Les services informatiques retrouvent leur attractivité

Don Schuerman, Chief Technology Officer chez Pegasystems, nous explique comment la direction informatique est en train de se réinventer au sortir d'une période difficile

Dans nos vies personnelles, nous avons tous des problèmes à gérer au quotidien. Si ces problèmes peuvent prendre des formes différentes, une chose reste certaine : aucun d’entre eux ne disparaîtra si on choisit de les ignorer. Chacun d’entre nous peut à tout moment avoir le sentiment de perdre la main, mais l’important est la manière dont nous procédons pour reprendre le contrôle. C’est l’une des principales raisons pour lesquelles les thérapeutes expliquent que le premier pas vers le rétablissement est d’admettre l’existence de ses problèmes.

Vivre dans le déni, défendre l’idée d’acceptation, ou encore refuser de reconnaître les difficultés : on peut penser à tort que ces idées n’appartiennent pas au monde de l’entreprise. Mais en vérité, il existe parfois des services entiers qui essaient de camoufler ou d’ignorer leurs problèmes, et ce, bien que le mieux est généralement d’affronter les difficultés, afin de ne pas répéter les mêmes erreurs.

Malheureusement, certains départements informatiques illustrent bien trop souvent ce type de comportement. Soulignons d’abord que nombre de ces problèmes peuvent se comprendre, et qu’ils sont provoqués par des facteurs externes. Ces derniers mois, les directions informatiques se sont retrouvé plus que jamais sous le feu des projecteurs, du fait de la volonté générale de changer radicalement nos modes de vie. Il est donc tout naturel que cette situation se soit traduite par un grand nombre de bouleversements et difficultés.

Note récente étude internationale menée auprès des décideurs informatiques révèle l’étendue des défis auxquels ils sont confrontés. Plus de la moitié (51 %) des personnes interrogées se déclarent incertaines de la capacité de leurs équipes à provoquer des changements positifs au cours des cinq prochaines années. Plus d’une personne sur dix (17 %) admet même ne pas avoir du tout confiance envers ses équipes à cet égard, ou exprime de sérieux doutes. Autrement dit, ces défis placent les départements informatiques dans une position où, malgré tous leurs efforts, ils ont non seulement perdu leur attractivité mais, pire encore, se sont résignés à ne plus la retrouver.

Mais les problèmes ne se manifestent pas uniquement par une absence de confiance en interne. À l’heure où les décideurs informatiques sont soumis à une surveillance accrue, beaucoup d’entre eux ont tenté de régler certaines de leurs difficultés grâce aux nouvelles technologies. Malheureusement, dans certains cas, cela n’a fait qu’aggraver le problème. Du fait de mauvaises décisions, plusieurs millions de dollars sont dépensés chaque année en pure perte par les départements informatiques. Près des deux tiers (58 %) des personnes interrogées admettent avoir dépensé entre 1 et 10 millions de dollars dans de mauvaises solutions informatiques ces cinq dernières années. En fait, seules 12 % d’entre elles estiment que leurs investissements informatiques ont été profitables sur cette même période.

Les choses semblent claires : si l’on compare la direction informatique à un patient allongé sur le divan de son thérapeute, il s’agirait d’une personne anxieuse, qui peine à retrouver confiance en elle et qui tente éperdument de se remettre en selle face à une pression inédite. Mais attention aux premières impressions : notre enquête révèle un autre élément intéressant. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les directions informatiques ont retenu les leçons de leurs erreurs passées et se tiennent prêtes à évoluer et à s’améliorer dans les mois et les années à venir.

L’occasion n’a jamais été aussi favorable pour les entreprises de dresser un bilan, de réévaluer leur approche et d’apprendre de leurs erreurs. Les événements internationaux ont contraint à repenser les modes de travail et sont à l’origine de transformations ayant permis l’émergence de modes opératoires impensables avant la pandémie, ce qui a joué un rôle essentiel dans l’évolution des perceptions. L’accélération de la transformation digitale place désormais les responsables informatiques au premier plan. Elle a fait comprendre à de nombreux professionnels la valeur stratégique de leurs équipes si celles-ci ont l’opportunité d’exprimer leur créativité, de coopérer ainsi que de se consacrer aux domaines où elles apportent le plus de valeur ajoutée.

