Former plus et mieux, pour innover encore

En proclamant la "fin de l'abondance" en ouverture du Conseil des ministres de rentrée, le Président de la République Emmanuel Macron a pris le risque de la vérité. Ce qu'il a dit, c'est la réalité.

Valorisations revues à la baisse, difficulté à lever des fonds pour financer les projets, licenciements contraints : la « Tech » et ses start-up subissent en silence la montée rapide des taux d’intérêts et la réallocation des capitaux qu’elle induit. Cette nouvelle donne les prive soudain de carburant et menace de paralyser la dynamique d’innovation à l’œuvre depuis maintenant dix ans dans notre pays.

Dans ce contexte critique, il est urgent de changer de braquet et de logiciel pour préserver la vitalité de tout l’écosystème. Après des années d’euphorie où l’innovation à l’échelle globale était portée par le capital, accessible en abondance et à bas coût, la conjoncture oblige aujourd’hui à miser de nouveau sur le travail. Cela veut dire investir massivement dans la formation d’une nouvelle génération de talents capables de nourrir et de diffuser l’innovation partout dans l’économie.

Soyons clair : l’enjeu est non seulement quantitatif -former plus- mais il est surtout qualitatif, c’est-à-dire culturel. Il s’agit en effet de former mieux pour passer d’un modèle de développement des start-up fondé sur une exécution optimisée, pilotée par des fondateurs sans contrainte financière ou presque, à un modèle à la fois plus agile et plus frugal qui repose sur la créativité collective et la capacité managériale à embarquer dans un projet disruptif, producteur de valeur.

Comment y parvenir ? En changeant le contenu des formations, d’abord, et en cessant de cantonner l’enseignement du code et de la science des données aux futurs développeurs dans une logique purement technique. La donnée est la langue de l’époque et nous avons besoin d’une nouvelle génération de cadres capables, sur toutes les verticales fonctionnelles, de faire un usage créatif de la donnée, d’inventer de nouveaux modèles d’affaires, de créer des services qui n’existent pas encore et de résoudre les défis de demain -à commencer par la transition énergétique.

En parallèle, il convient d’amplifier partout les efforts entrepris pour connecter plus étroitement l’enseignement supérieur et les entreprises. Cela implique d’aller au-delà du modèle de partenariat aujourd’hui répandu et d’associer les entreprises à l’élaboration des contenus pédagogiques, en invitant plus largement des professionnels à venir transmettre et partager leur expérience avec les étudiants, et en développant de nouveaux formats.

Enfin, du côté des investisseurs, il faut prendre conscience que, dans le mouvement de réallocation des capitaux en cours, investir dans la formation constitue un levier formidable pour la performance d’ensemble d’un portefeuille en stimulant le dynamisme général de l’innovation. Investir dans la mère des batailles est donc non seulement un choix d’intérêt général, mais aussi un choix plus que jamais stratégique.

Le deal récemment conclu sur l’implantation d’une usine de semi- conducteurs de STMicroelectronics et Global Foundries dans la région de Grenoble le prouve : avec le régime fiscal et le coût de l’énergie, la capacité à disposer d’un pool de talents formés s’affirme comme un déterminant majeur des décisions d’investissement. La qualité de la formation va donc de pair avec l’attractivité et la puissance d’innovation d’une nation.

Aussi, il faut sans attendre réunir toutes les bonnes volontés - publiques comme privées- autour de la table et sonner la mobilisation en faveur de la formation pour entretenir le dynamisme de l’écosystème français. A l’heure du retour du tragique de l’histoire, dans les semi-conducteurs comme dans la tech se joue une part de notre souveraineté. Et si la bataille de l’innovation se gagne par les entreprises, elle commence par la formation.