EIRL ou EURL : quel statut pour protéger mes biens ?

Pour choisir son statut juridique, le créateur d'entreprise doit prendre en compte la manière dont ses biens personnels sont protégés. Entreprise individuelle, EURL ou EIRL... le décryptage de Serge Thomas, conseiller d'entreprise à CER France.

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Serge Thomas. © CER France

Protéger ses biens en cas de défaillance de l'entreprise est une problématique incontournable au moment de choisir le statut juridique et la raison sociale les plus adaptées à son activité. Pour nombre de chefs d'entreprise, l'équation peut être résumée de la façon suivante : entreprise individuelle = responsabilité illimitée. En d'autres termes, avec cette forme juridique, le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel ne font qu'un. En cas de coup dur, le chef d'entreprise accepte d'engager ses biens personnels pour dédommager ses créanciers. A l'inverse, l'EIRL (entreprise individuelle à responsabilité limitée) et les sociétés, dont l'EURL (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée), permettent de limiter la responsabilité du chef d'entreprise en opérant une distinction entre les patrimoines privé et professionnel. Faut-il en conclure à la suprématie de ces formules juridiques ? Quelles sont les limites de cette protection ?

 La protection des biens personnels

Selon des règles différentes, chaque forme juridique permet au chef d'entreprise de mettre tout ou partie de ses biens personnels à l'abri en cas de difficultés économiques de l'entreprise.

L'entrepreneur individuel "classique" peut déposer une déclaration d'insaisissabilité de son patrimoine foncier et immobilier qui lui permet de mettre ces biens à l'abri des créanciers professionnels.

L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée dispose d'un patrimoine professionnel qui constitue en principe l'unique garantie des créanciers professionnels. Contrairement à la déclaration d'insaisissabilité de l'entrepreneur individuel "classique" qui désigne ce qui est protégé (les immeubles), le patrimoine affecté de l'EIRL désigne ce qui est saisissable (uniquement les biens professionnels).

L'EURL ou la SARL disposent d'un capital social qui représente le montant maximal sur lequel le chef d'entreprise s'engage. Comparativement aux deux autres dispositifs, l'EURL permet de mettre à l'abri l'ensemble des biens personnels et, cerise sur le gâteau, de définir le montant du capital sur lequel on accepte de s'engager. Sur le papier la société a incontestablement une longueur d'avance.

 Les limites la responsabilité limitée

Le principe de protection du patrimoine personnel posé par l'EIRL ou l'EURL repose sur la séparation des patrimoines. Au-delà de la littérature, la pratique montre que "l'étanchéité" entre les patrimoines est loin d'être garantie. Les cas de remise en cause sont nombreux et peuvent trouver leur origine dans la vie quotidienne de l'entreprise.

La première exception concerne le financement de l'entreprise et de ses investissements. Si le capital social ou le patrimoine professionnel affecté est faible, le banquier sera naturellement porté à demander d'autres garanties, notamment des garanties personnelles sous forme de caution ou de renoncement à la déclaration d'affectation du patrimoine professionnel. Dans ces deux cas, le dirigeant se retrouve dans la même position que l'entrepreneur individuel "classique" à savoir responsable sur l'ensemble de son patrimoine personnel. La situation peut même devenir moins favorable que pour l'entrepreneur individuel "classique" qui, grâce à la déclaration d'insaisissabilité, peut protéger son patrimoine immobilier.

L'activité quotidienne de l'entreprise est également source de responsabilité pour le chef d'entreprise : un client se blesse dans les locaux de l'entreprise à cause d'un sol glissant, les produits livrés sont défectueux et causent des dégâts chez le client ou encore un artisan endommage un meuble qu'il est chargé de restaurer. Face à cette catégorie de risques l'entrepreneur individuel, l'EIRL et le gérant de société sont logés à la même enseigne. L'assurance responsabilité civile professionnelle du chef d'entreprise prendra en charge les conséquences financières de ces dommages, permettant ainsi au chef d'entreprise de préserver ses biens personnels.

Enfin troisième source de responsabilité et pas la moindre : la faute de gestion. La mise en évidence d'une telle faute aura pour effet, d'engager la responsabilité civile et pénale du chef d'entreprise. Contrairement aux exemples précédents, la faute de gestion n'est que rarement assurable, les responsabilités civiles des mandataires sociaux ne couvrent pas le risque pénal. Même s'ils échappent le plus souvent aux peines d'emprisonnement, les chefs d'entreprise ne sont pas à l'abri d'amendes, du paiement de dommages et intérêts aux victimes qu'ils devront assumer personnellement.

La forme juridique adoptée n'est jamais une "assurance tous risque". Le fait d'être bien assuré, d'être vigilant dans la gestion de l'entreprise sont des gardes fous tout aussi important que la coquille qui enrobe l'activité.

EIRL : attention aux dates

D'une manière générale, ces dispositifs protègent le chef d'entreprise des créances nées après leur mise en place. Une exception toutefois, l'EIRL peut décider que les créances nées avant le dépôt de la déclaration de patrimoine professionnel sont couvertes par cette déclaration, mais à une seule condition : que les créanciers concernés soient informés. A partir de là, ils pourront s'opposer à l'applicabilité de la responsabilité limitée à leurs créances. Un juge décidera si l'opposition est justifiée et pourra imposer à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée soit de rembourser la somme en cause soit de garantir le paiement de la créance.