A quoi va donc ressembler le nouveau monde merveilleux de l’informatique ? Selon notre étude, il sera très différent à plusieurs niveaux. Cela passera essentiellement par la décentralisation, afin de permettre à l’informatique de générer plus de valeur. 68 % des responsables IT sont déjà en mesure de répartir les responsabilités vers d’autres services du fait de la transformation digitale, et 54 % d’entre eux décentralisent leur organisation en déléguant des missions à d’autres équipes.

Cette tendance va se poursuivre par le biais d’investissements plus judicieux dans les technologies telles que les plateformes low-code ou l’automatisation intelligente, qui permettront aux collaborateurs de tous horizons d’accomplir bien plus facilement des tâches jusque-là réservées au service informatique. Dès lors, pour plus des deux tiers (66 %) des personnes interrogées, la transformation digitale permettra aux informaticiens de mieux exprimer leur créativité, de travailler davantage avec les autres départements et de consacrer moins de temps aux tâches administratives.

Nous observerons également une évolution des types de compétences requises chez les informaticiens, ainsi que des rôles qu’ils devront jouer. Plus que de simples exécutants, les personnels IT devront participer aux travaux de réflexion stratégique. 38 % des personnes interrogées affirment que les qualités de leadership seront déterminantes, dès lors que les technologies collaboratives, qui renforcent l’autonomie, leur donneront la liberté de développer leurs missions et responsabilités. Dans le même temps, 37 % indiquent que des compétences telles que la capacité de résolution des problèmes vont devenir essentielles, et 35 % soulignent l’importance du relationnel et de l’empathie.

Les personnes interrogées déclarent également que l’apprentissage de nouvelles compétences aura un impact majeur sur leur carrière : 78 % des directeurs et 76 % des managers indiquent que la formation continue, tout au long de la carrière, aura un impact majeur, voire transformationnel sur leurs perspectives d’évolution. Plutôt que de se spécialiser dans une seule technologie tout au long de leur carrière, les responsables informatiques seront de plus en plus appelés à remplir le rôle de généralistes.

Autre point important : près du tiers des personnes interrogées (30 %) déclare que, dans les trois à cinq ans, le thème de la diversité, de l’équité et de l’inclusion continuera à s’imposer. Il est donc fort probable que les entreprises recruteront de nouveaux talents parmi des groupes autrefois marginalisés, de manière à constituer des équipes plus représentatives en termes d’origine ethnique, de genre, de handicap, d’orientation sexuelle, etc.

Cette étude permet donc de conclure que la direction informatique semble avoir appris de ses erreurs après s’être remise de toutes les épreuves qu’elle a subies. Elle dispose désormais d’une place de choix dans l’entreprise, et contribue à ce titre à engendrer de nouveaux résultats. Mais ce pouvoir s’accompagne de nouvelles responsabilités, et d’un surcroît de travail. Bien que la technologie soulage les départements informatiques des nombreuses tâches administratives courantes qu’ils accomplissent aujourd’hui (avec à la clé moins de reprises du code, des travaux et des architectures réalisés), deux tiers (67 %) des personnes interrogées pensent que leur charge de travail va s’accroître significativement, au vu de l’importance grandissante de l’informatique dans l’entreprise.

Ce n’est pas du jour au lendemain que l’on peut rebâtir la confiance et retrouver son attractivité. Il peut s’agir d’un processus lent et progressif, mais un premier pas consiste à admettre l’existence du problème. Maintenant que la direction informatique a identifié la marche à suivre pour aller de l’avant, on peut s’attendre à de profonds changements d’ici trois à cinq ans. Les équipes vont progressivement améliorer leur capacité de prise de décisions, se diversifier, gagner en compétences et travailler en mode collaboratif, afin de contribuer à de meilleurs résultats pour toutes les parties prenantes.