Bonjour, merci, bravo : la force des petits riens

Quiconque a fait l’exercice de se poster dans le hall d’accueil d’une tour de La Défense a assisté au ballet hypnotique de masses d’humains qui s’engouffrent dans des ascenseurs sans lever la tête, sans se porter la moindre attention, sans un regard, sans un sourire. Ces mêmes humains faisant partie de la même entreprise !

Quiconque passe du temps en entreprise ne peut que constater que le mot merci est en passe d’être effacer du langage corporate et managérial.

Quiconque s’intéresse aux frustrations vécues en entreprise ne peut que noter le manque de considération des organisations faces aux équipes, à commencer par le manque de félicitations et la disparition des moments festifs.

Ces constats, petits dans la forme mais grands dans le fond, soulignent la déshumanisation du quotidien et sa banalisation :

  • Se dire bonjour, pourquoi faire ?
  • Se dire merci, à quoi bon ?
  • Se féliciter, on passe à autre chose !

La décennie 2008/2018 a rompu avec les basiques de la relation humaine classique, dite de l’ancien monde (formule que je n’ai jamais vraiment comprise). Les contrôleurs de gestion ont très vite supprimé les postes dédiés aux petites fêtes, aux pots divers et variés, condamnant aux oubliettes ces petits moments de joies en équipes. 

Ces mêmes contrôleurs de gestion dont la créativité se limite à l’épaisseur du trait ont castré la fonction RH qui a cédé au dogme du court terme au nom de la rentabilité. Fort heureusement, certains RH sont entrés en résistance. Hommage leur soit rendu ! 

Mais derrière ces constats que beaucoup font semblant d’ignorer, le sujet de fond consiste à questionner l’entreprise dans son humanité où à se résigner à ne plus espérer ? 

Les entreprises n’ont jamais autant parlé d’Humain, de marque employeur, de RSE qu’aujourd’hui et pourtant la crise sociale (pas celle des gilets jaunes) fondée sur une rupture de sens et de vivre-ensemble n’a jamais été aussi prégnante. 

Pour preuve le turnover qui explose, les abandons de postes des jeunes cadres, les Burn out en cascades soulignés par la médecine du travail ou encore les reconversions radicales à tous les âges (devenir fromager est très à la mode, tout comme ouvrir son restaurant ou encore tout plaquer pour aller au bout du monde) … 

Les organisations classiques et les modèles de management pyramidaux ne font plus recettes ; croire le contraire c’est se bander les yeux d’un voile hypocrite ou de désespoir. 

J’enseigne l’art de la culture d’entreprise et de la marque employeur à des étudiants en Master 2 en alternance et je suis attristé de constater leur lucidité face à l’incohérence entre les grand principes (les fameuses valeurs) et ce que découvrent ces jeunes dans leur quotidien : hypocrisie, absence de considération et démobilisation. 

Les gilets jaunes qui ont retrouvé pour beaucoup une existence sociale sur les ronds-points sont le miroir grossissant de la déliquescence du lien social à tous les étages de la société civile à commencer par les entreprises dites "sociétés anonymes". 

La considération est la grande victime des dix dernières années en entreprise remplacée par des substituts  issus des bons manuels de communication ou de management qui ne font pas long feu.

Et pourtant, l’espoir est là car retisser le lien social repose sur des principes simples au coeur du change management culturel : 

  • Justifier chaque action/décision par l’adn de la marque
  • Valoriser sa culture d’entreprise non pas à travers des incantations mais bien par des principes de vie, dits rites de vie.
  • Dimensionner un collectif d’humains en communauté humaine où chacun est un maillon fort.

Mettre l’accent sur la qualité relationnelle en valorisant la reconnaissance – merci est l'un des plus beaux mots du management – bonjour est le meilleur moyen de bien démarrer sa journée –bravo donne des couleurs à la considération ; c’est simple, ça ne nécessite aucun budget mais seulement la conscience de l’autre !

Les petits riens du quotidien mettent du baume au cœur dans l’action, relient et fédèrent. En clair, ils donnent le sentiment d’être en vie, d’exister plutôt que d’être des fantômes dans une mascarade de vie.

Pour changer, il suffit de compter le nombre de fois où quotidiennement vous dites bonjour, où on vous dit bonjour, le nombre de fois où vous dites merci, où l’on vous dit merci, le nombre de fois où vous dites bravo, où l’on vous dit bravo !

Est-ce suffisant pour vous rendre heureux, vous rendre fier, vous sentir utile ? Si oui, tant mieux et surtout continuez comme cela, vous pouvez faire changer le monde. Sinon, un conseil quittez votre entreprise pour celle qui mérite toute votre attention : votre vie.