Rentrée 2021 : Retour vers le futur

Ce jeudi 21 octobre était présenté un rapport sénatorial qui a pour objectif d'organiser le télétravail. Parmi les mesures préconisées, ce rapport propose une idée qui a retenu mon attention : faire du télétravail un critère d'appréciation RSE des entreprises, afin de les inciter à rechercher le bien-être social des télétravailleurs. Nous sommes bien loin des premières préoccupations des dirigeants alors cantonnées au pratique.

Après une réorganisation forcée pour rendre possible le travail dans un environnement chamboulé, les entreprises doivent désormais intégrer cette donnée dans leur organisation sur le long-terme. Car, en dépit de la levée des restrictions de l’Etat au 1er septembre, le travail en distanciel est largement entré dans nos usages : 80 % des salariés ayant expérimenté le télétravail souhaitent continuer d’en bénéficier. [1]

Comment véritablement collaborer, construire et œuvrer ensemble lorsque le contact entre les collaborateurs n’est pas toujours physique ? C’est la question à laquelle tous les dirigeants font face aujourd’hui. En tant que dirigeant depuis bientôt 30 ans, voici quelques-unes de mes réflexions sur le sujet.

Vers un nouveau modèle hybride pérenne

On ne peut aller à l'encontre de la nature humaine, le premier confinement nous l’a rappelé : l’être humain est un animal social, nous avons besoin des uns et des autres. Si l’humanité a survécu jusqu’ici, c’est en partie grâce à notre capacité à nous organiser collectivement. Depuis le début de la crise sanitaire, jamais un changement aussi profond ne s’était opéré sur nos modes de travail. L’impact a été immédiat et radical sur l’ensemble de nos pratiques, modifiant considérablement nos habitudes.

Si le télétravail a d’abord été contraint et subi, nous avons pris goût à ses avantages : une organisation plus autonome, un gain de temps, plus d’efficacité et un quotidien simplifié. Alors qu’en 2017 une enquête du gouvernement révélait que 17% des français avaient recours au télétravail, ils sont aujourd’hui près de 86% à vouloir le conserver !

Le COVID-19 a été un accélérateur des mutations du travail dans l’entreprise et aujourd’hui il me paraît difficile de revenir au rythme d’antan. Notre nouveau modèle sera hybride et le télétravail un critère d’embauche, au risque même de perdre des talents si l’entreprise ne prend pas ce nouveau virage.

Un mode de communication changeant

Ce nouveau modèle implique d’intégrer des formes de communication adaptées au distanciel.

Télétravailler c’est moins d’échanges en face à face, moins de discussions autour de la machine à café, moins de repas partagés ou d’afterworks qui permettaient jusqu’alors de créer du lien d’un autre ordre. La communication en distanciel oblige à des interactions pragmatiques et efficaces. Les e-mails se doivent d’être clairs, directs, explicatifs. Sur Teams par exemple, pas de moment de latence. La prise de parole doit être structurée, pertinente et directe pour conserver l’attention, déclencher l'étincelle chez votre interlocuteur. À distance, on s'impatiente vite …

Je me souviens de conférences où je m’exprimais devant plusieurs milliers de personnes. Je pouvais discourir pendant une heure sur la stratégie sans m’engager sur un sujet très précis. Ce type d’échange serait aujourd’hui impossible sur Teams.

Si les mesures de distanciation sociale nous éloignent physiquement, elles ont aussi permis de nous rapprocher. Pour les “non-communicants”, le face à face peut engendrer une pression énorme. Les outils collaboratifs offrent donc un autre moyen de dialoguer, de libérer la parole. À distance, des collaborateurs m’ont davantage partagé leurs doutes, leurs états d’âme, des difficultés dans leur vie personnelle… Ces échanges sont difficiles à envisager en face à face.

La crise sanitaire a mis en exergue l’importance de la santé mentale et ce sur deux points : sa vulnérabilité et sa répercussion. Il est donc vital d’y prêter attention. Une étude de Deloitte a révélé que 81% des personnes interrogées qui ont parlé de leur santé mentale au travail ont signalé des niveaux de stress réduits ainsi qu’une confiance et une productivité accrues.

Chez SAP, une ligne d’assistance téléphonique confidentielle est accessible 24h/24 et 7j/7 pour tous les collaborateurs. Notre propre équipe d'experts médicaux est également disponible via une boîte aux lettres confidentielle, un téléphone ou un service sans rendez-vous. Nos employés sont notre priorité.

Un leader du troisième type

En tant que dirigeant, il me semble plus important que jamais de conserver un lien avec les collaborateurs, de leur montrer combien nous nous soucions de leur bien-être.

Réalisez des études, questionnez-les, demandez-leur comment ils vont : ils sont le cœur de votre entreprise. Chez SAP, nous associons la façon dont nous prenons soin de nos employés à une réussite commerciale plus forte et plus durable. On estime d’ailleurs que la perte de productivité due à la recrudescence des troubles de santé mentale coûte aux entreprises près de mille milliards de dollars par an[2]. Investir dans le bien-être, c’est économiser.

La pandémie, la jeune génération et le numérique imposent une transformation dans la manière de diriger. Je suis convaincu que le leader du troisième type est le profil dont les entreprises ont besoin pour appréhender cette nouvelle ère. Ouvert au dialogue, ambassadeur du travail collaboratif, il assume ses écueils et sait s’entourer d’experts qui viennent enrichir ses propres compétences.

Mieux se connaître, ses sentiments, ses motivations profondes ou encore ses convictions intimes pour faire preuve d’authenticité, telles sont les qualités du leader du troisième type. Lorsque vous parvenez à réduire les interstices entre la perception que les autres ont de vous et ce que vous êtes vraiment, tout devient plus simple. Cohérent et impactant, en étant vous-même, vous devenez inspirant.

L’entreprise, une communauté d’esprits

Lou Gerstner, ancien président d’IBM, explique dans J’ai fait danser un éléphant qu’il est possible de tout copier d’une entreprise : recruter ses talents, reproduire sa stratégie, développer les mêmes solutions… Le seul élément impossible à reproduire, c’est sa culture. La culture d’une entreprise, c’est son ADN, il est propre à chacun.

Pour construire et conserver cette culture, se voir, échanger et partager de façon continue me paraît vitale. Et c’est en ce sens que les entreprises imposent des jours de présence obligatoire. Si vous distendez ce lien, objectivement, il n’y a plus de collectif. Il est donc essentiel que les salariés viennent un minimum de jours par semaine pour entretenir ce collectif et faire vivre cette culture d’entreprise.

Le point sous-jacent est le lien physique que nous avons perdu : les entreprises souhaitent (re)créer du lien entre les collaborateurs. Ce n'est pas seulement l’intellect qui est en jeu, ce sont aussi les émotions. Pourquoi un collaborateur rejoint-t-il votre entreprise ? Pourquoi un client s'engage-t-il avec vous ? Parce qu’il y a une affinité élective. Voilà pourquoi la présence physique est essentielle. L’alchimie ne prend pas à distance.

J’aime l’idée que l’entreprise puisse s’apparenter à une famille. C’est un lieu qui rassemble. Un endroit où l’on vit des moments communs, où l’on tisse des liens, moteurs de motivation et de bien-être. Ces membres de la “famille-entreprise” partagent des objectifs, une vision, une ambition et une culture commune.

C’est ce que j’appelle la communauté d’esprit


 

[1] Selon une étude de l’Anact publiée le 14 juin 2021 / Forbes, Du télétravail imposé au télétravail choisi, septembre 2021.

[2] source : Fostering a healthy culture, SAP