L’abandon de la taxe carbone est une bonne chose pour l’environnement

Si la taxe carbone présentait de nombreuses failles, il faut lui trouver un dispositif de substitution.

Derrière l’aspect rocambolesque de la politique environnementale du gouvernement français, il ne faut pas oublier l’importance des lois à venir et de leur impact sur l’environnement et sur l’économie française. Alors que nous assistons à l’abandon de la taxe carbone, quelles sont les suites à donner à la stratégie française de gestion des émissions de CO2 des entreprises ?

Pourquoi faut-il se féliciter de l'abandon de la taxe carbone ?
 
1- La logique environnementale de cette initiative était tout simplement biaisée. Le montant de la taxe carbone était trop faible pour avoir un impact quelconque au niveau environnemental - comme l'avaient d'ailleurs souligné les Verts à maintes reprises - tandis que les futurs fonds récoltés n'étaient pas destinés au financement de projets environnementaux. En outre, l'assimilation de cet impôt à la suppression de la taxe professionnelle ne faisait que renforcer l'effet «bricolé» d'un système censé pourtant s'appliquer aux individus et aux entreprises.
 
2- Le périmètre pris en compte était insuffisant. Pourquoi ne pas inclure l'électricité ? En effet, la consommation d'électricité a un impact important sur l'environnement - comme s'évertuent à nous le répéter l'ADEME ainsi que les producteurs d'électricité dans leur ensemble. L'utilisation massive du nucléaire en France permet certes d'avoir un facteur d'émissions au kWh très faible mais cela n'exclue en aucun cas l'utilisation de combustibles plus traditionnels dans le parc de production d'électricité français. Il est même courant qu'EDF utilise des centrales fortement émettrices en CO2 pour faire face aux pics de demande.
 
3- La cible était mauvaise. Inclure le grand public tout en promettant que l'impact serait quasiment nul au final grâce à la redistribution de chèques verts n'a fait que radicaliser une bonne partie de la population sur la problématique environnementale. Soudainement, réduire son impact sur l'environnement ne permettait plus de faire des économies mais allait au contraire coûter de l'argent !
 
Un impact négatif sur toute la ligne ? 

Pas tout à fait : un point positif a été de sensibiliser les directions financières des grandes entreprises aux questions environnementales. Pour la première fois, le principe du «pollueur-payeur» était appliqué potentiellement à des centaines de milliers d'entreprises. L'application de ce principe est très importante car il permet de responsabiliser les entreprises, c'est-à-dire les acteurs principaux de notre économie. Soudainement, l'impact sur l'environnement devient réel - à défaut d'être visible - et cela même aux yeux d'un directeur financier. Il a un coût pour l'entreprise qui est même relativement facile à établir. Une transaction financière signifie en général que l'on acquiert un bien ou un service - ou que l'on s'acquitte d'une dette... Cette étape est absolument déterminante dans une démarche d'appropriation des enjeux environnementaux. 

Existe-t-il un modèle plus juste que la taxe carbone ou toutes les tentatives d'optimisation de la performance environnementale des entreprises sont-elles vouées à l'échec ?
 
Mettre en place des réglementations a du sens quand l'initiative permet de responsabiliser les acteurs du marché - soit par des contraintes fortes (amendes, interdictions diverses), soit en encourageant financièrement les entreprises les plus performantes. 
La communauté européenne opère déjà un système de quotas (EU-ETS) s'appliquant aux sites les plus polluants en Europe (plus de 12 000 sites). L'idée d'imposer un mécanisme de marché est en principe bonne car elle permet d'engager les entreprises dans une démarche vertueuse où polluer moins permet de gagner de l'argent. Les bases d'un tel système reposent cependant sur un mécanisme d'attribution de quotas - soumis d'une part à toutes sortes de lobbying de la part des industries concernées - et qui de surcroît n'anticipe pas forcément les changements de cycles économiques. Le système de quotas d'émissions mis en place par l'UE s'est ainsi révélé être plus une usine à gaz qu'une vraie source de réduction d'émissions. 
Il faut dès lors réfléchir à des modèles intermédiaires permettant d'impliquer le plus grand nombre d'entreprises possibles - et qui nécessitent donc d'être relativement faciles à mettre en place - tout en permettant aux entreprises les plus performantes de se différencier des autres et de monétiser leur bonne performance environnementale.  Le gouvernement anglais a récemment lancé un tel système ciblant plus de 5 000 organisations. Les entreprises doivent acheter des quotas à prix fixe, et en fonction de leur bonne performance environnementale, le gouvernement rend aux organisations participantes tout ou partie de leur argent.  Ce système permet d'une part de responsabiliser et de sensibiliser les directions financières des entreprises, mais aussi de donner un vrai sens économique aux démarches de réduction des émissions de CO2 des entreprises britanniques. 
 
Next step ? 

En conclusion, le gouvernement français a clairement échoué dans sa tentative de «récupération» électorale du vote vert. Il lui reste maintenant à démontrer que sa politique environnementale existe réellement et que celle-ci peut être source de valeur pour l'économie française. Le rapport du député Michel Havart en préparation du vote du Grenelle 2 à l'Assemblée Nationale est encourageant car il va dans ce sens. Une touche de pragmatisme anglais serait sans doute la bienvenue pour redonner un sens à la politique du gouvernement français en matière de gestion du carbone, et lui éviter de tomber ainsi dans l'inaction.