Ces deux îles éloignées de quelques kilomètres vivent avec 24 heures de décalage horaire
Dans le froid arctique du détroit de Béring, deux îles se font face : la Grande Diomède, russe, et la Petite Diomède, américaine. Moins de cinq kilomètres d'eau glacée les séparent. Pourtant, un gouffre temporel les distingue. Et pour cause, 21 heures de décalage horaire les tiennent à distance.
Ces deux îles n'ont rien de particulièrement accueillant. Ce sont des blocs rocheux battus par les vents, couverts de brume la majeure partie de l'année. Sur la Petite Diomède, les Inuits qui y vivent sont ravitaillés par hélicoptère. La vie y est rude, dictée par un climat polaire et une mer parfois infranchissable. Côté russe, la Grande Diomède ne compte plus de civils depuis des décennies, remplacés par une base militaire et une station polaire. Le contrôle y est assuré par l'armée russe qui surveille toute tentative d'approche depuis la mer, renforçant le caractère inaccessible de l'île.
Auparavant, les populations locales circulaient librement d'une île à l'autre, à pied sur la banquise ou en kayak quand la mer le permettait. Mais tout a changé avec la vente de l'Alaska aux États-Unis au XIXe siècle, puis la Guerre froide qui a fermé le passage. Désormais, traverser entre les deux îles est interdit et risqué, car il s'agit de franchir la limite entre deux puissances mondiales. Malgré la proximité, la frontière est strictement surveillée, rendant tout contact officiel impossible aujourd'hui.

Les exploits restent rares dans ces conditions extrêmes, mais certains ont marqué les esprits. En 1987, la nageuse américaine Lynne Cox relie les deux rives à la nage pour célébrer le rapprochement entre la Russie et les États-Unis. En 2012, le Français Philippe Croizon, amputé des quatre membres, réalise la traversée. Ces aventures rappellent que, malgré la rudesse du climat et l'isolement, les Diomède fascinent toujours autant. Lorsqu'on évoque des projets de liaison entre l'Asie et l'Amérique, les Diomède sont systématiquement citées, même si la réalité rend ces rêves irréalisables pour l'instant.
Mais ce qui fait la véritable célébrité de ces îles, c'est leur singularité temporelle. Moins de cinq kilomètres de distance, et pourtant, presque une journée d'écart entre leurs horloges. Lorsque le lundi touche à sa fin côté américain, la Russie, de l'autre côté de la brume, est déjà plongée dans le mardi soir.
Aujourd'hui, la Petite Diomède, du côté américain, abrite environ 160 habitants regroupés dans le village de Diomède. Celui-ci comporte une école, une église, et un unique magasin. Les liaisons avec le continent se font par hélicoptère depuis l'Alaska, et il n'existe aucune liaison directe entre les deux îles.
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