pour améliorer leur note RSE. Nous aimerions lancer cette activité au cours du premier trimestre 2023. L'objectif serait de faire de Goodfloow une entreprise à mission au plus vite. En 2023, Goodfloow réalisera également une levée de fonds. L'essor des politiques RSE et de réduction du bilan carbone va encourager le développement de l'IoT. Mais pour cela, il faut créer de la valeur différemment pour que la technologie soit au service de l'écologie et ait un véritable impact RSE. Ce n'est que de cette manière que les entreprises passeront aux emballages réutilisables.

Ronan le Roy a fait sa carrière dans l'automobile. Face à la faible pénétration des emballages réutilisables dans la supply chain, il a décidé de créer sa start-up à Nantes en janvier 2019, Goodfloow. Cette dernière a pour objectif d'automatiser le suivi et la gestion des emballages réutilisables afin de simplifier et fiabiliser la transition vers une supply chain agile et durable.