L'Ecole virtuelle peut-elle apprendre des entreprises ?

De nombreux lycéens et collégiens vont devoir rebasculer sur un mode hybride présentiel / distanciel. Comme l'épidémie n'est pas prête de s'arrêter, nous nous sommes interrogés sur les pré-requis pour que l'école virtuelle fonctionne au mieux.

Cette année, alors que la pandémie continue de frapper la France, les premiers jours d’école n’ont pas grand-chose à voir avec les souvenirs que nous pourrions faire resurgir de notre enfance. Et pour cause, de nombreux lycées et collèges n’étant pas en mesure d’accueillir les élèves dans des conditions sanitaires suffisantes, certains adolescents ont passé certaines journées de cours devant leur ordinateur, tandis que leurs professeurs s’efforçaient de jouer les administrateurs informatiques pour résoudre les innombrables problèmes que pose ce format d’apprentissage virtuel.

Aux États-Unis, une mère a saisi le découragement de son petit garçon de cinq ans dans une photo qui est devenue virale. Sur le cliché, le petit garçon en larmes, se tient la tête entre les mains, effondré de n'avoir pu participer en classe, après une matinée à batailler avec des problèmes de réseau. La scène est bouleversante. Aucun enfant ne devrait avoir ce type de souvenir de son premier jour d'école.

C’est cependant l’expérience que beaucoup d’enfants français seront amenés à vivre tant que les académies et les entreprises de technologies ne travailleront pas main dans la main, au-delà des sociétés comme OVH, Google ou Apple, à rendre la classe virtuelle attrayante et efficace. Il en va de l’éducation de nos enfants qui, faute de collaboration entre le public et le privé, restera au point mort tant que nous n’aurons pas vaincu la covid-19.

Nos enfants ne sont pas les seuls à souffrir de cette situation. Ce n’est pas non plus ce pour quoi les professeurs ont signé lorsqu’ils ont choisi la voie de l’enseignement. Le corps enseignant et le personnel administratif ont déjà suffisamment de pain sur la planche sans qu’on leur demande d’assurer, en plus, le support technique. Il en est de même pour beaucoup de parents qui doivent faire des choix extrêmement difficiles. Aux inquiétudes sur le développement, la santé et la sécurité de leurs enfants s’ajoute la nécessité de concilier des injonctions extérieures, comme les horaires de travail et l’augmentation de la facture des frais de garde.

Un bon partenariat technologique public-privé ne permettra pas de gérer plus facilement une classe d'enfants de 6 ans sur Zoom. Ce type de collaboration pourra cependant contribuer à rendre la technologie plus fiable et plus simple à gérer pour que les enfants puissent rester connectés et participer à la classe.

Lorsqu’ils ont choisi leur métier, nos enseignants et nos éducateurs n’auraient jamais imaginé une telle situation. Ils n'ont aucune formation en informatique, en protection de la vie privée ou en cybersécurité. Par où commencer ? Que faire pour empêcher que les étudiants ne soient bloqués par des problèmes technologiques ? Voyons cela ensemble.

Je dois néanmoins préciser qu’il n’existe pas de solution universelle. Les circonstances sont propres à chaque collège, lycée, école ou même académie. Les besoins ne sont pas les mêmes selon que l’on se trouve en plein cœur de Paris ou dans un collège de la Creuse. Aucun des conseils donnés ici n’est prescriptif — il s'agit juste d'éléments généraux sur les différents sujets auxquels nous serons confrontés avec cette nouvelle "école virtuelle".

Bande passante

Il n’y a pas besoin d’être diplômé en informatique pour déduire l’importance d’une réflexion sur la capacité de notre réseau à gérer l’augmentation du volume de trafic — pas uniquement le réseau des professeurs et des élèves, mais aussi des parents, des proches et de toute personne impliquée dans l’éducation d'un enfant sont concernés. Il n’est pas question que d'attirer des visiteurs sur un site web : il faudra probablement diffuser de la vidéo en streaming, télécharger et mettre en ligne des documents, puis authentifier des appareils. Et tout cela nécessite de la bande passante. Il est donc primordial de vérifier que la capacité réseau de sa localisation est suffisante.

Identités d’appareils

Chaque élève aura besoin d’un moyen de se connecter. En France, de nombreuses académies distribuent des équipements (iPads, portables... par exemple), mais les établissements peuvent-ils suivre ou gérer les appareils utilisés pour se connecter ? Ces derniers pourraient mettre en place des contrôles de sécurité stricts sur les appareils (pour les « verrouiller » efficacement), ce qui améliorerait la sécurité. Mais comment diffuser les mises à jour ? Que faire si un élève a besoin de recharger des applications ou des logiciels ? Un système de hiérarchisation des problèmes est-il prévu ?

Les choses se compliquent un peu plus lorsque les enfants utilisent leurs propres appareils. Les entreprises sont habituées à gérer le BYOD (Bring Your Own Device) — l’utilisation par les employés de leurs téléphones et tablettes personnels pour accéder aux actifs de l'entreprise. Avec les appareils des enfants, nous n'avons aucune garantie ; ce sont des variables inconnues. À moins d’équiper chaque enfant, c’est un obstacle que les écoles vont devoir surmonter.

Les chefs d’établissements vont ainsi devoir prendre des décisions éclairées sur la façon dont les identités de ces appareils doivent être gérées. Autrement dit, ils vont devoir définir les règles et choisir les technologies à mettre en place pour gérer l’inscription des appareils, leur authentification et la diffusion des mises à jour.

Il existe plusieurs technologies d’authentification, comme la biométrie, les certificats (PKI) ou les solutions basées sur des tokens. Quel que soit le choix, la complexité de certains aspects nécessite souvent de faire appel à un partenaire — grande entreprise technologique ou prestataire de services gérés.

Comment protéger les données et où sont-elles stockées ?

Les données personnelles sont précieuses et les écoles sont sur le point de se retrouver plongées dans un océan de données. La Commission Européenne appelle "données à caractère personnel" (DCP) des "informations se rapportant à une personne vivante identifiée ou identifiable. Différentes informations, dont le regroupement permet d’identifier une personne en particulier, constituent également des données à caractère personnel". La définition d’une DCP n'est pas rattachée à une seule catégorie d'information ou de technologie. Elle exige plutôt une évaluation au cas par cas du risque spécifique pour un individu de pouvoir être identifié.

Il est essentiel de sécuriser ces données. Elles doivent être protégées pendant leur transit (autrement dit, les connexions web doivent être chiffrées) et lorsqu’elles sont au repos, ce qui relève de la sécurité réseau. Mais ce n’est pas le seul point dont il est nécessaire de se préoccuper. Il est également nécessaire de réfléchir à l’endroit où ces données sont stockées. Dans une recherche de partenaires technologiques, il ne faut pas oublier que des partenaires basés ailleurs qu’en France pourraient être enclins à conserver une copie de nos données dans un pays soumis à d’autres lois sur la sécurité des données. C’est par exemple le cœur du litige qui oppose actuellement les États-Unis à TikTok : les États-Unis refusent que leurs données soient stockées en Chine.

Si l’on met tout cela bout à bout, cela fait beaucoup plus de problématiques que la plupart des académies, collèges, lycées ou écoles sont capables de gérer seuls. Il est donc essentiel de rechercher les bons partenariats public-privé avec des entreprises technologiques habituées à gérer ces types de problèmes. Assurer le bon fonctionnement de l'école virtuelle est une mission difficile, mais nécessaire — et nous le devons à nos enfants.