Les trois grands principes de la négociation diplomatique : la préservation de la relation

Si votre pitch a fonctionné et convaincu, votre interlocuteur – potentiel investisseur, futur client ou employeur – vous dira un grand "Oui ". Mais ce n’en est pas fini pour autant. On pourrait même dire que cela ne fait que commencer. Il va dès lors falloir s’entendre sur tous les paramètres de la collaboration, le rôle de chacun, les attentes financières et tant d’autres facteurs que seule une bonne négociation permet d’optimiser pour chacune des parties.

Le pitch et la négociation vont de pair sans qu’il soit possible de faire l’impasse sur l’un ou l’autre. Au quotidien aussi, c’est un soft skill essentiel pour maximiser notre travail d’équipe, créer un environnement positif et résoudre les conflits.

Les événements internationaux récents ont remis au centre du jeu une certaine tendance dure dans l’art de la négociation ; des figures comme Trump, Poutine ou Erdogan cherchent à normaliser la confrontation, la rupture et le "à prendre ou à laisser" dans les discussions mondiales, à l’inverse de la manière dite "diplomatique". Si bien qu’ils réussissent parfois à ancrer dans le discours ambiant une méfiance à l’endroit du diplomate, qui ne serait qu’un faiseur de mots, un hypocrite ne révélant jamais son véritable but, tournant sans fin autour du pot.

Cette caricature est, bien entendu, aussi grossière que les personnages qui la défendent et repose sur une incompréhension des métiers de la diplomatie ; on a beaucoup à apprendre, cela va sans dire, des diplomates ; en particulier pour les grandes et petites négociations qui sont un élément incontournable de toute vie professionnelle. Voici donc trois grands principes dans l’art de la négociation, exposé par Peter, notre coach passé par le Quai d’Orsay.

"Le diplomate ne tourne pas autour du pot, il se met à la place de la plante"

"Gagnant", "perdant", "dominant", "dominé", ces termes reviennent souvent quand nous évoquons le résultat d’une négociation. À la fin de la COP21 pourtant, lorsque Laurent Fabius annonce que les parties sont parvenues à un accord, il est visiblement ému. C’est une impression d’authenticité, de sincérité, de bienveillance qui se dégage de lui ; cette attitude positive contraste vivement avec ce que nous pouvons parfois ressentir au terme d’une négociation.

Il arrive, en effet, que nous nous sentions floués ou déçus si nous n’avons pas obtenu ce que nous voulions ; au contraire, si nous avons triomphé et eu satisfaction sur l’ensemble de nos demandes, nous pensons avoir arraché quelque chose à l’autre. La diplomatie va à l’encontre de l’idée qu’une négociation serait un jeu à sommes nulles avec des gagnants et des perdants ; lorsque deux parties négocient, le but est de parvenir à un accord gagnant-gagnant.

Une négociation est un jeu à sommes multiples : ce que nous gagnons nous ne le prenons pas forcément à l’autre, et vice versa. Sinon le concept de collaboration ne pourrait pas exister. Être sûr de soi, savoir ce que l’on veut, être assertif, ne peut pas fonctionner sans la nécessaire empathie permettant à l’autre de trouver son intérêt. Car si nous sortons vainqueurs d’une négociation, dans quel état d’esprit sera notre interlocuteur ? Il se sentira utilisé, dominé. C’est alors l’élément le plus important qui sera endommagé : la relation.

Vouloir préserver la relation : aller vers l’autre, aller vers soi

Le premier et le plus important principe de la négociation diplomatique consiste à mettre au premier plan la préservation de la relation à l’autre.Ne pas savoir faire preuve d'empathie, c'est prendre le risque d'endommager la relation, même si nous sortons gagnant. Celui qui perdra au change n'aura aucun intérêt à poursuivre une relation qui se fait à son détriment. Pour mettre la relation au centre, il faut donc aborder toute négociation avec la volonté sincère de trouver un accord qui soit maximisant pour l’ensemble des parties. Pour cela, il faut chercher à comprendre l’autre, ses motivations, ses modes d’action, sa façon de communiquer et de ressentir.

La meilleure manière d’y parvenir est d’utiliser une technique de communication bienveillante : séparer la personne de l’enjeu. Lorsqu’une négociation s’envenime ou qu’elle met en jeu des éléments cruciaux, nous pouvons avoir tendance à confondre notre interlocuteur avec les enjeux qui nous mobilisent émotionnellement.

Dès que nous entrons dans le registre de l’accusation ou de la prise à partie personnelle, nous commençons à détériorer la relation avec le partenaire sans pour autant faire avancer l’échange vers un accord. Il faut donc toujours veiller à ne pas transformer une tentative d’accord en une affaire personnelle où trop d’affect et d’égo entrent en jeu.

En séparant les deux on pourra au contraire se mettre à la place de l’autre et travailler à améliorer la relation avec lui grâce à un accord gagnant-gagnant Est-ce que cela veut dire qu’il faut pour autant nous oublier et laisser l’autre nous dicter ses exigences ? Bien sûr que non : l’empathie est essentielle ; mais des deux côtés.

Nous devons aussi être attentifs à nos propres enjeux et être capables de les exprimer clairement dans le cadre de la négociation : cela s’appelle faire preuve d’assertivité, c’est à dire faire preuve d’empathie envers soi-même et pouvoir l’extérioriser.

Nos valeurs, principes et intérêts ne peuvent être mis de côté par empathie pour l’autre. Le but d’une négociation est de "s’aider, sans céder". Le prochain article sera consacré au deuxième grand pilier de la négociation diplomatique : une bonne préparation fondée sur la compréhension des intérêts de chacun et sur une recherche créative de solutions.