Licencié parce qu'il regarde Netflix au bureau, il affirme devant la cour qu'il peut faire deux choses en même temps
Des journées de travail où il ne travaillait pas complètement. Le 5 janvier 2017, un salarié est embauché en qualité de chargé d'affaires dans une entreprise de maintenance industrielle. Après des premiers mois sans encombre, la situation se dégrade au cours de l'année 2019. Le salarié se voit reprocher un grand manque d'investissement dans son travail. "Il pouvait passer jusqu'à 4 heures par jour à regarder des films et des séries sur Netflix", explique Kenny Lassus, avocat en droit du travail au Barreau de Paris.
Le 21 octobre 2019, le salarié est convoqué pour un entretien préalable au licenciement, conformément à l'article L1232-2 du Code du Travail. Il est licencié pour faute grave quelques semaines plus tard, le 19 novembre 2019. C'est le début de 6 ans d'une bataille juridique qui se terminera devant la cour d'appel de Versailles le 17 mars 2025.
Dans le courrier prononçant la sanction, prévu par l'article L. 1232-6 du Code du Travail, l'entreprise énumère les fautes du salarié et relève un manque d'implication. Elle note également une baisse de 60% des résultats de la société sur l'année en cours. Elle estime que le salarié agit de manière contraire à ses obligations et qu'il est impossible de le maintenir à son poste.
"Il nous a été rapporté récemment, par trois personnes différentes, qu'au cours d'un chantier […] vous étiez assis, les pieds sur le bureau, en présence de l'opérateur de la centrale et du technicien de maintenance en charge du secteur […] lorsque vous étiez dans cette posture, vous étiez en conversation, sur haut-parleur, avec votre épouse", note par exemple l'employeur.

"Le temps de travail doit être utilisé pour effectuer les missions confiées, l'employeur a tout donc tout à fait le droit d'estimer que c'est un manquement à la loyauté et un non-respect des obligations", commente Kenny Lassus. Plusieurs témoignages d'autres salariés de l'entreprise critiquent ouvertement l'attitude du salarié licencié, ce qui renforce la décision.
Toutefois, le salarié ne souhaite pas en rester là et saisit la justice pour contester son licenciement. "Son principal argument était qu'il pouvait regarder Netflix et travailler en même temps grâce à des écrans partagés. La cour d'appel a évidemment estimé que ce n'était pas admissible", raconte Kenny Lassus.
Le salarié a également tenté de se défendre en évoquant la courte durée de ses connexions à Netflix. Là encore, l'argument est rejeté. "D'après le code du travail, il faut travailler 6 heures consécutives pour avoir 20 minutes de pause donc il ne pouvait pas regarder Netflix 4 heures par jour avec ce raisonnement. Par exemple, le vendredi 2 août 2019, l'entreprise a relevé des connexions à la plateforme à 8h44, 9h04, 9h47, 13h46, 14h06, 14h27, 14h49, 16h12", relève l'avocat.
Devant cette faible stratégie défensive, la cour d'appel de Versailles a confirmé le licenciement dans une décision du 17 mars 2025. Aurait-il pu y échapper avec d'autres arguments ? "Il aurait pu tenter de contester le détail technique des connexions mais il ne l'a pas fait. De même, il aurait pu attaquer la légitimité du contrôle informatique ou demander la requalification de sa faute grave en faute simple", répond Kenny Lassus.
En se contentant d'expliquer qu'il pouvait travailler et regarder une série en même temps, le salarié a permis à la cour de confirmer la faute grave justifiant la rupture de son contrat. Du côté de l'employeur, avoir l'historique des connexions ainsi que des témoignages de collègues a permis de constituer un dossier de preuves solides justifiant le licenciement. L'ex-salarié peut désormais passer du temps sur Netflix, en toute tranquillité.