Les aides aux PME sous le gouvernement Ayrault

Quelles sont les réformes financières et économiques en faveur des très petites entreprises (TPE), des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI) décidées par le gouvernement

Le Gouvernement de Jean-Marc Ayrault a souhaité mettre en place des réformes financières et économiques en faveur des très petites entreprises (TPE), des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI).
Les TPE, ou micro-entreprises, sont les entreprises qui d’une part occupent moins de 10 personnes, et d’autre part ont un chiffre d’affaire annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros.
La Communauté européenne définit les PME comme les entreprises de moins de 250 salariés déclarant soit un chiffre d’affaire annuel inférieur à 50 millions d’euros, soit un total de bilan n’excédant pas 49 millions d’euros, étant indépendantes, c'est-à-dire n’étant pas détenues à plus de 25 % par une ou plusieurs entités qui ne sont pas des PME.
Le décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d'appartenance d'une entreprise pour les besoins de l'analyse statistique et économique définit expressément les ETI comme les entreprises qui n'appartiennent pas à la catégorie des PME et qui, d'une part, occupent moins de 5000 salariés, d'autre part, ont un chiffre d'affaires annuel n'excédant pas 1,5 milliard d'euros ou un total du bilan n'excédant pas 2 milliards d'euros.
Par un Pacte national pour la croissance, le Gouvernement Ayrault a mis en place 35 mesures pour la croissance et la compétitivité, qui se divisent en mesures d’urgence et en mesure s’inscrivant sur le long terme.
Ces mesures sont prodiguées par la Banque publique d’investissement créée par la loi du 31 décembre 2012 dont l’article 1er dispose que « La Banque publique d’investissement est un groupe public au service du financement et du développement des entreprises, agissant en appui des politiques conduites par l’État et conduites par les régions ». Détenue à part égale par l’État et par la Caisse des dépôts et consignations, BPI France regroupe plusieurs filiales : OSEO, FSI, FSI-Régions ainsi que CDC Entreprises. Celles-ci permettent un rayonnement de BPI France dans tout le territoire national, à travers 22 directions régionales et 38 implantations régionales.
Nous allons nous pencher sur les conditions communes à l’application desdites mesures aux entreprises (I) avant d’aborder la teneur de ces mesures et ce qu’elles apportent aux entreprises qui en bénéficient (II).

I. Conditions communes aux mesures d’aide

A. La BPI : volonté de soutien des PME et de l’innovation

La BPI, créée par la loi n°2012-1559 du 12 décembre 2012, témoigne de la volonté des pouvoirs politiques de soutenir les petites et moyennes entreprises et en particulier les entreprises innovantes. Lors de sa campagne présidentielle, François Hollande avait déclaré dans son programme vouloir créer la BPI « pour le développement local et de la compétitivité de la France ». Il ajoutait qu’une « partie des financements [serait] orientée vers l’économie sociale et solidaire ».
Détenue à part également par l’Etat et la Caisse des dépôts et des consignations, la BPI est issue de la fusion de Oséo, la banque des PME, CDC Entreprises qui investit dans les PME françaises, et enfin de la FSI qui se livre à de plus gros investissements. Oséo, qui se consacre à l’aide à l’innovation, garantit des concours bancaires et finance certains partenariats, deviendra BPI France Financement. CDC Entreprises, filiale de la Caisse des dépôts et des consignations, est une société de gestion qui investit directement ou indirectement dans les PME et les ETI de croissance à tous les stades de leur développement. Enfin, le FSI, société anonyme détenue à 49 % par l’Etat et à 51 % par la Caisse des dépôts, est un fonds d’investissement qui entre au capital de certaines entreprises, favorise les co-investissements et accompagne les entreprises à moyen ou long terme. Ensemble, CDC Entreprises et FSI deviendront BPI France Investissement.
BPI France est conçue pour rayonner à travers tous le territoire national, au moyen de 22 directions régionales et de 38 implantations régionales. 90 % des décisions de BPI France seront prises dans les régions. En outre, trois représentants des régions siègent au Comité national d’orientation, où sont prises les décisions de financement.
Le Gouvernement a souhaité construire la BPI sur le modèle allemand de la KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau), institution de droit public allemande dont le but est de soutenir les PME, la création d’entreprise, l’investissement dans les PME, ainsi que de financer les techniques économisant l’énergie.
Comme la KfW allemande, la BPI française tend à soutenir les petites et moyennes entreprises, ainsi que les entreprises de taille intermédiaire et en particulier les entreprises innovantes. C’est d’ailleurs ce que rappelle le Ministre de l’économie et des finances Pierre Moscovici dans son discours du 17 octobre 2012 au sortir de la conférence de presse pour le lancement de la BPI France, déclarant que le projet de loi instituant la BPI France « sera un outil de croissance offensif au service des PME, PME industrielles et des Etablissements de Taille Intermédiaire : c’est l’investisseur à long terme dont nos entreprises ont besoin ».

