La fonte des Alpes pourrait cacher une bombe sismique, les scientifiques sont inquiets
Le paysage alpin change à une vitesse inédite. Chaque été, les glaciers reculent un peu plus, le permafrost cède du terrain et les arêtes rocheuses, autrefois éternelles, s'effondrent. La scène est spectaculaire, mais un phénomène plus discret, et potentiellement bien plus inquiétant, s'est récemment invité dans ce décor : la montagne tremble, littéralement.
Depuis 2015, les sismologues observent un ballet inquiétant de petits séismes qui ébranlent chaque automne le massif du Mont-Blanc, notamment sous les Grandes Jorasses. Cette activité inédite ne ressemble en rien à ce que l'on connaissait jusque-là. Les secousses suivent un étrange rythme saisonnier, calé sur la fonte annuelle des neiges et des glaces.
Et ce n'est pas une simple coïncidence. La région du Mont-Blanc abrite d'impressionnantes failles tectoniques, vestiges d'anciennes poussées de la croûte terrestre. Longtemps, ces fractures ont sommeillé sous l'épaisse protection de la glace. Mais aujourd'hui, tout a changé. Depuis une décennie, la montée des températures bouleverse l'équilibre naturel. Les glaciers s'amenuisent, le manteau neigeux se raréfie, et surtout, de plus en plus d'eau de fonte s'infiltre dans les profondeurs de la montagne. Or, cette infiltration massive d'eau agit comme un lubrifiant, révèle une étude. Elle exerce une pression sur les failles cachées, réduisant leur résistance, jusqu'à provoquer de véritables ruptures.

Plus surprenant encore, tout ce processus s'accélère à mesure que la fonte des glaciers gagne du terrain, sous l'effet direct des vagues de chaleur et des étés caniculaires. Depuis 2019, des séismes plus puissants ont secoué la région, atteignant des magnitudes inédites depuis des décennies. Ainsi, lors des pics de fonte, le risque sismique peut bondir, certains jours, jusqu'à cent fois plus que la normale.
Pour les habitants des vallées alpines, ces résultats posent question. Si de petits séismes rythment désormais les saisons, qu'en serait-il si un événement plus fort venait à se produire ? D'autant que le phénomène ne se limite pas au seul massif du Mont-Blanc. D'après les chercheurs, d'autres secteurs alpins, notamment ceux où la glace et le permafrost fondent rapidement, pourraient être exposés. Le risque n'est pas homogène. Il concerne d'abord les zones où des failles traversent des couches de roche fragilisées, sous des glaciers ou dans les zones de haute montagne. Des régions comme le Valais, les Ecrins ou les vallées proches de la frontière italienne pourraient elles aussi connaître des épisodes sismiques.
Jusqu'ici, les habitants et les autorités surveillaient surtout l'activité tectonique profonde, bien plus lente. Désormais, il faudra aussi tenir compte de ce nouveau facteur climatique, imprévisible et susceptible de frapper chaque année.