Les soft skills : de quoi parle-t-on exactement ?
On ne compte plus les articles évoquant le top 5 des soft skills à absolument posséder. Mais de quoi parle-t-on exactement ? Qui est à même de les définir et comment ? Et finalement, comment réellement accompagner le développement des compétences et des Soft Skills ?
Les soft skills, savoir-être, compétences transversales et transférables... de quoi parle-t-on concrètement ?
Si le terme "soft skill" est commun dans la vie de tout recruteur et de tout candidat, sa qualification ne fait pas consensus. On évoque aussi les "compétences non académiques", les compétences "transversales", les compétences "transférables" , les compétences sociales, relationnelles, non cognitives". On parle aussi de "savoir-être". Quelle que soit l’appellation retenue, ces compétences sont souvent présentées par rapport à ce ce qu’elles ne sont pas : les hard skills. C’est-à-dire des compétences thématiques, techniques, métier, disciplinaires, cognitives, théoriques, des savoirs faires, etc.
Pour faire plus simple en parlant des Soft Skills, on pourrait dire qu’il s’agit des ressources acquises et développées par l'individu dans différents contextes (formatifs, professionnels ou personnel), tout au long de sa vie. Elles se traduisent dans les actes et comportements individuels, plus ou moins consciemment, dans une situation sociale donnée. Elles ne sont pas innées (à l’inverse des traits de personnalités). Le pari est ainsi pris que l’on peut les enseigner ou les développer par la formation. Elles ne sont pas non plus à confondre avec des états émotionnels qui reflètent la manière dont se sent une personne à un instant T (la motivation n’est pas une soft skill).
Pourquoi il est urgent de les développer ?
Plusieurs arguments économiques sont mis en avant pour justifier l’intérêt que l’on porte au sujet. Le numérique et les nouvelles technologies suscitent des changements économiques et sociétaux importants. La digitalisation mène à l’émergence de nouveaux métiers, à l’évolution de ceux existants ainsi qu’à la manière dont on collabore et organise le travail au sein des organisations.
Plusieurs études commencent aussi à montrer que ces compétences ont des effets concrets sur les trajectoires professionnelles des personnes et des organisations, que ce soit lors du processus d’embauche, sur la rémunération ou encore sur la performance et l’efficacité dans le travail. Ces compétences transversales seraient ainsi source d’une plus grande efficacité à différents points de vue et donc stratégiques dans un contexte économique en tension.
Face à cet engouement pour les soft skills, plusieurs risques ou points d’attention sont à signaler
Le premier tient à la recherche de leur énumération dans des référentiels. Il existe, à l’heure actuelle, plusieurs référentiels de soft skills. Si ces compétences sont stratégiques, il est nécessaire de les cibler pour chaque métier, d’identifier celles qui sont nécessaires ou vont contribuer à l’efficacité de l’employé. Mais dans ces référentiels, les compétences sont décontextualisées. On parle de "l'autonomie", "l’esprit critique", "l’empathie", etc.. Dans ce cadre, comment parvenir à analyser et décrire, de manière suffisamment exhaustive et précise, toutes les situations professionnelles rencontrées dans l’exercice de chaque métier où ces compétences seraient nécessaires ? Qui peut ou qui doit le faire ?
Le second problème des référentiels tient aussi à leur utilisation par les acteurs de terrain. Ils invitent à avoir une vision tranchée de la situation : est-ce que la personne possède ou non cette soft skill ? Or, la définition même de ces compétences transversales implique qu’elles s’expriment, de manière combinées, dans des situations sociales. Toutes ne laissent pas nécessairement l’opportunité de les exprimer de la même manière. On peut être empathique vis-à-vis de ce collègue que l’on apprécie à la réunion du vendredi, mais pas vis-à-vis de celui qu’on n’apprécie guère le lundi matin alors que sa propre semaine s’annonce bien chargée. On peut aussi signaler que très souvent ces compétences, telles que désignées par les référentiels, ne sont pas ou peu opérationnelles.
Si l’angle des compétences transversales (ou soft skills) peut constituer une opportunité pour des publics particulièrement éloignés de l’emploi, peu qualifiés ou non diplômés, pour valoriser d’autres formes d’expériences, le risque est aussi qu’il constitue un nouveau critère discriminant. Même si une certaine hiérarchie des compétences, donnant la primauté à celles métiers ou professionnelles sur les soft skills, semblent continuer d’exister, à qualification comparable, les soft skills possédées pourraient accroître la concurrence au profit de ceux qui les "auraient" et qui auraient su les signaler. Dans un tel schéma, il ne faudrait pas que le recruteur ignore finalement le plus important : offrira-t-il aussi un environnement de travail propice à leur expression, à leur développement ainsi qu’à leur valorisation et reconnaissance ?
Un dernier point d’interrogation majeur est celui de la manière dont on offre la possibilité de les développer : quels dispositifs pédagogiques créer pour préparer à des situations dans lesquelles s’exprimeront ces compétences (et non pas directement aux compétences) ? Comment inventer des formations tenant compte des besoins et des situations précises que connaîtront les individus ?