Pour réussir le contrat de génération, n’oubliez pas la formation

Le contrat de génération, une idée généreuse qui peut faire flop. Le gouvernement ne doit pas se rater car, pour plus de la moitié des Français, le contrat de génération est la mesure prioritaire à mettre en œuvre aujourd’hui(1).

Au-delà du risque d’embaucher dans une conjoncture difficile, les risques de conflits intergénérationnels au travail sont nombreux et les risques de collision immenses. Mieux vaut se former pour s'y préparer et les anticiper.

Pour maîtriser les risques beaucoup d’idées reçues restent à combattre.
Par exemple, c’est au manager, et non au senior tuteur, qu’incombe la responsabilité de la transmission du savoir-faire et la préservation de la compétence dans l’entreprise. Car la transmission prend du temps, n’est pas naturelle et le savoir-faire de l’entreprise une ressource stratégique.
Attirer les meilleurs, transmettre son expertise et garder les jeunes talents tout en valorisant l’expérience et la compétence des anciens, voilà l’enjeu managérial des entreprises qui opteront pour le contrat de génération (2).

La transmission exige une méthode et une pratique qui s’apprennent.
Elle doit être accompagnée. Dans une entreprise de grande distribution par exemple, seuls trois patrons d’hypermarché maîtrisent la capacité à faire travailler harmonieusement toutes les générations ensemble. Du coup, leurs futurs pairs en formation vont passer une semaine en immersion auprès d’eux pour découvrir leur façon de faire.

Au-delà du savoir technique, le jeune doit apprendre l’entreprise. Apprendre les règles de fonctionnement, explicites et implicites,  ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas, c’est comprendre « comment çà marche ici », c’est-à-dire la culture de l’entreprise. Cet apprentissage indispensable permettra au jeune embauché de savoir quoi faire et ne pas faire en quelles situations, et savoir comment faire pour être rapidement efficace dans son entreprise.

Adapter la pédagogie au mode d’apprentissage du jeune. A l’heure de Wikipedia et de Google, « vos manuels de procédures m’ennuient ! », pensent parfois très fort de jeunes embauchés. Le senior qui doit transmettre aussi des valeurs ne peut se prendre « ni pour son prof ni pour son père » comme osent dire  certains nouveaux.

Donner du temps pour la transmission. Le senior a mis des années pour apprendre ce qu’il sait mais a peu de temps pour le transmettre car il a son travail à faire;  et le jeune voudrait apprendre vite. La différence de rythme ou de perception du temps nécessaire pour faire les choses est un sujet de friction classique auquel les deux parties doivent être bien préparées.
Des formations du type ‘manager la génération Y ‘ et ‘manager une équipe multi générationnelle’ ne sont pas superflues quand on connaît l’évolution démographique des entreprises avec le départ programmé et massif des ‘baby-boomers’. Le plus tôt seront suivies ces formations, moins il y aura de malentendus, de désillusions et de conflits générationnels dans les entreprises.

Comprendre les différences de cultures générationnelles. Au-delà de ce qui est partagé par toutes les générations, par exemple avoir un travail intéressant, être respecté et reconnu pour ses compétences et ses résultats, il y a de réelles différences de générations qu’il est indispensable de connaître pour comprendre l’autre (3).
Le rapport au temps est l’une de ces différences qui peut s’exprimer par une différente conception de la ponctualité et aussi par une différente vision de la place du travail dans la vie : Faut-il travailler pour vivre ou vivre pour travailler ?

Une autre différence concerne la valeur attachée à l’information. Un jeune diplômé avouait récemment qu’il avait transmis le plan stratégique de son entreprise à un jeune ami, apprenti-consultant en stratégie, pour savoir si la stratégie de son employeur était la bonne. Sinon il quitterait l’entreprise, avait-il ajouté.
Ce geste naturel pour lui aurait grandement choqué ses dirigeants et nui à sa carrière mais il ne s’en doute peut-être même pas. Quand on a été éduqué avec internet et Google, la valeur attachée à l’information n’est pas la même. Et la manière de la chercher non plus. Les plus jeunes préfèreront Wikipedia quand d’autres plus âgés pourront préférer les livres ou la transmission orale.
Le rapport au travail est une autre différence générationnelle importante qui provoque de nombreux chocs culturels. Le sujet typique est la différence d’appréciation de ce qui est considéré comme ‘un bon travail’. Diverses générations peuvent avoir de grandes divergences d’opinion à ce sujet, sans qu’elles soient nécessairement explicitées, d’où le fort risque de collision quand elles sont découvertes.