B. Conditions communes aux mesures

Dans un entretien donné à Rue 89 en date du 15 avril 2013, Nicolas Dufourcq, directeur général de la BPI France, déclare que les mesures promulguées par la banque publique d’investissement sont a priori ouvertes à toutes les entreprises de taille modeste (TPE, PME et ETI), voire parfois aux grandes entreprises lorsque celles-ci nécessitent une intervention en urgence de l’État.
Il faut cependant nuancer cette première affirmation : bien que les investissements de la BPI soient ouverts à toutes les TPE, PME et ETI, il est nécessaire que celles-ci possèdent leurs sièges de décision sur le territoire français et soient à même de créer de l’emploi en France.
Néanmoins, le véritable critère de décision de la BPI France reste attaché à la croissance et à l’innovation de l’entreprise candidate. Ainsi Nicolas Dufourcq déclare que celles-ci doivent être capables de « multiplier leur taille par cinq à dix d’ici 2030 ». En outre, la Banque publique souhaite privilégier entreprises dont le domaine d’activité est lié à l’innovation, tels que l’Internet, les biotechnologies et la transition énergétique. D’autres domaines, plus classiques, sont également concernés : les fonds équipementiers automobile, le ferroviaire, les savoir-faire d’excellence. Le directeur général précise cependant que la BPI demeure une banque « sans a priori ».
Mais il faut se demander ce que l’on entend par « innovation ». En vertu de l’article 244 quater B du Code général des impôts, on considère comme nouveau le « bien corporel qui satisfait aux deux conditions cumulatives suivantes :
  • Il n’est pas encore mis à disposition sur le marché;
  • Il se distingue des produits existants ou précédents par des performances supérieures sur le plan technique, de l’écoconception, ou de ses fonctionnalités ».

II. Mesures

A. Catalogue des principales mesures de la BPI

1. Le prêt pour l’innovation (PPI)
D’une durée de 2 ans, le PPI peut bénéficier aux PME au sens de la définition européenne immatriculée en France depuis plus de 3 ans. Les SCI et les entreprises en nom personnel ne sont pas éligibles. En outre ces PME doivent avoir un projet innovant et le justifier par l’obtention d’une aide BPI France (AI, FUI, ISI, PSPC, Concours MESR, etc.), une intervention de soutien à la RDI par un tiers, une qualification relative à l’entreprise innovante (qualification « entreprise innovante », label EIP, rescrit du CIR, etc.) ou encore un accompagnement spécifique (comme l’incubation par exemple).
Les dépenses couvertes par le PPI sont notamment les recrutements, les investissements tant matériels qu’immatériels, le marketing, voire l’organisation et l’animation de la distribution...
Le prêt accordé peut aller de 30 000 euros à 1.500.000 et ce dans la limite du double des fonds propres ou quasi fonds propres de l’entreprise bénéficiaire.

2. Le contrat de développement participatif (CDP)
Les entreprises pouvant bénéficier du CDP sont les PME et les ETI indépendantes, c'est-à-dire jusqu’à 5.000 salariés, constituées sous forme de société, créées depuis plus de 3 ans, financièrement saine et dont la croissance prévisionnelle du chiffre d’affaire global est d’au moins 5 % l’an. Les SCI et entreprises en nom personnel ne sont toujours pas éligibles à cette aide proposée par la BPI France.
Le CDP peut être utilisé par les entreprises bénéficiaires afin de financer le coût de mise aux normes, les dépenses liées au respect de l’environnement, les coûts induits par une implantation à l’international, une croissance externe, la constitution ou la rénovation d’un parc de magasins, etc..
Jusqu’à 3 000 000 d’euros peuvent être alloués par le CDP, dans la limite des fonds propres et quasi fonds propres de l’entreprise concernée.

