Développement durable et entreprises : 2024 année de la standardisation

La lutte contre le greenwashing est enclenchée. Les réglementations se mettent en place et dès 2025, un nombre de plus en plus important d'entreprises devront communiquer sur leurs actions RSE.

Après une COP28 très discutée, il est clair que la voie à suivre pour lutter contre le changement climatique est à la fois difficile et riche d’opportunités. Les discussions qui ont eu lieu lors du sommet soulignent la nécessité d’un changement radical dans la manière dont les entreprises abordent le développement durable. Pourtant, de nombreuses organisation ne sont pas encore prêtes à s’attaquer au changement climatique à moins d’y être contraintes par la réglementation.

À l’aube de 2024, les entreprises du monde entier naviguent dans un océan de réglementations actuelles et à venir qui varient en fonction de la taille, du chiffre d’affaires et de la présence géographique. Ce paysage légal complexe, associé à une augmentation des politiques de communication sur les actions pour climat, signale un changement d’étape dans le cycle réglementaire. Nous prévoyons un réalignement des pressions réglementaires, en déplaçant l’attention des décideurs politiques vers une responsabilité directe des entreprises en matière de conformité et de responsabilité.

Face à cette complexité, l’élaboration des politiques mondiales s’est fortement orientée vers la durabilité environnementale. Au cours des trois dernières années, le nombre de politiques de communication ESG a doublé, passant de 614 en 2020 à 1225 en 2023. Cette augmentation est principalement due aux préoccupations environnementales et aux stratégies de réduction des émissions carbone en réponse aux conclusions du GIEC et des scientifiques. Il est essentiel de souligner que les politiques entrent dans une nouvelle phase : de la formulation passive à la communication, à l’évaluation et à l’application actives.

Du point de vue du développement durable, cela signifie que les entreprises ont la possibilité d’adopter une communication ESG accrue et de rester à la pointe de la technologie. Cette approche proactive évite à l’entreprise d’être confrontée à des exigences réglementaires croissantes. Une étude basée sur 8 369 observations d’entreprises dans 51 pays démontre qu’une approche proactive agit comme une mesure d’atténuation en augmentant la précision des prévisions et en réduisant les controverses potentielles en matière d’ESG. La communication efficace d’informations sur les actions pour climat n’est plus seulement une stratégie de conformité, mais une composante essentielle d’une direction d’entreprise résiliente et tournée vers l’avenir.

Enfin, la question qui domine les salles de conseil d’administration, les échanges avec les investisseurs et les discussions au niveau de la direction : Existe-t-il un lien de cause à effet entre les choix ESG et la valeur actionnariale ? Les avis sont plutôt mitigés : de milliards d’euros de dividendes à une valeur symbolique en passant par un impact modeste selon les différents groupes d’opinion. Pour répondre avec précision à cette question, nous avons besoin d’un meilleur alignement et d’une meilleure normalisation. Sans transparence dans les méthodes, les entrées et les données, l’économie restera bloquée dans une boucle infinie où l’on essaie de comparer des choux et des navets.

Il existe une myriade de politiques, de normes et de méthodologies, et certains pensent qu’elles ne sont pas tout à fait alignées. Aux États-Unis, la complexité de la communication a conduit à une bataille idéologique entre les États libéraux et conservateurs, selon une étude publiée dans le Harvard Law School Forum. Les investisseurs considèrent le champ de mines de la normalisation comme une faiblesse et un obstacle aux investissements liés à l’ESG. Sur le vieux continent, l’Union européenne a fixé un calendrier précis jusqu’en 2028, selon lequel de plus en plus d’entreprises devront communiquer leurs initiatives en matière de développement durable d’une manière normalisée. À partir de 2025, les grandes entreprises et celles qui relèvent actuellement du NFRD devront rendre compte de l’exercice 2024. En 2026, cette obligation s’étendra à toutes les PME européennes cotées sur un marché réglementé pour l’exercice 2025. Et en 2028, ce changement inclura les grandes entreprises non européennes pour l’exercice 2027. On peut également supposer que la réglementation couvrira lentement mais sûrement toutes les entreprises, tout comme les rapports financiers le font aujourd’hui.

2024 sera également l’année de l’alignement des normes et des politiques qui se traduira par une étape importante dans le reporting des initiatives ESG. Le Carbon Disclosure Project (CDP), plateforme mondiale de communication d’informations environnementales, et le Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (EFRAG) ont annoncé leur collaboration en vue d’aligner le système de communication du CDP sur les normes européennes d’information sur le développement durable (ESRS) de l’Union européenne. Cette initiative s’inscrit dans le cadre de la directive sur les rapports d’entreprise sur le développement durable (CSRD). La collaboration visera à accélérer l’adoption des normes ESRS et à aider les entreprises à se préparer aux nouvelles exigences en matière de rapports. D’ici à 2024, les normes de l’ISSB devraient redéfinir la manière dont les entreprises rendent compte du développement durable et des questions liées au climat. La mise en œuvre de ces normes est une étape cruciale vers l’harmonisation des rapports sur le développement durable à l’échelle mondiale, garantissant aux parties prenantes l’accès à des informations cohérentes, fiables et comparables.

Créée en 2017 par le Conseil de stabilité financière (CSF), la Task Force on Climate-related Financial Disclosures (TCFD) a d’abord proposé des recommandations de communication volontaire pour remédier à la fragmentation des cadres de reporting. Suite à la publication des normes IFRS S1 et S2, la TCFD a été intégrée au sein de l’International Sustainability Standards Board (ISSB). Cette intégration, demandée par le FSB, marque une étape importante dans la rationalisation des cadres de reporting sur le développement durable et la simplification des initiatives de communication pour les entreprises et les investisseurs.

Un autre des développements notables en 2024 est la rationalisation entre la norme IFRS S2 et les recommandations de la TCFD. Après la publication de la norme IFRS S2 par l’ISSB, il y a eu un effort concerté pour aligner ces normes avec les lignes directrices de la TCFD. Cet alignement garantit que les entreprises qui adhèrent à la norme IFRS S2 respecteront simultanément les exigences de la TCFD en matière d’informations liées au climat à partir de 2024. Cet alignement est essentiel pour réduire la complexité des rapports et accroître la cohérence et la comparabilité des informations financières liées au climat dans tous les secteurs et dans tous les pays.

L’année 2024 marque un tournant dans le processus d’amélioration de la communication des actions pour le climat, et le message est simple : les entreprises ont la possibilité de prendre en main leur destin dans ce paysage réglementaire en évolution rapide. Le choix est clair : soit vous laissez la marée réglementaire déterminer votre trajectoire, soit vous orientez proactivement votre entreprise vers la résilience et la position de leader sur le marché. Bien que le soutien d’entreprises spécialisées soit inestimable, la diversité de l’ESG nécessite des stratégies sur mesure. Les entreprises peuvent choisir de se contenter d’être prêtes pour la réglementation ou de relever ce défi et de façonner l’avenir du développement durable. Sont-elles prêtes à se lancer ?