Anne Smetana (Ambassade du Danemark) "Le Danemark en est à la 5e version de sa stratégie de santé numérique"

L'IoT et la télémédecine sont au cœur de la stratégie de santé numérique du Danemark. A l'occasion du Forum Santé connectée de l'Acsel, l'attachée Santé à l'Ambassade du Danemark à Paris en a dressé les contours.

Anne Smetana, attachée Santé à l'Ambassade du Danemark à Paris. © Ambassade du Danemark

JDN. Vous avez présenté lors du Forum Santé connectée de l'Acsel, le 12 octobre dernier, la réforme structurelle menée depuis 2007 au Danemark, qui positionne le pays comme un exemple à suivre en santé numérique. Pouvez-vous en donner les détails ?

Anne Smetana. En 2007, le Danemark a mené une réforme de décentralisation du système de santé. Nous avons regroupé les 14 départements en 5 régions et réduit le nombre d'hôpitaux de 128 à 40 établissements. A la place, nous avons créé des pôles de santé dans les 98 municipalités danoises, responsables de la prévention et de la rééducation. Le Danemark compte 5 millions d'habitants, chaque pôle de santé municipal gère en moyenne 50 000 habitants. Nous avons transformé notre modèle pour qu'il ne soit pas hospitalo-centré mais au contraire axé sur la médecine de proximité. Au Danemark, on ne se rend pas à l'hôpital au moindre symptôme, comme en France. On consulte avant tout son médecin traitant, à qui revient la décision d'envoyer un patient à l'hôpital. On n'y arrive pas sans ambulance et le temps passé à l'hôpital n'excède pas trois jours, le patient est transféré après son opération dans le centre de santé de sa municipalité le temps de sa convalescence.

Où en est-on et quelle est la prochaine étape ?

Une nouvelle réforme a été opérée en 2021. Nous en sommes à la 5e version de notre stratégie de santé numérique, basée sur le partage des données entre les patients, les médecins généralistes, les municipalités et les hôpitaux. Le volet cybersécurité a été renforcé. 2023 verra l'aboutissement à l'échelle nationale de notre projet de télésanté (ou télémédecine, ndlr), que nous menons depuis cinq ans.  

Quel rôle joue l'IoT dans votre stratégie de santé numérique ?

Les objets connectés de santé sont indispensables pour la médecine de proximité. Notre objectif est de rendre chaque personne acteur de sa santé. Nous devons donc donner aux Danois les moyens d'assurer la responsabilité de leur santé. Cela passe par les objets connectés pour que chacun puisse comprendre et surveiller ses paramètres corporels. L'IoT est par ailleurs au cœur de notre projet de télésanté, pour un bon suivi au quotidien des maladies chroniques, comme le diabète. Nous voulons aller encore plus loin dans la cocréation avec les patients. L'IoT et l'IA ne vont cesser de jouer un rôle déterminant. Dernier aspect, nous faisons face dans deux régions sur cinq à un manque de médecins généralistes. Les objets connectés et la téléconsultation permettent de trouver des solutions à cette problématique car l'accès aux soins ne dépend pas de la proximité avec un hôpital et les médecins au Danemark se doivent d'être tournés à 100% sur le numérique.

Quels conseils donneriez-vous aux acteurs français ?

La première clé de réussite de notre projet de réforme réside dans notre infrastructure commune. Tous les actes de santé ont les mêmes définitions et les mêmes normes*. La deuxième tient à la collaboration public/privé. Les hôpitaux publics collaborent étroitement avec les fournisseurs de solutions numériques. Par ailleurs, doter les municipalités de compétences en santé ne peut pas se faire sans le numérique. Nous avons une version numérique de la carte nationale d'assurance maladie et différentes plateformes numériques nationales, dont une pour communiquer entre le patient et le médecin des informations ou effectuer les consultations vidéo, mais aussi une dédiées aux médicaments permettant de renouveler des ordonnances. Ces initiatives n'induisent pas de surcoût, pour preuve le système de santé danois est moins cher que le système français. Le message important également à faire passer : la santé numérique est un travail continu. Nous y réfléchissons depuis 1994 et nous cherchons à nous améliorer et à trouver de nouvelles solutions sur le long-terme, il s'agit d'un travail de longue haleine et tout ne s'arrête pas une fois la réforme mise en place.

*De son côté, lors de l'événement IdéO Santé connectée du pôle de compétitivité Systématique, Nicolas Castoldi, directeur délégué de l'AP-HP, l'invité d'honneur, s'est désolé de l'état du marché fragmenté du secteur de la santé en France qui empêche les déploiements à grande échelle et a appelé à "sortir du physique en continu dans le système de soin pour construire par le numérique de nouvelles façons de prendre en charge les patients

Diplômée en science politique de l'Université d'Aarhus, au Danemark, en 1988, Anne Smetana bénéficie de plus de 30 ans d'expérience dans le système de santé danois à trois niveaux : étatique, régional et municipal. Anne Smetana a été directrice adjointe de Healthcare DENMARK, un partenariat public-privé chargé des relations internationales dans le domaine de la santé et du grand âge. Elle est aujourd'hui attachée Santé à l'Ambassade du Danemark à Paris.