3. Garantie des crédits de trésorerie
Les entreprises éligibles à la garantie des crédits de trésorerie sont les TPE et PME, quelle que soit leur date de création, rencontrant ou risquant de rencontrer certaines difficultés des difficultés trésorières n’étant pas d’origine structurelle.
La BPI France garantit les crédits ayant pour objet le financement de l’augmentation du besoin en fonds de roulement et/ou la consolidation des crédits à courts termes déjà existants.
Par le biais de cette mesure, la BPI France s’engage à apporter une garantie à tout établissement bancaire qui accorde un prêt à moyen terme (de 2 à 7 ans) à une PME en difficulté conjoncturelle.
La BPI peut apporter sa garantie dans la limite d’un plafond de 1,5 millions d’euros sur une même entreprise ou sur un groupe d’entreprise.

4. Offre simplifiée à l’export
Par ce dispositif, ordonné autour de 3 axes et divisé en 15 mesures, BPI France tend à améliorer les dispositifs de soutien à l’exportation pour les PME et les ETI. L’idée est celle d’une offre de financement « démocratisée, améliorée et simplifiée », notamment par la simplification des mesures de soutien, la suppression des produits financiers concurrents et la création d’un prêt « développement – export ».

5. Le préfinancement du crédit impôt recherche (CIR)
Comme pour le CICE, la BPI est peut préfinancer le CIR. Ce dispositif permet aux PME et ETI de couvrir leurs dépenses en recherches et développement (R&D) dès l’année où elles sont engagées. L’assiette de financement est de 80 % du CIR estimé au titre des dépenses de R&D engagées au cours de l’année civile considérée.

6. L’investissement en fonds propres par la BPI France
Contrairement aux autres aides abordées ci-dessus, les bénéficiaires d’un investissement en fonds propres peuvent être toutes les entreprises prétendant à un développement, qu’il s’agisse de TPE, de PME, d’ETI ou de grandes entreprises.
L’investissement en fonds propres peut être mis en œuvre pour tous projets d’innovation, de fort développement à l’international, de croissance externe ou encore de transmission, nécessitant pour l’entreprise un renfort de sa capacité financière. Cet investissement, qui peut aller de 30 000 à 50 000 euros, peut se faire au moyen de la prise directe de participation ou via des fonds d’investissement, ou encore sous la forme de quasi fonds propres.
A l’heure actuelle, BPI France étudie la possibilité d’entrer au capital de l’entreprise française de partage de vidéos Dailymotion.

B. Le CICE : mesure phare

1. Le CICE et ses modalités
L’une des mesures phares de la BPI France est le Crédit d’impôt compétitivité (CICE), a pour principal objectif de financer l’amélioration de la compétitivité des entreprises, notamment au moyen de l’investissement, de la recherche et du développement, de la formation, du recrutement, de la prospection de nouveaux marchés etc..
Le crédit d’impôt peut indifféremment bénéficier à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, quel que soit leur mode de fonctionnement (entreprise individuelle, société de personne, etc.), quel que soit leur secteur d’activité (artisanal, agricole, etc.), dès lors qu’elles emploient des salariés. Même les entreprises exonérées transitoirement de l’impôt sur les sociétés (IS) peuvent en bénéficier, ainsi que celles soumises à l’article 207 du Code général des impôts (CGI) et qui sont partiellement soumises à l’IS.
Le CICE est imputé sur l’IS ou l’IR dû par l’entreprise concernée. Son taux est de 4 % pour les rémunérations versées au titre de l’année 2013, et de 6 % pour les années suivantes. Son assiette est constituée des rémunérations brutes soumises aux cotisations sociales et versées au cours d'une année civile par les entreprises dans la limite de 2,5 fois le SMIC.
Les entreprises doivent se soumettre à certaines formalités auprès de l’URSSAF et de l’administration fiscale pour en bénéficier : notamment la déclaration de l’assiette du CICE (donc des rémunérations concernées), ainsi qu’une déclaration spéciale auprès de l’administration fiscale.

2. Le préfinancement du CICE par la BPI France
BPI France s’est engagée à préfinancer dès 2013 le CICE. L’ensemble des entreprises employant des salariés, quelle que soit leur taille et leur domaine d’activité, sont à même de bénéficier de ce préfinancement.
Il s’agit d’un crédit d’une durée d’un an, renouvelable jusqu’au versement du CICE à l’entreprise concernée. L’assiette du financement est fixée à 85 % du CICE estimé au titre l’année civile en cours.
Le recours au préfinancement génère cependant des frais de dossier, ainsi que des intérêts d’emprunts calculés sur le capital restant dû par l’entreprise, et ce à hauteur de 3 à 4 %.
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Chronique co-écrite par Sébastien Lachaussée, avocat à la Cour et Pauline Garrone