Faut-il encore « apprendre par cœur » ?

De longue date, les « matières de mémoire » ont fait l’objet de critiques de plus en plus virulentes dans les « hautes sphères » de l’Éducation nationale. Et leur place se réduit dans les programmes scolaires, ou encore dans ceux des concours. Il est donc intéressant de débattre de la question : faut-il encore « apprendre par cœur » ?

Faut-il encore « apprendre par cœur » ?
En principe, non … c’est une méthode dénoncée depuis longtemps. Voici quelques exemples des reproches qui lui sont adressés. Les trois principaux reproches adressés à la méthode du « par cœur » sont les suivants. Elle surcharge la mémoire, elle demande des efforts démesurés, elle ne produit que des résultats éphémères. Le « trop plein » débouche rapidement sur le vide. Cf. aussi la notion de « bachotage » ou celle de « bourrage de crâne ».
Au sein même de l’Éducation nationale, les critiques sont allées très loin… et elles ont été reprises au plus haut niveau de l’Etat (cf. les controverses sur La Princesse de Clèves – à savoir : est-il encore utile de connaitre les grandes œuvres littéraires ?).
Et pourtant la mémoire mérite pleinement  d’être réhabilitée. Cf. la maxime déjà ancienne de l’éducation populaire : « pour reconnaître et pour progresser, il faut d’abord connaître, bien connaître et bien mémoriser. »
Une preuve en est, par exemple, et avec bien des vicissitudes, dans le nécessaire renouveau de l’histoire et de la géographie, considérées, à tort ou à raison, mais péjorativement, comme des « matières de mémoire ». Elles permettent à tous et à chacun de se situer dans le temps et dans l’espace (cf. la notion de « cadres spatio-temporels » pour les épreuves de culture générale, les exposés techniques et les épreuves sur dossiers). À ce titre, elles jouent donc un rôle capital lors des concours. Que ce soit en culture générale, ou dans les domaines administratif  et juridique, économique et social, international … Et il faut bien reconnaître que les connaissances et compétences dans ces divers domaines jouent un rôle important dans la vie professionnelle pour le bon déroulement des actions et pour le succès même dans la carrière.
Bien entendu, la mémoire ne doit pas être « compartimentée ». Il ne faut pas se contenter d’empiler des connaissances dans des cases ou dans des tiroirs étanches. Vous devez mettre en pratique la pluridisciplinarité, ou mieux encore l’interdisciplinarité.
Cf. la règle, toujours très utile en pédagogie, des « cercles concentriques ». Elle permet d’apprendre en approchant une même notion par différents angles. Bien entendu, c’est aussi une méthode très utile, à l’oral comme à l’écrit, pour rassembler les idées ou les connaissances nécessaires pour traiter un sujet. Et pour participer efficacement à des débats ou discussions, dans tous les domaines et dans toutes les circonstances.
Il importe donc de bien réfléchir sur l’utilité de la mémoire, à l’école et à l’université, puis sur son bon usage dans la vie professionnelle.
Un point stratégiquement important à rappeler dès maintenant : la mémoire fait gagner beaucoup de temps, dans la vie scolaire comme dans la vie quotidienne … et le jour des examens et concours, ou encore lors des entretiens de recrutement. Notre cerveau est un outil merveilleux, il faut l’utiliser !
L’effort d’éducation de la mémoire accompli au collège, au lycée ou à l’université vous sera utile ensuite dans votre vie professionnelle. Par exemple, si vous avez appris la liste des souverains et des chefs d’Etat, vous serez capable ensuite de retenir plus facilement la liste des membres d’un conseil national ou d’un conseil d’administration. Et de retenir la liste des participants lorsque vous aurez à organiser des réunions. Surtout si vous avez mis au point de bons moyens mnémotechniques. Il est bien connu, dans beaucoup de domaines, que les « grands patrons » ont « une mémoire d’éléphant ».
L’apprentissage « par cœur » peut se révéler très efficace si l’on veut reproduire telle quelle une série d’informations : le rappel d’un seul élément (par exemple un nom d’une liste) peut faire revenir l’ensemble automatiquement. Un trait particulier d’un personnage peut vous faire remémorer l’ensemble de sa personnalité, ses coordonnées, son portrait et son histoire.
La mémoire peut être considérée comme faisant partie des méthodes de travail intellectuel. Et des premières méthodes à mettre en œuvre quand vous prenez un nouvel emploi.