Le choc peut être évité en formant le junior, le senior et leur manager. Pour chacune des parties, qui ont des savoirs et des savoir-faire spécifiques liés à leurs rôles, la sensibilité aux différences générationnelles est un préalable à la coopération. Chaque génération a sa manière préférée d’apprendre, de résoudre les problèmes et son style de communication particulier. Quand il s’agit de prendre une décision ensemble, les différences de générations viennent polluer voire percuter le processus de décision. D’où des décisions mal prises, non prises ou mal comprises. Les critères de décision des uns et des autres, souvent  implicites, s’entrechoquent.

Le nouveau mode collaboratif à instaurer appelle une autre mode de management. Un senior peut préférer donne un ordre à exécuter, qu’il contrôlera ensuite, alors que la manager de la génération intermédiaire pourrait préférer exercer son influence de manière continue comme un coach.
Le rôle attendu du manager évolue. Lorsqu’il s’agit de distribuer une tâche dans l’équipe, le bon sens et l’habitude conduisent le manager à la confier de préférence à celui ou à celle qui sait déjà le mieux la réaliser. Pourtant, avec les plus jeunes d’aujourd’hui, pour obtenir un engagement plus durable, il peut être opportun de confier la tâche à celui ou à celle qui prendra le plus de plaisir à la réaliser. 

Le manager intergénérationnel devra donc adapter ou changer certaines de ses pratiques (3). Le besoin de donner un feedback fréquent aux plus jeunes pourra être ressenti comme  une activité nouvelle chronophage par des managers plus âgés qui pensent avoir moins besoin d’en recevoir.

En guise de conclusion. La diversité générationnelle peut être un atout mais elle ne crée de la valeur que si elle est gérée. Il faut reconnaître qu’elle vient complexifier la donne du manager. Si le monde de l’entreprise ne s’adapte pas à la nouvelle donne générationnelle, il court le un risque que, d’ici quelques années, les jeunes talents répugnent à devenir manager ; comme au Canada aujourd’hui. La performance de l’entreprise serait alors directement impactée par la pénurie de managers.
Comme les entreprises auront de plus en plus souvent quatre générations au travail, les attitudes, les comportements et l’éthique différente pourront conduire à de nombreuses incompréhensions voire à de sérieux chocs intergénérationnels. Pour réussir  le contrat de génération (4), le management des entreprises devra sensibiliser et former les seniors, les jeunes et leurs managers aux différences de valeurs et aux attitudes des différentes générations. Ainsi les entreprises pourront faire d’un risque, le choc de générations, une opportunité pour une meilleure dynamique collective, source de créativité et de performance (5).

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(1)   sondage CSA pour ’20 minutes’ publié le 8 juin 2012.
(2)  
« contrat de génération : mode d’emploi » le Journal du Net juin 2012 http://www.journaldunet.com/management/expert/51700/contrat-generation---mode-d-emploi.shtml
(3)  
 « management intergénérationnel » Les Echos Etudes Eurostaf  Novembre 2011 Lhttp://www.eurostaf.fr/fr/catalogue/etudes/sectorielles/management/management-intergenerationnel.html
(4)  
« Au-delà du contrat de générations, faire travailler les générations ensemble ». Le cercle de Echos http://lecercle.lesechos.fr/entreprises-marches/management/rh/221146654/dela-contrat-generation-faire-travailler-generations-ens
(5)  
« Une nouvelle discipline est entrain de naître » Jean-François Pouvreau, L’Observatoire du Management InterGénérationnel http://www.omig.fr/blog/2011/10/le-management-intergenerationnel-une-nouvelle-discipline-est-en-train-de-naitre/