Pourquoi le déconfinement risque de créer la panique dans les organisations RH ?

Les organisations se dirigent vers une inconnue où seules les bonnes pratiques de gestion seront salvatrices. Pour orchestrer ce déconfinement économique, les RH seront en première ligne, jouant un rôle décisif !

CEO d’une entreprise spécialisée dans l’organisation RH de grands groupes, j’ai vécu le confinement au cœur des cellules de crise de grands noms du CAC 40. Nous avons vu de grandes entreprises faire face à l’inconnu avec une résilience stupéfiante, une agilité qui ferait pâlir de nombreuses startups. Ces organisations ont un avantage sur le reste du marché : toute ou partie de leurs opérations étaient encore en activité pendant les huit semaines de confinement. Cependant, cette situation nous permet aussi de tirer la sonnette d’alarme : le saut dans l’inconnu du déconfinement risque de voir de nombreux centres de profits fonctionner à perte pendant les mois de reprise, déclenchant un effet de bord dramatique.

Une explosion des postes vacants

Tout d’abord, les professionnels RH doivent considérer que le retour au travail sera laborieux. Le taux d’absentéisme dans l’agroalimentaire est monté jusqu’à 40% dans certaines régions pendant le confinement. Sans atteindre ces niveaux jamais vus, beaucoup de secteurs seront bien loin des 5,1% d’absentéisme moyen en France.

Ajoutons à cela la fatigue du personnel en activité pendant la crise, souvent épuisé, qui n’a que rarement bénéficié de congés pendant les semaines de confinement. Rappelons également que, légalement, les congés se soldent fin mai en France : des centaines de milliers de travailleurs français doivent prendre plusieurs jours d’ici fin la fin du mois, augmentant encore les postes vacants.

Résultat, les opérations fonctionneront parfois au ralenti, impactant le chiffre d’affaires.

Des écarts de besoin en personnel très localisés, des métiers à réinventer

Cette donnée sera à mettre en face de l’autre grande inconnue : la vitesse de reprise de consommation. Nous anticipons des différences fortes selon les régions et les secteurs d’activité.

Prenons l’exemple du prêt-à-porter : les consommateurs en grande surface, toujours fermées, vont-ils se rabattre vers les magasins en centre-ville ? Si cela est bien le cas, quel sera l’impact des distances de sécurité dans les magasins sur le chiffre d’affaires ?

Ces baisses d’activités sont compensées par de nombreuses initiatives, notamment de vente à distance. Les RH ont un chantier gigantesque et urgent de mise à jour des compétences : qui peut aider à la livraison ou dans les entrepôts ? Qui a les compétences pour aider sur les chantiers encore ouverts pour la construction ?

Ce travail limitera le chômage partiel dans de nombreuses organisations et permettra une reprise plus efficace.

Enfin, la formation aux nouvelles normes de sécurité devra être suivie de près, tant le consommateur les placera en critère essentiel de son rapport à une enseigne.

Le risque d’un impact sur les centres de profits

Peu de ces éléments sont anticipables. Même à titre individuel nous ne savons pas comment nous vivrons le déconfinement. Impossible dans ces conditions d’anticiper les comportements de 70 millions de consommateurs !

Cela entrainera certainement des inadéquations entre le chiffre d’affaires des centres de profits et leur masse salariale. Le résultat peut être dramatique, avec un effet du déconfinement négatif pour de nombreuses entreprises : un fonctionnement à perte ! Les Ressources Humaines sont, dans ces conditions, le partenaire stratégique des Directions des Opérations pour limiter la casse.

La clé : anticipation, proximité et réactivité

Plusieurs travaux doivent être enclenchés dès maintenant par les RH pour minimiser les effets de bord du 11 mai. En plus du travail sur les compétences, limiter les temps de transport en commun est absolument capital. L’absentéisme sera limité si les travailleurs français se sentent en sécurité lors de leurs déplacements domicile – travail.

La plupart des entreprises ont constitué des cellules de crise RH, qui ont prouvé leur valeur pendant le confinement. Ces équipes doivent être conservées le plus longtemps possible pour gérer en temps réel l’allocation des ressources sur le terrain de la manière la plus responsable et intelligente possible.

Après 8 semaines d’arrêt abrupte, les organisations se dirigent vers une inconnue toute aussi dangereuse, où les aides de l’état vont petit à petit se raréfier. Seules les bonnes pratiques de gestion seront salvatrices.