Les MOOC, déjà has-been ?
L'enthousiasme pour les cours en ligne ouverts et massifs retombe. En cause, le faible taux de réussite. De nouveaux concepts -payants, plus courts- font leur apparition.
"J'ai suivi un MOOC au printemps dernier et je me suis ennuyé ferme. C'était tellement soporifique que je n'ai pu aller jusqu'au bout." Lassé par ces plateformes qui proposent de suivre les cours des plus prestigieuses universités américaines en ligne, le russe Pavel Dmitriev a l'idée de créer Coursmos, un site de programmes courts d'apprentissage sur Internet. "Coursmos propose des cours de trois minutes pour la génération Twitter, explique-t-il. C'est un outil qui offre la même qualité que les autres cours en ligne, mais en plus petits morceaux, plus faciles à gérer sans l'engagement en temps qui s'avère trop intimidant dans la plupart des MOOC."
Dans le bus, sur un smartphone, chacun a accès aux cours, souvent gratuits. Mais, pour l'instant, le choix n'est pas pléthorique, car ce sont en fait les internautes qui fournissent le contenu. "L'année prochaine, nous aurons plus de 20 000 cours à disposition", assure Pavel Dmitriev.
Des formats plus courts
Mais quelle différence alors entre Coursmos et Youtube, qui regorge également de vidéos d'apprentissage en tout genre ? "Tout d'abord, nous n'avons pas de vidéos de chats, plaisante Pavel Dmitriev. Il n'y a que du contenu pour apprendre. Une fois le cours terminé, l'utilisateur a la possibilité d'approfondir ses connaissances par le biais de liens vers d'autres cours. Le plus important c'est d'instiller du savoir dans un court laps de temps pour capter l'attention de ceux qui en ont peu."
Les cours sont répartis en thématiques, de l'art à la cuisine en passant par l'informatique. S'ils le souhaitent, les "enseignants" présents sur Coursmos peuvent facturer l'accès à leurs cours. 9% de la somme est alors reversée à Coursmos. Depuis sa création en juillet dernier, l'initiative a déjà séduit les investisseurs et a récolté environ 150 000 dollars de financement.
"Le plus important, c'est d'instiller du savoir dans un court laps de temps pour capter l'attention de ceux qui en ont peu"
Alors que la plupart des MOOC permettent de suivre gratuitement les cours mis à disposition, le site Mindsy, lancé en août 2013, propose une sélection de 5 000 cours (pour l'instant) pour un abonnement de 29 dollars. "Nous nous considérons comme un service de type Netflix [site de vidéos par abonnement, NDLR] de contenu de e-learning, explique son créateur, Christian Owens, au site TechCrunch. Le contenu disponible sur Mindsy peut aussi être acheté à l'unité sur d'autres sites. Mais le prix moyen de chaque cours que nous proposons est d'environ 49 dollars." A ce jour, les cours disponibles sur Mindsy présentent plutôt un aspect pratique, par exemple "comment réaliser son site web".
Désillusion vis-à-vis des MOOC
L'apparition de ces nouvelles plateformes dans l'univers de l'apprentissage sur Internet intervient alors que les MOOC, encensés il y a un an, font désormais l'objet de nombreuses critiques.
L'année dernière, un article du New York Times adoubait 2012 comme "l'année du MOOC". "Rien n'a plus de potentiel pour soutirer autant de personnes de la pauvreté", s'enthousiasmait même en janvier dernier l'éditorialiste Thomas Friedman. A cette époque, l'un des pionniers de l'enseignement sur Internet, Sebastian Thrun, confiait son optimisme au JDN. Aujourd'hui, le fondateur d'Udacity (et aussi créateur de Google Glass et la Google Car) nuance l'impact des Mooc. "J'aspirais à donner aux gens une éducation profonde - pour leur enseigner quelque chose de substantiel, avoue-il en novembre 2013 dans le magazine Fast Company. Mais les données ne sont pas concordantes avec cette idée."
