Innovation managériale : pourquoi et comment travailler ensemble autrement ?

Si les innovations managériales sont séduisantes, elles nécessitent de créer les conditions favorables à leur mise en œuvre.

Lorsque l’on aborde le sujet des innovations managériales, on pense assez rapidement à l’enjeu d’attractivité et de fidélisation des talent, notamment des plus jeunes d’entre eux. On peut également faire le lien avec ce monde plus volatile, incertain, complexe et ambigu qui impose aux organisations toujours plus d’agilité et de résilience.

Certes, mais n’oublions pas que, dès 1924, Mary Parker Follett prône dans son ouvrage Creative Experience un management responsabilisant. Elle fait référence à un pouvoir partagé avec cette formule du pouvoir-avec plutôt que du pouvoir-sur. C’est bel et bien cette quête qui est poursuivie encore aujourd’hui par les organisations dites horizontales. Ces structures se veulent basées sur la confiance et la responsabilisation de chacun. D’ailleurs, sans parler de reconfiguration organisationnelle, ces nouvelles pratiques telles que les congés illimités ou l’auto-détermination des salaires sont autant d’indicateurs de modes de fonctionnement plus paritaires au sein des organisations.

J’ai pu observer cette mouvance chez certains de mes clients quand de nouveaux processus de décision minimisant le contrôle du manager ont été adoptés. Ce fut le cas encore dernièrement dans le cadre du déploiement du travail hybride. Le Comité de Direction a décidé que chaque collaborateur serait en position de choisir ses jours de travail à distance. Une seule obligation : informer son hiérarchique, non pour validation mais bien pour information uniquement.

Si ces innovations managériales sont séduisantes, elles nécessitent de créer les conditions favorables à leur mise en œuvre. Trois leviers me viennent en tête au regard des dernières interventions auprès de mes clients pour favoriser le climat de confiance nécessaire à une telle démarche.

Le pourquoi comme point de référence fondateur à toute innovation managériale

Comme souvent quand il s’agit de management – et pas seulement - le pourquoi est fondamental (prenez le temps de lire Simon Sinek[1] si vous n’êtes pas convaincus !). (Se) rappeler dans quel but nous cherchons à faire évoluer l’existant a plusieurs vertus :

  • Eviter les changements « gadgets », censés nous faire passer pour des gens sympathiques, mais sans réelle utilité. En effet, ne nous trompons pas, les innovations managériales ont un objectif, celui de « mieux atteindre les buts de l’organisation »[2] : devenir un employeur de référence, améliorer l’efficacité opérationnelle des équipes, répondre aux exigences sociales et environnementales…
  • Assurer la cohérence des innovations entre elles mais aussi avec la structure et les méthodes en place dans l’organisation. Si les initiatives sont dirigées dans le même sens, l’alignement pourra se faire mais si ce n’est pas le cas, la cacophonie peut s’installer et avec elle la perte de sens et de motivation. Les injonctions contradictoires sont encore trop nombreuses dans les organisations. Les innovations managériales peuvent être de nature à en rajouter une couche si on n’y prend pas garde.
  • Favoriser l’appropriation des parties prenantes c’est-à-dire s’assurer que le sens de ce qui est fait est partagé par les acteurs. Plus on comprend pourquoi on fait les choses d’une certaine manière, plus on est à même de faire les choses de manière appropriée. En matière d’innovation managériale, plus de liberté (ou de flexibilité) va irrémédiablement de pair avec plus de responsabilité et il est essentiel de ne pas le perdre de vue.

De nouveaux rituels collectifs pour fédérer, partager, améliorer, développer

Le changement, pour qu’il ait du sens, pour qu’il prenne vie, pour qu’il soit adopté, doit se faire avec les parties prenantes.

