5 ambitions autour de l'éco-conception dans l'IoT
L'éco-conception est une tendance forte dans l'IoT mais elle est encore perçue comme une source de surcoûts qui peut freiner les acteurs. Certaines sociétés en font pourtant un projet d'entreprise.
L'éco-conception devient un moteur dans l'IoT. Les annonces de projets autour de cette pratique qui consiste à concevoir des produits respectant les principes du développement durable se multiplient, que ce soit de la part des fabricants, ou des organismes publics. L'Arcep par exemple a lancé le 9 octobre dernier une consultation publique sur un projet de référentiel général de l'éco-conception des services numériques.
La pratique, si elle prend de l'ampleur, n'est pas encore généralisée massivement en raison des surcoûts en termes de temps et de finances, nécessaires en amont. "Il faut investir davantage de temps en R&D pour éco-concevoir et investir dans des matériaux, des composants ou des procédés qui sont parfois plus onéreux car miniaturisés et plus compacts. Mais ces surcoûts pour les fabricants sont néanmoins souvent contrebalancés par une position du produit en premium. En effet, les clients sont enclins à payer ce premium car il représente une réduction de la dette future : l'éco-conception repousse le remplacement et évite de consommer trop d'énergie, dont le prix ne fait qu'augmenter", explique Gillo Malpart, président et cofondateur de Mavana, entreprise française spécialisée dans les stratégies bas carbone par l'IoT, qui participera le 7 novembre à un webinar du think-tank GR-IoT, animé par le JDN, sur les surcoûts de l'éco-conception et les moyens de les amoindrir.
A contrario, l'éco-conception apporte des gains quant à la sécurisation de l'approvisionnement et à l'image de marque. "Un produit éco-conçu se distingue sur le marché, ce qui permet à l'entreprise de gagner des parts de marché. On peut comparer la pratique à une pompe à chaleur : l'investissement de départ est plus onéreux mais le produit se révèle plus efficace sur le long-terme", poursuit Gillo Malpart. L'éco-conception sert ainsi de socle à différents projets d'entreprise.
Réduire les déchets
Face à la multiplication des produits électroménager jetés, Geoffroy Hulot et Matthieu De Wolf ont fondé en 2021 la start-up Deglace. Son objectif : concevoir des produits électroménagers modulaires et connectés pour permettre à l'utilisateur de ne remplacer que la pièce défectueuse. "Il y a 50 millions de tonnes de déchets dans le monde. Seuls 5 à 20% de l'électroménager fini au recyclage, les autres appareils sont jetés quand une seule pièce fait défaut", souligne Geoffroy Hulot, qui déplore le volume d'électronique obsolète. Leur premier projet concerne un aspirateur balai connecté, composé de 14 modules assemblés dans lequel l'IoT sert à la maintenance prédictive. Un projet retenu parmi les candidatures pour les Trophées de l'IoT Business Hub, dans la catégorie efficacité énergétique et durabilité. A l'avenir, Deglace pourrait s'étendre aux trottinettes électriques ou des machines à café.
Augmenter la durabilité des produits
"L'IoT doit servir à augmenter la durée de vie de nos produits et à assurer un bon niveau de maintenance"
"C'est dans un objectif de durabilité que l'éco-conception prend le plus d'ampleur", observe sur le marché français Bastien Vaillant, consultant chez le cabinet Magellan Consulting. Un exemple avec Decathlon. Avec son équipe IoT composée d'une centaine de personnes, l'enseigne connecte de plus en plus de produits dédiés aux sportifs. Son dernier né : un vélo de trekking connecté. "L'IoT doit servir à augmenter la durée de vie de nos produits et à assurer un bon niveau de maintenance. Comme la technologie a un coût, il faut un bon niveau de services pour l'absorber", affirme Nicolas Deruy, chef de projet, aussi candidat à l'édition 2023 de l'IoT Business Hub. De même, la start-up Goodfloow base sa solution sur l'éco-conception et vise à garantir la durabilité des emballages industriels réutilisables.
Réduire les consommations d'énergie
Un objet connecté reste un device électronique consommant de l'énergie. Pour réduire son impact, le fabricant Atim a conçu avec l'entreprise TCT (Tores Composants Technologies) un capteur sans batterie, fonctionnant en energy harvesting, c'est-à-dire qu'il s'auto-alimente directement avec le courant qu'il mesure. Nommé e-green sensor, ce capteur permet de mesurer le courant dans un câble électrique ainsi que la température de l'équipement, afin de répertorier les consommations électriques des machines.
Favoriser le recyclage
"Nous allons définir des critères de recyclabilité pour les prochains compteurs"
Troisième brique de l'éco-responsabilité après la réduction d'énergie et la réutilisation : le recyclage. Au cœur de son Enedis Lab, le gestionnaire du réseau de distribution d'électricité français dispose d'équipes qui veillent à l'éco-responsabilité et au fonctionnement des matériaux. "Nous avons conçu pour nos appareils, comme le compteur Linky, des composants qui s'emboîtent, pour faciliter le démontage et la réparabilité. Nous allons définir des critères de recyclabilité pour les prochains compteurs, notamment celui destiné au marché d'affaires, qui représente plus de 200 000 appareils à horizon 2030", précise Eric Perrier, responsable Expertise et Innovation au sein de la Division Compteurs Intelligents, et responsable de l'Enedis Lab. De même, Signify, entreprise spécialisée dans la conception et la production d'éclairage, conçoit un éclairage solaire autonome tout en garantissant la circularité des composants de la solution. "Tout peut être réparer, remplacer et recycler", assure Edouard Warnier, responsable Eclairage Solaire France.
Qualifier les produits
Pour aider les consommateurs à s'y retrouver face à la masse d'objets connectés, plusieurs initiatives émergent pour présenter un NutriScore des produits. Le fabricant Altyor a été l'un des premiers à mettre en place en 2021 un indice d'éco-conception pour la fabrication de ses produits IoT, appelé Design for Tomorrow. Cet indice classe les produits selon une série de critères. Du côté des consommateurs, l'enseigne Leroy Merlin a créé en 2023 son Home index, un indicateur évaluant l'impact environnemental et social d'un produit tout au long de son cycle de vie, avec une note de A à E. Autre projet en essor : celui du studio de développement de produits Rtone. "Dans le BtoC, quand une marque d'objets connectés fait faillite, ses produits sont abandonnés par les utilisateurs. Ce problème n'est adressé par personne. Il faudrait mettre en place des normes pour que, dans ces cas-là, les codes sources et les données des serveurs soient fournis en open source pour que des communautés puissent les reprendre afin que les objets ne soient pas décommissionnés", soutient Adrien Desportes, cofondateur et general manager de Rtone, qui fournit déjà une notice de réparabilité avec chacun de ses produits et travaille sur une charte IoT allant en ce sens.