Ainsi il vous faudra apprendre par cœur de nouveaux organigrammes, et les listes de vos interlocuteurs, collègues et supérieurs hiérarchiques, membres des bureaux. Puis aussitôt celles des divers partenaires, et notamment des principaux clients.

En fait, au cours de vos études, il faut distinguer selon le degré de compréhension :
  • apprendre par cœur des pages que l’on ne comprend pas est évidemment plus nuisible qu’utile … mais n’est-ce pas un phénomène de plus en plus rare ?
  • entraîner sa mémoire pour bien apprendre est une excellente chose … qui va de pair avec la compréhension.
Il existe certes des « surdoués » naturellement (cf. les calculateurs prodiges, ou encore les champions d’échecs ou de bridge), mais pour la plupart des hommes une excellente mémoire est le fruit d’un long travail méthodique.
On ne retient bien que ce que l’on a compris, parfaitement compris. Et il faut souligner aussi l’importance de l’assemblage, du classement rationnel et de la synthèse. Pour s’approprier les idées, faire siens tous les éléments essentiels.
  • Assemblage et classement : il faut regrouper et classer rationnellement tous les éléments présentant des liens logiques.
  • Synthèse et reformulation : exprimer des idées synthétiques après avoir regroupé des mots, des faits ou des idées ; et rédiger des phrases ou paragraphes pour formuler des définitions, des principes ou des idées générales.

Votre stratégie

Il faut déterminer de façon précise ce qu’il est indispensable de savoir par cœur. Vous pourrez constituer une deuxième liste avec ce qui est utile. Et, bien entendu, vous éliminerez tout le reste (… sauf évidemment si vous avez naturellement une mémoire prodige !).
Nous invitons nos lecteurs à poursuivre et renouveler leurs réflexions et à dresser la liste des textes ou connaissances indispensables dans tous les autres domaines pouvant leur être utiles (économique, social, politique, historique, scientifique et technique …). Ou encore dans le domaine financier. Et bien entendu pour tout ce qui concerne leur entourage, personnel et professionnel : tout savoir sur son entreprise, son histoire et son actualité, son environnement et même l’ensemble de son domaine, c’est le propre des grands dirigeants !

Ultimes citations

  • « Quand on veut comprendre, on a compris et on retient. Quand on ne veut pas faire l’effort de comprendre, on ne comprendra jamais. » Propos attribué à Albert Einstein.
  • « La mémoire est nécessaire pour toutes les opérations de l’esprit. » Pascal, Pensées.
  • « Sans la mémoire, l’homme ne peut rien inventer, ne peut combiner deux idées. » Voltaire.
Exemple de bonne citation issue de la sagesse populaire
« Notre cerveau, c’est comme un grand coffre :
bien rangé, il peut contenir presque tout ;
mal rangé, il ne contient presque rien. »
L’opposition entre mémoire et intelligence ? Un grand écrivain en fait justice !

Voici d’excellents propos de Georges Duhamel, de l’Académie française.
« Je suis né dans un temps où la mémoire n’était point considérée comme une vertu funeste … J’ai vu, par la suite, naître et grandir dans le monde universitaire, un profond mépris de la mémoire, vertu que l’on a voulu, par un damnable artifice, opposer à l’intelligence.
C’est une grande niaiserie. Loin de porter ombrage à l’intelligence, la mémoire l’alimente, la suscite, lui fournit des matériaux. Un homme intelligent, doué d’une mémoire faible et mal exercée demeure un infirme et un pauvre : il perd les meilleures chances d’appliquer son entendement.
On ne méprise pas la mémoire, on la dresse et on la fait obéir. »