  • Des rituels pour co-construire : concevoir des ateliers pour imaginer ensemble les pratiques de demain pour servir des ambitions partagées en permettant à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice. C’est déjà, dans certains environnements de travail, une innovation managériale en soi. J’ai parfois entendu « mais que vais-je faire des idées folles ? ». Faites donc confiance à l’intelligence collective de manière authentique, sans partir avec des idées pré-conçues. Bâtir une cible commune et les moyens de l’atteindre reste la meilleure façon d’élaborer une vision pertinente, désirable et pragmatique et donc accessible pour tous !
  • Des rituels pour adapter : prendre le temps de réaliser des bilans en équipes et des feedbacks en individuel pour prendre du recul. Faire le point sur ce qui fonctionne bien pour le valoriser et sur ce qui mérite d’être encore ajusté est trop souvent dépriorisé dans les agendas trop chargés des travailleurs ! Et pourtant, comment les innovations pourraient être source de progrès si nous ne l’évaluons jamais.
  • Des rituels pour développer ses compétences : changer son comportement, bouleverser ses habitudes, transformer son cadre de référence, sortir de sa zone de confort c’est avant tout adopter une nouvelle posture. Il s’agit de remettre en cause ce que nous avons appris, ce pour quoi nous sommes peut-être reconnus aujourd’hui et ce n’est pas facile. Aussi, des formations managériales, notamment sur les soft skills peuvent constituer des leviers intéressants pour les managers. Il est d’ailleurs important de garder en tête que le management se définit par une relation interpersonnelle entre un manager et des managés. Ainsi, des modules communs de formation, de coaching d’équipe ou encore de co-développement sont souvent très appréciés et particulièrement efficients.

Le pouvoir de l’expérimentation simple, rapide et surtout sans jugement

Comme toute innovation, l’innovation managériale ne fait pas exception en matière de mise en œuvre : tester rapidement les initiatives pour vérifier leur pertinence, leur viabilité et leur efficacité est gage d’agilité et d’amélioration continue. Dans ce cadre, plus que le droit à l’erreur, sans doute faut-il légitimer le devoir de l’audace. Parfois (souvent ?) on essaye mais on ne réussit pas instantanément, heureusement l’amélioration continue joue pour nous, mais pour cela, encore faut-il oser se lancer !

Il peut arriver qu’une initiative managériale soit mise en œuvre puis revue et corrigée voire arrêtée. C’est une bonne nouvelle : tester rapidement, échouer rapidement, adapter rapidement est une très bonne hygiène de vie pour qui veut être innovant. Dans ces cas-là, soyons bienveillants et évitons de rentrer trop vite dans une réaction trop réductrice : « ils se sont bien plantés nos dirigeants », « ils nous ont encore promis la lune à la RH et finalement ils font marche arrière », « c’était couru d’avance que cette nouvelle lubie ne fonctionnerait pas ». La logique du test & learn doit pouvoir s’appliquer pour chaque leader, manager ou non, qui explore, ouvre le champ des possibles, expérimente, teste et ainsi contribue à faire avancer son entreprise. Le risque serait qu’une frilosité généralisée s’empare de l’organisation et que la culture d’innovation disparaisse.

L’autre avantage de l’expérimentation qui permet de se tromper pour s’ajuster, est son pouvoir de conviction. Apprivoiser l’inconnu peut prendre du temps, certains peuvent présenter des blocages ou des élastiques les rappelant aux modes de fonctionnement antérieurs, connus et sécurisants. Ce phénomène est normal, prenons le temps d’accompagner ceux pour qui l’expérimentation ne sera pas linéaire, donnant l’impression que trois pas seront faits à reculons pour un pas en avant. Le changement est en marche et il se concrétise parfois lui-même par essai-erreur avant de se réaliser pleinement. En tout état de cause l’expérimentation peut offrir des preuves tangibles aux plus réfractaires que malgré tout « c’est possible ».

Pour conclure, les innovations managériales sont un levier puissant pour les organisations. Elles permettent aux collaborateurs de se réaliser, aux managers d’adopter une nouvelle stature et aux entreprises de se révéler plus performantes et attractives. Comme tout changement, elles nécessitent de créer les conditions les plus favorables pour oser et recommencer.

[1] Sinek, S. (2011). Start with why, Penguin.

[2] Birkinshaw J., Hamel G., Mol M.J. (2008). “Management innovation”, Academy of Management Review, vol. 33, n° 4, p. 825-845.