"Nous étions à la Une des journaux mais nous avions un produit pourri"
Loué pour avoir attiré un nombre impressionnant d'élèves, environ 1,6 million, Sebastian Thrun s'aperçoit que seuls 10% des étudiants suivent les cours jusqu'au bout. De plus, parmi ceux-ci, un nombre encore plus faible réussit l'examen. "Nous étions à la Une des journaux et des magazines et, en même temps, je me rendais compte que l'on ne parvenait pas à éduquer les gens [comme nous le souhaitions], se désole Sebastian Thrun. Nous avons un produit pourri."
L'ambition affichée des MOOC est d'instruire le plus grand nombre et surtout de rendre accessible l'éducation au monde entier. Telle était (et est toujours) la volonté de la plateforme Coursera. Mais une nouvelle étude, publiée par des chercheurs de Penn State University dans la revue Nature, montre que les élèves qui ont suivi les MOOC sur Coursera sont en réalité très instruits et disposent déjà d'une carrière en bonne voie. Ainsi, 83% des interrogés possédaient déjà d'un diplôme universitaire, un chiffre bien supérieur à la moyenne mondiale.
Des potentialités qui restent à exploiter
Cependant, la remise en cause est à relativiser. Certes, les MOOC n'ont pas, à peine deux ans après la création des pionniers tels que Coursera, encore engendré une remise à plat de l'enseignement supérieur tel que nous l'avons connu jusqu'à présent. Il n'empêche que, selon le Babson Survey Research Group, 69% des leaders académiques outre-Atlantique estiment que les MOOC sont essentiels à leur stratégie de long terme. (Précisons tout de même que seuls 30% des professeurs d'université partagent cet avis. Un scepticisme qui s'explique en partie par la crainte de voir les fonds alloués aux universités publiques diminuer en raison de coûts supposés moindres des MOOC.)
Quant aux données sur la participation des étudiants, il faut également les nuancer. Le professeur Jeffrey Pomerantz de l'Université de Caroline du Nord à Chapel Hill a ainsi calculé différemment le taux d'achèvement – le nombre d'étudiants ayant suivi jusqu'au bout par rapport à ceux qui ont commencé - à son cours proposé sur Coursera "Métadonnées : organisation et découverte de l'information en 2013". Si l'effectif de ceux qui ont terminé le module ne fait pas débat, le nombre de personnes ayant "débuté" l'enseignement peut s'appréhender de différentes façons.
En règle générale, sont comptabilisés comme participants initiaux tous les étudiants qui ont simplement cliqué sur le bouton "s'inscrire", c'est-à-dire la toute première étape, ce qui donne en effet un taux d'achèvement proche de 5%. Jeffrey Pomerantz s'est ensuite intéressé au nombre de personnes ayant réellement regardé au moins une vidéo. Le taux d'achèvement grimpe alors à 15% chez les étudiants concernés. Et, si l'on prend uniquement en compte comme participants de départ ceux qui ont pris la peine de répondre à un questionnaire, le taux s'élève alors à 48%. Par ailleurs, même avec beaucoup de déperdition, la diffusion du cours reste importante. "Le nombre d'étudiants qui ont terminé mon MOOC est approximativement égal au nombre d'étudiants que j'ai eu dans la salle de classe dans toute ma carrière", conclue le professeur dans le Huffington Post.
"Le MOOC qui dure deux mois en décourage plus d'un"
Sans doute avons-nous oublié que l'éducation n'est pas un bien consommable comme les autres. Il ne suffit pas de contempler une vidéo pour apprendre, il faut également travailler. "Les gens connaissent un sentiment de satisfaction lorsqu'ils terminent quelque chose qu'ils ont entrepris, analyse Pavel Dmitriev. Le MOOC qui dure deux mois en décourage plus d'un. Or avec des formats plus courts, l'utilisateur finit réellement ce qu'il a entrepris. Nous allons compléter Coursmos avec des examens, des possibilités de se réunir en communautés. Mais toujours dans le souci du format court. A terme, Coursmos pourra servir d'outil pour les MOOC eux-mêmes."