De quoi le rebond nécessaire au redémarrage de l'économie doit-il être fait ?

Nous avons besoin d'un rebond enrichi par l'expérience par tout ce que nous aurons découvert dans nos environnements personnel ou collectif pendant la période inédite du confinement.

Tout le monde ou presque s’accorde à dire que développer sa capacité à innover sera critique dans le futur. Et cette innovation devra être multi-facettes : dans les offres et la façon de faire du business, dans l’organisation du travail et la gouvernance des organisations, dans les relations inter-personnelles notamment. Or les observations remontant du terrain nous apprennent également que l’effort d’innovation a diminué de moitié pendant la crise. De plus dans les interviews que nous avons menées mais aussi dans celles menées par d’autres cabinets, on constate qu’une majorité d’entreprises est en train de dé-prioriser l’innovation au profit d’objectifs très court terme comme :

  • Consolider le cœur de métier,
  • Rechercher des espaces d'opportunités connus,
  • Economiser de l'argent et minimiser les risques,
  • Attendre une meilleure visibilité sur les marchés.

Or nous sommes convaincus que c’est tout l’inverse qui assurera le vrai rebond, c’est à dire :

  • Dans la droite ligne de la vision revisitée et d’une raison d’être partagée, identifier et développer de nouvelles opportunités révélées par la crise,
  • Réévaluer le portefeuille d’initiatives innovantes et veiller à ce que les ressources soient allouées en cohérence,
  • Enrichir ce portefeuille à l’aune des fractures auxquelles on a fait face et qui sont porteuses d’enseignements précieux,
  • Surveiller de nouveaux compétiteurs issus de la crise : par exemple qui aurait pu imaginer début 2020 que Dyson se mettrait à fabriquer des appareils respiratoires ? ceci prouve bien que des technologies peuvent être importées dans un nouveau domaine d’application par le seul fait que des équipes sont mobilisées.

Donc plus que jamais, parce que l’espace-temps s’est compressé, aller à l’essentiel  est clé.  Nous proposons de décliner ce changement de paradigme en :

  • Se simplifier la vie et gagner en efficacité, voire automatiser si c’est possible – dans certains cas en considérant l’apport que pourrait être l’IA,
  • Se concentrer sur ce qui est capital pour créer de la valeur,
  • Changer de posture.

Se simplifier la vie et gagner en efficacité

Pendant la crise, certains processus ont dû être bousculés pour continuer à travailler et produire ; en particulier les « circuits courts » ont démontré leur efficacité. Pourquoi, en conséquence, faudrait-il revenir à la lourdeur du passé ? Et si vision et raison d’être ont bien irrigué toutes les couches de l’organisation, il sera d’autant plus efficace de laisser prendre des décisions sans une centralisation à outrance.

Pendant la crise, certaines entreprises nous ont relaté quelques belles histoires. Voici un exemple : "Nous avons réussi à faire en cinq jours ce que nous n’aurions jamais réussi à faire en temps normal, avec nos contraintes de gouvernances et juridiques. Nous n’avions pas le choix, il fallait défendre le business, alors nous nous sommes mis autour de la table, et nous avons avancé à marche forcée. Au final, ce sera un beau souvenir, qui crée des liens. On sait maintenant que c’est possible, il faut qu’on apprenne à garder cette capacité à dépasser les périmètres d’intervention, à retrouver notre capacité à inventer de nouveaux modes de fonctionnement, au-delà de la gestion de crise."

La responsabilisation de chacun, l’acceptation de l’erreur, et la confiance qui se sont imposées comme indispensables pendant toute cette période de télétravail a fourni de nombreux exemples de fonctionnement plus souple, plus simple – lean – qu’il serait bon de ne pas oublier dès demain. Au contraire, construisons sur cet apprentissage d’autonomie raisonnée et formons les managers à de nouveaux rôles hors de la sphère du contrôle pur. Mis en confiance, challengé avec bienveillance, des talents et des personnalités se sont révélés : utilisons les ! Cette crise a décidément été un révélateur de carences managériales accumulées depuis des décennies.

