Les entreprises en crise d'autorité

Les critères des salariés pour accepter l'autorité sont en train de changer. Un défi pour le middle management, qui doit désormais composer avec un rapport de force plus égalitaire reposant sur la confiance mutuelle.

L'autorité en entreprise semble traverser une passe orageuse. En effet, 88% des salariés jugent qu’il y a trop de "'petits chefs' abusant de leur autorité en entreprise" selon OpinionWay. 54% estiment qu'il y a trop de chefs, selon le même institut de sondage. Pourtant, huit Français sur dix estiment que les salariés respectent l’autorité en entreprise et 67 % des salariés ressentent même le besoin de davantage d’autorité dans l’entreprise. Cette contradiction apparente semble irréconciliable.

La nature de l’autorité a changé

Or le message pourtant clair : il existe bien un ras-le-bol des salariés face à une certaine forme d’autorité. Une autorité aveugle, sans connaissance du métier du salarié sur laquelle elle s’exerce, focalisée sur les objectifs plutôt que sur les solutions. La figure du manager impulsif, autoritaire, s'enorgueillant de ses titres et des signes extérieurs de sa fonction, est un imaginaire largement partagé. Or c’est précisément ce que les salariés dénoncent.

La nature même de l’autorité au sein des entreprises est en train de changer. Les fondements traditionnels de la légitimité, tels que le titre, la détention du capital, ou l’âge, sont proches de ne plus valoir un kopeck. Un mouvement que vient confirmer la sociologue Danièle Linhart, qui estime que "les salariés, et notamment les plus jeunes, demandent à leur hiérarchie de l’expertise et de la compétence, d’avoir une connaissance réelle des métiers de leurs subordonnés et de pouvoir les aider à trouver des solutions quand se posent des problèmes professionnels".

Héros du quotidien

Dans ce contexte volontiers complexe, les salariés désirent un rapport de force plus égalitaire, et que l’entreprise cesse de s’appuyer sur un schéma hiérarchique sclérosé et obsolète. Ces aspirations ne sont pas une surprise : le sujet de la quête de sens est monté en puissance ces dernières années au point de jouer un rôle prépondérant dans le bien-être des salariés. Au sein de l’entreprise, le poste le plus impacté est évidemment celui du manager. Personne n'est réellement formé à gérer les difficultés humaines ou des conflits internes. Ils doivent cependant faire face à des défis multiples et protéiformes tels que le manque de ressources, le manque de temps, et le manque de reconnaissance tant de la direction que des salariés. Pour eux, la réponse est peut-être à trouver du côté des salariés, qui estiment être les mieux placés pour gérer leurs propres contraintes. La confiance doit remplacer l'autorité au coeur de la relation manager-salarié, afin de les guider plutôt que d’imposer, et redéfinir le contrat - parfois tacite, parfois moins - de subordination pour le succès de tous.