Innovons en innovation : Pour une innovation non-technologique et pour tous

La France doit réformer sa politique de l'innovation pour affronter les défis du XXIe siècle.

Philippe Rivière, dans le Monde Diplomatique de décembre 2009, décrit la progression exponentielle des changements que nous allons devoir intégrer dans les 100 prochaines années. Selon lui, « les cent années qui viennent correspondront non pas à  un siècle d’avancées, mais à l’équivalent de vingt mille ans de progrès, calculés avec le niveau de progression d’aujourd’hui ».
Face à cette accélération des changements, les entreprises, si elles veulent survivre, doivent être capables d’innover avec encore plus de maîtrise de la performance, du risque, des coûts et des délais. Cela suppose qu’elles intègrent les rouages du management de l’innovation, que ces derniers soient enfin explicités et surtout, que leur efficacité soit prouvée !
Saurons-nous relever le défi que nous propose notre siècle ? En tant qu'expert scientifique en management de l'innovation, en tant que chef d'entreprise dans le domaine de l'innovation et en tant que JD, je ne peux rester indifférent devant le gâchis qui se prépare.

1. NON,  si nous ne nous donnons pas les moyens de réellement piloter l'innovation (ou plutôt les innovations) en France et en Europe  

Malgré cette projection, je suis très pessimiste. En effet, je me demande pourquoi nous n'arrivons pas à utiliser l'ensemble des fonds innovation que la commission européenne met à disposition de la France chaque année alors que nos petites entreprises, dont l'expertise, la connaissance, la réactivité et la volonté de se développer (volonté qui manque souvent : restons petits et locaux...) ne sont plus à démontrer, et qu'elles doivent faire face à des difficultés liées au manque de soutien des investisseurs.  
Je me demande pourquoi la majorité de ces mêmes subventions et investissements en innovation ne concernent toujours que les projets à fortes dominantes technologiques et non pas des projets d'innovations sociétaux (comme par exemple pour la garde d'enfant) ou mieux encore des projets innovations d'organisations (qui nous permettraient par exemple de disposer de solutions plus acceptables pour  l'accompagnement des personnes âgées...).
Enfin, je me demande pourquoi nous n'arriverons pas à aider un porteur de projet d'innovation culinaire comme par exemple ces 2 anciennes institutrices du pays basque qui ont proposé un restaurant innovant itinérant et proches des gens et qui ont dû aller chercher des financements en Angleterre. (Parce que l'on confond innovation, recherche et technologie) Une norme pour l'innovation : une volonté d'améliorer l'efficacité de l'innovation européenne ?  
La commission européenne a bien conscience du besoin d'améliorer l'efficacité, la diversité (technologiques et non-technologiques) des projets d'innovations et des investissements associés.  C'est pourquoi, elle a commandité aux différents pays membres et volontaires de participer à des travaux de normalisation sur ce sujet.
L'avenir de notre potentiel d'innovation national va se retrouver fortement conditionné par les résultats de ces travaux de normalisation européens sur "le management de l'innovation" prévu pour 2012.
L'aspect positif de cette démarche consiste à proposer un cadre opérationnel en ce qui concerne l'aide à l'innovation au niveau européen. Cette démarche est plutôt louable dans la mesure où elle doit permettre de rendre plus efficients les projets d'innovation et nous amener à une plus grande réussite des projets innovants. Elle est d'autant plus louable qu'elle n'a pas pour objectif de définir une norme mais bel et bien un cadre de bonnes pratiques et de principes qui conditionneront les aides à l'innovation. Cette commission a au moins le mérite de nous poser des questions quant à l'organisation et au pilotage de l'innovation.

La vision française sera-t-elle un réel compromis entre les approches grand groupe et PME ?
 