Et puis, on pourrait même imaginer automatiser encore des tâches répétitives ; on a été obligé en peu de temps de digitaliser l’entreprise ; continuons dans cette voie afin de permettre aux individus et aux équipes de focaliser leurs efforts sur ce qui est essentiel pour eux et pour l’entreprise. Maximiser le plaisir ressenti dans les activités réalisées, le sentiment d’être utile et force de propositions, de solutions, devrait devenir un objectif prioritaire.

Se concentrer sur ce qui est capital pour créer de la valeur

Pour ce faire, il faut mettre en perspective toutes les notions que nous avons développées au fur et à mesure de nos billets.

  • La vision :  guide pour caractériser la valeur business recherchée.
  • La raison d’être : challenge et questionnement permanent à tout niveau ; si chaque personne d’une organisation est capable de mettre en cohérence ses besoins propres avec les décisions prises par la société et les actions menées, l’énergie globale sera décuplée et les réalisations boostées.
  • Analyser avec clairvoyance les fêlures révélées par la crise : un enseignement énorme.
  • Savoir prendre des risques mesurés.

L’espace-temps est chamboulé. Il faut faire vite, anticiper de nouvelles tendances de marché dans un environnement très incertain. La création de valeur passera donc par une grande adaptabilité des équipes, par des pivotements. Donc au lieu de centraliser toutes ces analyses et décisions au plus haut niveau de la hiérarchie, laissons aux équipes le soin d’être ces agents agiles. Parce qu’ils partagent vision et raison d’être, ils concourront tous à créer de la valeur. Les manageurs deviennent alors des facilitateurs, valident la cohérence de l’ensemble, motivent. La peur de l’échec doit s’estomper et les initiatives se multiplier.

D’ailleurs, cette « décentralisation » des idées n’est pas un concept nouveau. Dès la fin des années 2000, de grandes enseignes américaines, comprenant le besoin de se réinventer et de faire un saut technologique, avaient mis en place des mécanismes pour encourager des cellules d’innovation, financées, à proposer de nouveaux concepts et des nouveaux business modèles. Parfois en compétition, les équipes qui se sont mobilisées, inter unités parfois, voire cross géographies, ont délivré des produits/services étonnants et percutants, allant parfois jusqu’à « sauver » l’entreprise.

N’est-ce pas ce dont nous avons besoin aujourd’hui ?

Changer de posture

Par deux fois déjà nous avons souligné à quel point aller à l’essentiel nécessite des rôles et des postures différents de ceux du passé. Les organisations doivent changer pour pouvoir faire tomber certaines barrières. Prenons pour exemple PSA qui a communiqué en toute transparence que DRH et Direction du digital allaient être dans la même main. Parce que la crise a encore une fois fait ressortir l’impact fort de la digitalisation sur les femmes et les hommes d’une part, les modes de travail d’autre part, il s’agit de postures souvent inhabituelles, de savoir- faire décisionnel basé sur des critères et des priorités nouvelles.

Suite aux prises de conscience forcées par la crise et aux changements induits dans les rapports sociaux, il nous apparaît clairement qu’un rebond réussi passe par des remises en cause parfois profondes et beaucoup de formation. Principaux sujets à travailler ou éduquer : la puissance de la raison d’être, manager par la confiance, qu’est-ce que l’autonomie implique en termes de responsabilités mutuelles, innover autrement, appréhender les formes de travail à distance, ouvrir ses critères de recrutement avec plus de diversité.

Pour conclure, aller à l’essentiel ne signifie pas simplement mettre des priorités sur telle ou telle activité ou technologie. C’est un état d’esprit partagé par tous, construit progressivement sur les bases que nous avons développées billet après billet. Quand on "brainstorme" sur un nouveau produit – ou une évolution – la prise en compte des souhaits client est importante mais pas sans les intégrer dans une vision globale de l’entreprise ni les teinter de raison d’être. De plus le souhait du client a peut être été fortement impacté par le vécu de la crise. Il faut donc trouver des voies respectueuses des valeurs communes et pérenne économiquement.