Jean-Luc Baudouin (Adeunis) "Le rachat par Flexitron était devenu une urgence pour la survie d'Adeunis "

Un mois après la prise de participation majoritaire du groupe Flexitron dans Adeunis, fabricant d'IoT, son directeur général adjoint Jean-Luc Baudouin réagit et explique au JDN sa stratégie 2024.

Jean-Luc Baudouin, PDG d'Adeunis. © Adeunis

JDN. Adeunis a été racheté par le groupe Flexitron mi-décembre. Qu'est-ce qui a mené à cette opération ?

Jean-Luc Baudouin. Le rachat d'Adeunis résulte d'une double volonté depuis un certain temps : pour la société, de continuer son activité et de consolider ses positions, et pour nos fonds d'investissement historiques Capital Export et TempoCap, de sortir du capital de la société. L'opération était une nécessité pour la continuité d'activité d'Adeunis. Nous avons été confronté à un manque de trésorerie lié à la conjoncture : le ralentissement des commandes après l'effet de rattrapage en sortie de covid, la crise des composants qui a décalé la livraison de nos produits puis l'inflation de l'ordre de 20%. Nos stocks ont donc mécaniquement augmenté (le chiffre d'affaires semestriel d'Adeunis au 30 septembre 2023 ressort en retrait de 24% par rapport au S1 2022/2023 à 2 millions d'euros, ndlr). Il nous fallait un partenaire pour nous permettre de continuer à avancer. Cette opération d'adossement s'est concrétisée avec le groupe Flexitron (groupe consacré au développement d'entreprises de haute technologie spécialisés dans les systèmes IoT, les logiciels cloud et l'équipement des taxis, basé à Madrid, ndlr).

Le groupe Flexitron a annoncé une fusion entre Adeunis et l'entreprise Webdyn, qui appartient également au groupe, afin de créer un acteur de l'IoT de l'efficacité énergétique. Comment allez-vous vous organiser avec Webdyn et est-ce que cela va impacter les emplois ?

La vente d'Adeunis a eu lieu le 15 décembre, il est encore trop tôt pour savoir comment nous allons travailler ensemble. La première étape du rachat, qui va encore prendre du temps, est de remettre sur les rails financièrement Adeunis pour nous permettre de poursuivre nos développements. Pour le moment, nous conservons nos 32 emplois sur notre site près de Grenoble. Toutes les hypothèses sont encore ouvertes mais s'il y a des changements, ils seront annoncés au marché étant donné que l'on est côté en bourse. La deuxième étape sera ensuite de consolider notre position sur le marché. Grâce aux clients, on identifie les use cases de l'IoT clairement établis. Nous allons bénéficier de déploiements à l'échelle de plusieurs milliers de capteurs. Dans quelques trimestres ou semestres, nous verrons comment collaborer avec Webdyn et créer des synergies.

Quelle est votre stratégie pour 2024 ?

Comme annoncé, l'énergie est au cœur de notre stratégie. Nous avions déjà pris cette orientation avant l'annonce du rachat car il s'agit de la préoccupation phare dans le bâtiment. Nous avons des gammes de produits pour le comptage et le confort des occupants dans le bâtiment. Pour optimiser les consommations, il faut d'abord comprendre là où elles sont dépensées. L'hiver dernier, l'alerte du gouvernement sur la nécessité de sobriété, relayée par les médias, a permis de générer 9% d'économies d'énergie en France prouvant que, par simple prise de conscience, les comportements changent et les économies en découlent. Avec les mesures par IoT, les économies pourront être durables. D'autant qu'il n'y a pas que l'électricité, l'éclairage et le chauffage sont d'autres sources d'optimisation. De son côté, Webdyn travaille sur les problématiques de comptage et de contrôle d'énergie photovoltaïque. Les deux sociétés sont donc positionnées sur les sujets liés à l'énergie même si les synergies directes ne sont pas encore évidentes.

Quels sont vos travaux en cours sur le sujet de l'énergie ?

Nous avons lancé fin décembre notre nouvelle gamme de capteurs Pulse, dédiée à la gestion intelligente de l'électricité et de l'eau. Nous avons ajouté la technologie cellulaire, avec le NB-IoT et le LTE-M, à notre portefeuille de protocoles car il s'agit d'une technologie connue et déployée mondialement : elle bénéficie d'une très bonne couverture en smart building reposant sur les réseaux cellulaires historiques et tous les clients, qu'ils soient en Europe, en Australie ou aux Etats-Unis, comprennent son fonctionnement avec une carte SIM. Quand on utilise du cellulaire, il faut ajouter une couche protocolaire au-dessus, comme de l'https ou du MQTT. Nous associons dans ces capteurs Pulse le cellulaire avec le protocole Lightweight M2M (LwM2M). Cela fait deux ans que l'on travaille sur le sujet en R&D. Le produit reste le même mais devient beaucoup plus performant car le LwM2M consomme peu, il est conçu pour le device management, il est certifié par l'OMA et permet le provisionning sur un serveur après le déploiement.

Quels sont les challenges à venir en 2024 dans l'IoT ?

Le challenge n'est pas uniquement dans le capteur mais dans l'exploitation des données et les décisions de contrôle. Ce qui sera clé, au niveau du capteur, c'est sa facilité de mise en œuvre, le commissioning des capteurs restant encore à maitriser par de nombreux installateurs. C'est, comme je viens de l'expliquer, pourquoi nous travaillons sur le LwM2M. Il est indispensable de proposer des solutions simples et peu chères. Le challenge principal réside dans l'exploitation des données avec de l'intelligence artificielle. Néanmoins, il n'y a pas de solution miracle, sinon on aurait déjà pris le marché avec notre capteur intégrant de l'IA en edge computing. Toutes les prédictions que l'on a pu faire sur l'IoT depuis sept ans se sont révélées faussées, je ne me risquerais pas à en faire.

Jean-Luc Baudouin a rejoint Adeunis en 2016. Jusqu'à sa nomination en novembre 2022 en qualité de PDG, il en était le directeur général délégué. Avec le rachat de la société Adeunis, il devient directeur général adjoint de l'entité Adeunis / Webdyn dans le Groupe Flexitron. Auparavant, il a travaillé pendant plusieurs années pour Schneider Electric, géant français des équipements électriques et automatismes industriels. Il a également été ingénieur conseil innovation des PME pour Captronic.