L'ensemble des experts et des acteurs de l'innovation française sont présents. Les experts des grands groupes français sont également là pour partager leur expérience dans ce domaine.
J'ai la chance de faire partie de cette mission européenne. A ma grande surprise, nous sommes peu nombreux à apporter la vision opérationnelle des PME et TPEJe suis surtout très inquiet sur le fait que peu de moyens sont actuellement mis en oeuvre pour effectuer ce travail. Ainsi, ceci risque de ne pas permettre un travail de fond ni une « fusion de l'ensemble de nos visions, quelles soient issues des grands groupes, des petites entreprises ou des scientifiques». Les entretiens de Margaux faisait déjà état de cette situation
 
Pourquoi faisons-nous partie des pays membres qui doivent élaborer cette norme avec des silex, sans moyen ?
En effet, à notre grande surprise, là où l'Allemagne met à disposition de ses experts nationaux un budget de 2,1 millions d'euros, les experts Français doivent eux subvenir à leur propres dépenses voire même contribuer financièrement au projet. 
Les conséquences sont très simples. Les pays qui ont plus de budgets de fonctionnement disposeront de projets plus aboutis, auront une présence plus accrue dans les commissions et auront donc un pouvoir d'influence plus grand. Des risques de voir s'effondrer le capital innovation de nos PME et TPE !
Les  risques sont majeurs et nous irons alors vers :
• un cadre normatif imposé par un pays tiers qui n'intégrera pas les particularités « culturelles » des autres nations
• une norme élaborée sur la base de lobbying, d'influence et non sur un travail de fond
• des aides européennes que nous ne pourrons plus obtenir en région car nos petites entreprises ne se retrouveront pas dans ce cadre normatif
• L'innovation se réalise à plusieurs et si la norme ne convient qu'à une poignée, c'est tout le potentiel d'innovation qui s'effondrera
Quand considérerons-nous les travaux de normalisation comme étant un travail de fond pour améliorer les pratiques comme des Ford et Taylor l'on fait à leur époque et non pas un cadre d'influence dans lequel il faut essayer d'imposer sa vision !
 
Ce projet de normalisation a pour but d'optimiser les aides à l'innovation. Il a pour objectif d'améliorer les résultats des entreprises qui innovent, de rendre l'Europe encore plus compétitive dans le marché de demain. Il s'agit donc de faire plus avec moins, il s'agit donc de faire mieux ! Pour autant, nous allons fonctionner à l'économie là où les autres pays investissent pour imposer leur vision.
Une des lettres de mission a déjà été refusée par les groupes d'experts européens car elle nous imposait, non pas de proposer une méthode d'accompagnement européen à l'innovation, mais bel et bien de définir comment mettre en place la méthode d'innovation allemande. 2. NON, nous ne relèverons pas le défi du XXIe siècle si nous restons sur l'unique politique et vision technologique de l'innovation ! Il faut promouvoir tous les projets d'innovation « non-technologique » sous peine de ne pas donner les moyens de maintenir nos petites entreprises sur les marchés de demain ! "L'innovation la plus efficace est « globale », pas technologique".
Aujourd'hui, l'ensemble de notre appareil favorisant l'innovation a été orientée vers l'unique innovation technologique. A tel point que la plupart d'entre nous associent le mot « innovation » à « nouvelle technologie ».
Or, l'innovation est une démarche que tout porteur de projet peut mener. En effet, innover correspond à la capacité à proposer quelque chose de nouveau dans un domaine, de vérifier que cette nouveauté apporte un plus et surtout qu'elle est acceptée par l'environnement et les personnes qui vont y être confrontées. On comprend alors que l'on peut innover dans un service, dans une organisation... Or, à ce jour, lorsque l'on souhaite innover autrement que dans la technologie, très peu de portes s'ouvrent, très peu de financiers vous suivent ....

