Pour réussir l'apprentissage supprimons l'arrogance

Réussir l'apprentissage en France n'est pas une question de mesure technique et financière. Mais plutôt d'adaptation aux PME, de formation à distance et de suppression de l'arrogance dans les écoles de l'élite française.

L’échec de l’apprentissage en France est proportionnel à la réussite des écoles élitistes. Cela signifie t-il que l’on doive supprimer les grandes écoles ? Ce serait une décision assez socialiste, qui aime élaguer par le bas, car partager la pauvreté en y engouffrant la société semble avoir été leur obsession. En tous cas quand la gauche existait encore. Ce pourrait aussi être une décision de quelques bobos de droite, qui pour la bonne conscience et le bonheur de la démagogie aiment à donner l’impression d’être les révolutionnaires, rebelles, de leur univers. Sans le penser une seule minute. Proposer des choses impossibles est une promesse qui ne coûte pas cher, pour un profit d'image maximal.

Supprimer les grandes écoles, y compris l’Ena, est une stupidité. Et ne changera rien à l’apprentissage en France. Il ne faut pas moins d’élite à la tête de nos entreprises et administrations, il faut plus de diversité dans les profils recrutés, afin que nos élites ne monopolisent pas la totalité des postes à responsabilité, en excluant ceux qui ont eu un chemin différent.

La seule chose qui bâtira une culture proche de celle de l’Allemagne c’est d’extraire l’arrogance du programme des grandes écoles, et de l’image qui les entoure. Et faire des grandes écoles, des systèmes qui justement utilisent l’alternance et l’apprentissage. Les écoles qui pratiquent l’alternance ne fabriquent pas des sous-ingénieurs, elles fabriquent des ingénieurs qui cessent de considérer qu’ils savent tout (arrogance) pour le confronter à la réalité, et apprendre à le faire dans un système, qui accorde à la qualité de leur management, autant d’importance qu’à leur niveau en maths. Se confronter à la réalité, accepter l’autre dans sa différence, est la meilleure façon de rester le meilleur en le prouvant, au lieu de le considérer comme un acquis à vie, que le diplôme conférerait.

Plus que jamais, à l’heure du digital, ce n’est plus la seule performance neuronale qui garantit le succès, mais la qualité de l’organisation, du management qui l’accompagne, et la capacité à vivre et travailler de façon collaborative.

Faire de nos énarques des apprentis en alternance, permettra de rendre cette méthode "banale", non discriminante, ce qu’elle est actuellement en ce qu’elle distingue celui qui réussit du "gueux" qui doit la subir. Former à l’excellence concerne autant le meilleur pâtissier que le meilleur ingénieur, l’énarque. L’apprentissage, l’alternance, doivent être des méthodes banales pour atteindre l’excellence, dans tous les domaines. La même vitamine pour tous les champions !

L’arrogance extraite de cette dent infectée, nous pouvons offrir un sourire brillant à l’avenir. Cela permet de changer la culture, mais c’est insuffisant. Une fois le sol fertilisé, faut il encore planter selon les variations de climat. Or en France, nous avons 2 micro climats parfaitement non alignés et différents : La grande entreprise et la PME.

A ma droite sur le ring, des grands groupes, qui au total, ont besoin de moins en moins d’apprentis. Mais pourraient quand même les former. Dans un acte sociétal qu’ils réalisent déjà d’ailleurs, et que l’extension de la mission sociétale des entreprises pourrait promouvoir (Mission Sénard/Notat à laquelle j’ai contribué), les grands groupes pourraient "échauffer" les apprentis afin qu’ils soient "à point" en arrivant dans les PME. Et notamment les PME qui dépendent d’eux !!

A ma gauche, les PME. 1.5 Millions d’entreprises qui meurent et se refusent la croissance faute de trésorerie (de la faute des grands groupes) et d’hommes. De compétences. Une belle voiture sans carburant reste immobile. C’est ce qui explique, en large partie, l’incapacité de nos PME à nous donner des ETI. Il leur faut du sang frais, mais pour de bonnes raisons. Les PME ne sont pas des vampires qui aspirent le sang frais pour relâcher un corps sans vie après en avoir vidé la substance. Ils donnent la vie et construisent des hommes et des femmes qui peuvent rêver d’évolution et d’ambition. Mais il leur faut également des compétences seniors. L’arrivée d’une compétence senior entraîne celle de 3 à 5 compétences plus jeunes. Il faut donc que l’apprentissage offre aux apprentis, et donc aux PME, de façon coordonnée et simultanée, des compétences senior. Et cela tombe bien, les grands groupes en ont à ne savoir (apparemment) qu’en faire ! Et les laisse partir. Au lieu de les laisser tomber dans l’oubli et le néant, offrons leur une piste d’atterrissage qui assurera l’envol des PME.

Enfin, la plaie pour une PME c’est la gestion du temps de l’apprentissage. L’alternance, indispensable néanmoins, entre la formation théorique et la pratique dans l’entreprise. Il faut donc mettre le paquet sur la formation à distance, tout en s’assurant qu’elle ne passe pas à la trappe par la même occasion. On doit avouer, en toute franchise, comme entrepreneur, que si l’apprenti est à 100% dans l’entreprise, avec un accès distant à sa formation, que l’on pourrait être tenté de rendre très distant le temps de formation. De le rendre accessoire, voire inexistant. Il faut donc le réguler et obliger. Mais tout le monde y gagnera. Moins présent à l’école, les écoles coûteront moins cher, ce qui arrangera tout le monde (sauf les écoles), le temps sera mieux utilisé et le résultat obtenu. Un diplôme et un vrai métier, un vrai job.

Finalement, réussir l'apprentissage, c'est assez simple. Une culture. Une ouverture. Une bienveillance. Tenir compte des réalités contrastées. Et introduire des méthodes dignes du XXIème siècle. C'est en large partie ce que nous avons proposé à l'Observatoire de l'Ubérisation il y a un an déjà. Alors cher Gouvernement, pour réussir la réforme de l'apprentissage, il suffit d'ouvrir les placards. Toutes les solutions sont déjà écrites, ou presque !