Chez GSE, on fabrique ses propres ingénieurs d'affaires

Face à la pénurie d'ingénieurs qualifiés, cette grosse PME a dû sortir des sentiers battus. Un programme très complet lui permet aujourd'hui de pourvoir tous ses postes d'IA... et de préparer l'avenir. Voici comment.

En 2007, la société GSE, 370 salariés, spécialisée dans la conception et la construction de bâtiments, fait face à d'importants besoins de recrutement d'ingénieurs d'affaires, en France et dans ses filiales européennes. Le contexte n'est pas évident : on assiste à une véritable pénurie d'ingénieurs qualifiés dans le monde de la construction, et ceci sur tout le continent. GSE continue de recruter des seniors, mais ils ne sont pas faciles à dénicher. Et la société lorgne du côté des juniors, mais sans les juger véritablement prêts à l'emploi. "A la sortie d'une école d'ingénieur, explique la DRH Evelyne Le Hir, les jeunes diplômés ont encore beaucoup à apprendre sur les méthodes, la gestion de projet, les aspects juridiques et commerciaux des affaires qu'ils seront amenés à traiter." Pas possible non plus d'engager de purs commerciaux : avoir de solides notions en matière de construction - résistance des matériaux, fondations des bâtiments... - est impératif : "Sur des projets de plus de 10 millions d'euros, la moindre erreur, ne serait-ce que de prix, peut avoir un impact énorme." Autant de connaissances métier dont l'ingénieur d'affaires ne peut faire l'économie.

"A la sortie d'une école d'ingénieur, les jeunes diplômés ont encore beaucoup à apprendre"

Comment sortir de l'impasse ? "Nous avions constaté de beaux parcours d'ingénieurs rapidement devenus ingénieurs d'affaires puis directeurs de projet et enfin directeurs de filiale." En mars 2007, décision est donc prise de repenser le parcours des ingénieurs d'affaires. GSE recrutera désormais davantage de jeunes ingénieurs... et les formera au cours d'une période d'intégration d'une année entière. La Promo GSE est née, avec l'ambition affichée, face à la pénurie de talents, de préparer l'avenir du groupe.

Dix-sept jeunes diplômés de sept nationalités différentes, issus d'écoles telles que l'ESTP, l'INSA Lyon ou l'ICAM, sont engagés (quelques-uns en stage, la majorité en CDI) pour travailler en France ou dans les filiales européennes de la société. Ils sont chacun affectés à une affaire et bénéficient de l'accompagnement sur le terrain d'un senior. De septembre à juin, ils sont réunis deux jours par mois pour suivre une session de formation. Le programme est aussi chargé que complet : les bonnes pratiques de gestion de projet, la qualité, la sécurité, les aspects juridiques des contrats, le suivi financier d'une affaire, la conduite de chantier, les achats, la communication... Du très concret, donc, dispensé en anglais pas des intervenants pour la plupart internes.

promo gse
Les 17 membres de la promo GSE 2007. 7 nationalités sont représentées : française, grecque, espagnole, italienne, croate, gabonaise et ukrainienne. © GSE

Chaque jeune ingénieur d'affaire est également suivi par un parrain, le plus souvent basé au siège avignonnais, qu'il voit environ une fois par mois à l'occasion des sessions de formation. "Le parrain est là pour dépanner, écouter, conseiller, expliquer... hors hiérarchie et hors RH", explique Evelyne Le Hir. Un rôle parfois très utile, comme dans ce cas où un parrain dut tirer la sonnette d'alarme pour signaler qu'on ne donnait pas à son filleul suffisamment de possibilités d'évoluer dans sa mission.

A la rentrée prochaine, GSE constituera une nouvelle promo de jeunes ingénieurs d'affaires, qui sera toutefois réduite à douze recrues. "Il faut suffisamment de directeurs de projet pour tous les accompagner sur le terrain. Sinon, nous ne pourrions pas nous en occuper aussi bien." En effet, l'organisation de suivi mise en place est importante. Des ajustements vont d'ailleurs être apportés, notamment autour du parrainage. "Il y a quelque cas où cela n'a pas fonctionné, le plus souvent lorsque le jeune était loin et le parrain au siège. Nous allons sans doute revoir un peu cette organisation." En dehors de cela, Evelyne Le Hir se dit tout à fait satisfaite de l'opération. Seule ombre à l'horizon, une problématique d'évolution de carrière commence à inquiéter la DRH. "Notre politique, c'est la fidélisation à tous les niveaux. Pour que nos collaborateurs se sentent bien - en particulier mieux que chez les concurrents ! - et soient satisfaits en termes de salaire, de conditions de travail et de dialogue avec l'entreprise. Mais il est possible que nous ne sachions pas proposer à tous de devenir un jour directeur de filiale..." Dans un secteur où le marché de l'emploi est si tendu, craindre une fidélisation trop efficace ne sonne-t-il pas comme un luxe ?