• A quand des projets d'innovation divers et variés ?
• Quand pourrons-nous comprendre que la technologie sera porteuse d'innovation mais, qu'en parallèle, il faut développer voir consacrer encore plus d'argent aux projets d'innovation non technologique ?
Si nous n'aidons pas les porteurs de projets et chefs d'entreprises à élaborer les solutions innovantes de demain, nous laisserons l'économie de demain aux autres pays. Ces pays ne sont pas de l'autre coté du globe. Ils sont européens. Certains pays nordiques se sont regroupés pour promouvoir des projets d'innovation dans le design, les services, la communication...
Sur quel potentiel devons-nous investir pour innover ? Une seule réponse : l'homme et lui seul ! Elaborons donc  une norme qui assiste les hommes et leurs projets dans leur volonté de créer de la valeur durable via leur créativité et leur capacité à maitriser le changement. 
 
3. Propositions : Il faut  innover en innovation !
 
Politique d'innovation
L'ensemble de notre politique d'innovation est uniquement centralisée sur les nouvelles technologies comme source d'innovation. Comme toute stratégie, la voie unique est dangereuse ! Or l'économie de demain sera celle de l'homme et de la terre. De nombreuses innovations fiscales, sociales, de services... et surtout d'innovations organisationnelles sont à mettre en place et pour cela il faut ouvrir le champ de vision de la France.
 
Recherche en innovation
Pourquoi n'investissons-nous pas dans la connaissance de l'innovation via des laboratoires de recherche spécifiques comme dans d'autres temps, des gens comme Ford ou Taylor, Fayol et bien d'autres ont créé l'OST (organisation scientifique du travail) pour mieux organiser le travail et relever les défis du XXe siècle. Les méthodes, outils, principes de management ont totalement conditionnés les évolutions de notre monde tant sur les aspects industriels, social... Piloter et améliorer l'innovation en France
Si  l'on veut augmenter l'efficacité, le « rendement » des projets d'innovation (et donc de leur financement), il faut considérer l'innovation comme une activité à part entière.
Il faut former à la source à la notion de création de valeur durable, il faut donner les méthodes et les outils nécessaires pour rendre ces démarche plus sûres. Les experts le confirment et certains disent qu' "Il faut réformer Oséo certainement à cause de sa dérive financière. L'innovation est coincée entre les ministères de la recherche et celui de l'industrie. Il faudrait imposer aux ministères de collaborer et je penche pour un ministère de l'entreprise, or l'entreprise sans innovation ne se conçoit plus."
Je milite ainsi pour la création d'un ministère de l'innovation sur le modèle canadien. Aujourd'hui, il est indispensable de créer une structure qui fédère les démarches, travaux en innovation. Cette structure capitaliserait sur les réussites et les échecs des projets des pôles de compétitivité, des projets subventionnés par Oséo mais également des projets d'innovation « non-technologiques » jusqu'à lors sortie du « système ».
Ce ministère de l'innovation serait un pilote stratégique, un coordinateur et une interface entre les ministères
• de la recherche,
• de l'industrie
• du travail
• de l'écologie
Il faut que ce ministère soit  en lien direct avec celui de la finance pour redéfinir des règles d'évaluation des business plan des entreprises qui souhaitent innover et que les investisseurs suivent ces nouvelles règles d'investissement et d'évaluation des risques.
Ce ministère devrait s'appuyer sur un réseau d'instituts de l'innovation en régions et territoires pour s'assurer de la bonne conduite des projets et surtout de la remonté des réalités du terrain pour toujours proposer une innovation « opérationnelle » à notre économie. Se donner les moyens de proposer à l'Europe (donc à nous même) un cadre normatif constructif et efficace
Il devient donc indispensable de dégager un budget pour que le groupe d'experts français puisse passer du temps sur ce travail de normalisation. La France a besoin que nous défendions sa vision de l'innovation.
En conclusion, il est clair que nous devons, à court terme, trouver des financements pour réaliser de manière efficace ces travaux. A plus long terme, nous devons militer pour la création d'une structure globale, uniquement dédiée à l'innovation.