L’agilité peut-elle s’épanouir dans la culture française ?

Si beaucoup d’organisations ont déjà commencé à opérer des transformations en profondeur, c’est à un niveau beaucoup plus global que le besoin de changement et de restructuration se fait sentir dans notre pays. Comment l'agilité peut-elle faire faire un bond dans la transformation des entreprises ?

Entre un lourd héritage d’un management administratif et un risque croissant d’ubérisation des activités les plus génériques, le contexte économique français semble éprouver des difficultés à se réformer et à intégrer l’innovation continue, notamment l’innovation managériale. L’agilité, dont beaucoup parlent, mais que peu savent véritablement définir et appliquer, pourrait bien être un moyen efficace de s’améliorer voire même de se métamorphoser, si l’on accepte de sérieusement le considérer.

 

Au-delà de l’effet de mode (réel) ou de nouvelles méthodes et outils qui ne demandent qu’à s’appliquer mécaniquement, l’agilité est à la fois une nouvelle manière de travailler et une culture à part entière. Le Manifeste Agile rédigé par 17 développeurs informatiques visionnaires au début des années 2000, propose 4 grandes valeurs et 12 principes sous-jacents qui renvoient à la dimension humaine et relationnelle inhérente au travail. Ainsi, travailler de manière agile c’est se concentrer sur les interactions entre les individus plus que sur les processus et les outils, produire des logiciels opérationnels (ou des produits, des services…) plus qu’une documentation exhaustive, collaborer avec le client plus que négocier de manière contractuelle et enfin préférer au suivi d’un plan le fait de s’adapter en permanence au changement. Bref, passer en “mode agile” est bien plus qu’un vernis de surface. Il ne suffira pas d’implémenter un nouveau vocabulaire “branché”, quelques “cérémonies”. Ce qui est attendu c’est d’entamer une transformation profonde des états d’esprit et de la culture de l'entreprise pour espérer des résultats tangibles et durables.

 

L’examen de ces valeurs et les processus qu’elles impliquent nous amènent régulièrement à nous questionner sur la possibilité d’intégrer cette culture agile à la culture managériale française. Un système éducatif très vertical et élitiste au démarrage, une hiérarchie centralisée, voire autoritaire, un management pyramidal, une culture du risque peu présente et une intelligence collective souvent sous-exploitée. Voilà l’image un peu sévère que l’on pourrait avoir de la France… Cependant, il semble que cette image ne soit pas une fatalité et beaucoup d’entreprises ont pris conscience du besoin de transformer leur manière de travailler, laissant un peu plus de place à l’accueil de cette culture agile et de ses valeurs, les nouvelles générations se chargeant de le leur rappeler !

 

Sans toutes les citer, nombreuses sont les institutions bancaires et financières françaises qui mènent depuis plusieurs années déjà des programmes de transformation, notamment sous la pression de leur département informatique. Leur objectif ? Casser les silos et accélérer le fameux time-to-market en livrant, le plus vite possible, la “valeur” la plus utile aux clients. Ici, pas de néo-taylorisme, mais au contraire des équipes qui apprennent l’autonomie de décision et la pratique de l’amélioration continue ; des ponts que l’on construit, par expérimentations successives, entre le métier et la technique, un souci que l’on porte à la “météo” des équipes et des personnes pour leur permettre de produire dans les meilleures conditions possibles, sans la pression du reporting ni du suivi des indicateurs. Ces pratiques bousculent les hiérarchies, les organisations, les plans de carrière, la question de la rémunération et des objectifs individuels. 

 

Sans toutes les citer, nombreuses sont les institutions bancaires et financières françaises qui mènent depuis plusieurs années déjà des programmes de transformations, notamment sous la pression de leurs départements informatiques. Leur objectif ? Casser les silos et accélérer le fameux time-to-market en livrant, le plus vite possible, la “valeur” la plus utile aux clients. Ici, pas de néo-taylorisme, mais au contraire des équipes qui apprennent l’autonomie de décision et la pratique de l’amélioration continue ; des ponts que l’on construit, par expérimentations successives, entre le métier et la technique, un souci que l’on porte à la “météo” des équipes et des personnes pour leur permettre de produire dans les meilleures conditions possibles, sans la pression du reporting ni du suivi des indicateurs. Ces pratiques bousculent les hiérarchies, les organisations, les plans de carrière, la question de la rémunération et des objectifs individuels.

 

Récemment, Alistair Cockburn, l’un des signataires du manifeste agile, était de passage en France. Il partageait, devant des parterres fournis de dirigeants du secteur bancaire, mais aussi de plus en plus d’industriels, son étonnement devant la transformation de certains terrains qui adoptent des schémas de transformation avec la volonté de toucher à la fois le haut et le bas des organisations. La transformation selon lui y est bel et bien commencée. Attention toutefois au facteur temps : une transformation qui dépasse la traditionnelle réorganisation et sa classique conduite du changement s’inscrit dans le temps long. Les entreprises qui se sont transformées avec succès (plus rapides, plus légères, plus réactives et paradoxalement plus solides face à la complexité) ont toutes mis plus de 10 ans avant d’atteindre leur but ou se sont construites directement sur cette culture.

 

L’agilité n’est pas l’apanage des institutions bancaires et financières en France. D’autres secteurs emploient des frameworks (cadres de travail) agiles. Dans l’éducation par exemple, des initiatives autour de l’emploi de Scrum (une méthode agile de gestion de projet) se déploient et nous faisons face à des partages d’expérimentations très intéressants, dans des organisations particulièrement complexes comme l’Education Nationale. Dans l’administration publique, on expérimente, plus ou moins confidentiellement, les processus simplifiés de l’agilité. Dans la santé, certains pratiquent déjà l’amélioration continue par et pour les personnels soignants et les patients...

 

L’agilité, un mot à la mode ? Sans doute, mais les valeurs qu’elle porte s’installent, elles, durablement dans notre paysage. Et c’est une bonne chose.