Le quiet quitting marquera-t-il la fin du quick management ?

La génération "Quit" doit marquer la fin d'une idéologie managériale qui considère que les individus n'aiment pas travailler, ne s'intéressent pas à leur travail et ne sont motivés que par l'argent.

Cela fait plusieurs mois que le terme inonde nos murs Facebook et les discussions entre collègues (et amis) : le quiet quitting. La “démission silencieuse” en Français est un mouvement initié par les salariés qui invite à faire, ce que l’on appelerait familièrement, le “minimum syndical”. C’est-à-dire à refuser les heures supplémentaires, ou tout ce qui s’apparenterait à sortir de sa fiche de poste, si cet effort n’est pas associé à une augmentation ou une prime. En d’autres termes (anglo-saxons), c’est l’inverse de “l’extra mile”. Ce terme que l’on associe à l’idée d’aller au-delà des tâches définies dans son job, à être proactif, à prendre des initiatives, à en faire plus. 

Une fois qu’on a dit ça, on peut résumer le quiet quitting à… une vague massive de désengagement. Car être engagé au travail c’est être émotionnellement attaché à celui-ci. C’est vouloir s’investir personnellement parce que ce travail et les personnes qui le composent font sens. Et donc, c’est avoir envie d’en faire plus pour s’accomplir et soutenir ces personnes. Avec en bonus, les étoiles dans les yeux. 

Quiet quitting, une menace plus coûteuse encore que la Grande Démission ? 

Les Etats-Unis ont été les premiers à prendre cette vague de désengagement de plein fouet. Rien qu’en 2021 plus de 40 millions de démissions avaient été comptabilisées en Amérique. Un record. A notre échelle, le taux de démission aurait augmenté de 2,7%, soit 470 000 démissions entre fin 2021 et début 2022 selon le ministère du Travail. Ce n’est pas négligeable c’est sûr. Mais avec notre système de protection sociale, je pense que les cadres français sont bien plus tentés par le quiet quitting que le Big Quit. Et c’est là le vrai risque pour les entreprises françaises à mon sens.

Rappelons encore ces chiffres : le désengagement coûte en moyenne 14 310 € par an et par salarié (IBET 2020). Et le rapport Gallup de 2022 donne encore l’alerte : moins de deux salariés européens sur dix se sentent engagés au travail. L'engagement des travailleurs européens n'est que de 14 %, contre 33 % en Amérique du Nord et 21 % dans le monde. C’est notre plus grande menace. Mais alors qu’est-ce qui pousse nos salariés à ne vouloir faire que le strict minimum ? A être à ce point là désabusés du monde du travail ?

Un besoin d'attention plus que de rémunération

L’éternel enjeu de la reconnaissance au travail 

On pourrait se dire qu’il s’agit avant tout d’un problème de mauvaise rémunération car c’est ce qui ressort des vidéos ou des commentaires sur les réseaux sociaux. Mais cela peut vite être un raccourci et nous amener à faire fausse route. Attention, je ne dis pas qu’il ne faut pas rémunérer les salariés à leur juste valeur ! Non. Je rappelle juste que la rémunération est la partie contractuelle du travail. Elle doit pouvoir répondre à nos besoins physiologiques : nourrir sa famille, se loger etc. Il s’agit d’un contrat dont nous définissons les termes avant d’entamer une collaboration, et surtout, la rémunération n’agit pas sur la motivation à long terme. 

Augmentation + Rémunération ≠ Motivation

J’ai évoqué les effets indésirables de la reconnaissance monétaire dans mon article “La reconnaissance par l’argent, pourquoi c’est une mauvaise idée”. J’y partage notamment que le système de récompense-punition n’est pas seulement inadapté à certains métiers, il comporte aussi plusieurs défauts, dont celui de tuer la motivation intrinsèque. Soit l’envie de faire des choses parce qu’elles comptent pour nous.

Harvard Business Review va également dans ce sens dans sa Bible du Leadership : “la rémunération est une stratégie de fidélisation peu valable”. Les experts qui partagent leurs recherches dans ses papiers admettent, qu'évidemment, il est impossible de recruter ou de garder des salariés intéressants s’ils jugent que le salaire proposé est trop bas ou non compétitif, mais qu’en soi la rémunération n’est pas une source de motivation fiable. Mais alors comment motiver durablement ses salariés et éviter le quiet quitting? 

Miser sur le “Care” pour éviter le “Quit” 

Pour moi il s’agit d’un problème d’attention plus que de rémunération. De management plus que d’argent. C’est ce qui arrive souvent quand on parle de reconnaissance au travail. On a tendance à s’attarder sur la rémunération, alors que la première chose à faire est… d’être à l’écoute de ses collaborateurs. Premièrement pour comprendre leur souffrance mais aussi pour faire grandir en eux le sentiment d’importance. Même si le problème ne peut pas se régler immédiatement, les salariés vont se sentir écoutés et seront reconnaissants de cette écoute. 

Parce qu’il y a une attente de la part de chacun des collaborateurs d’avoir une relation privilégiée et un temps personnel avec son manager. Le manager montre l’importance qu’il témoigne à son collaborateur par sa disponibilité, son écoute et son empathie. Chaque salarié doit pouvoir se dire que son manager a passé du temps à être attentif à ce qu’il lui disait, à être empathique. C’est ce qui va créer de la gratitude, car nous sommes toujours reconnaissant du temps accordé par son manager.

Le mouvement "Quit" qui doit marquer la fin du quick management

Quick management, management pressé, court termiste, qui fait primer le quantitatif (les chiffres) sur le qualitatif (les Hommes). On peut l’appeler comme on veut, mais c’est souvent l’idéologie de celui qui pense que ce qui ne se mesure pas - comme la confiance ou la qualité des relations par exemple - n’a pas de valeur.

La Génération “Quit” doit marquer la fin d’une philosophie managériale obsolète qui considère que les individus n’aiment pas travailler, ne s’intéressent pas à leur travail et ne sont motivés que par l’argent. C’est ce que Mc Gregor a appelé la théorie X dans son best seller publié en 1960 “The Human Side of the Enterprise”. Il y partageait une vision opposée, la Théorie Y, selon laquelle les gens aiment travailler, résoudre des problèmes, et se réalisent grâce à leur travail.

Espérons que ces mouvements imposeront aux organisations de miser sur leur “Human Side” et de permettre à leurs managers de prendre le temps de l’humain. Car les coûts à venir risquent bien de submerger bon nombre d’entre elles.