Le forfait-jour des cadres : Les prud’hommes vont-ils détruire les rares avancées du droit du travail ?

La Cour de cassation étudie la légalité du forfait-jour des cadres, introduit par les lois Aubry sur les 35 heures en 2000, suite à la plainte d’un cadre réclamant le paiement de ses heures supplémentaires. Ce contrat permet aujourd’hui de rémunérer les salariés en fonction du nombre de jours travaillés par an, évitant de comptabiliser les dépassements horaires au tarif majoré d'une heure supplémentaire.

Si la Cour de cassation remet en question la décision de la Cour d'appel et la légalité du forfait-jour des cadres, ce sera véritablement dramatique pour les entreprises et pour le marché du travail. Le forfait-jour donne aux cadres une plus grande flexibilité d'horaires et permet aux entreprises de les payer sur une base journalière. Cette décision avait considérablement amélioré la gestion et le recrutement de cadres dans les entreprises, et beaucoup de sociétés de services l'ont aussi utilisé.
Ce forfait-jour a permis aux cadres de ne plus être limités par les conditions d'horaires hebdomadaires et leur permettait de gérer aux mieux leur emploi du temps sans pointage, selon la politique de leur entreprise. Grâce à cette décision liée aux lois sur les 35 heures, les grandes sociétés ont pu mettre de côté les considérations de débordements d'horaires.
L'employé cadre bénéficiant d'un certain nombre d'avantages, ne s'est jamais senti en droit d'exiger les 35 heures. Cela fait plus de 10 ans que ce contrat fonctionne. Nous n'avons jamais vu un cadre manifester ou revendiquer. Alors pourquoi mettre le feu aux poudres là où il n'y a pas lieu d'être ? Le marché du travail ne souffre-t-il pas de bien d'autres maux, bien plus prioritaires que le forfait-jour des cadres ?
Il faut être conscient du fait que les entreprises sont frileuses dans leurs recrutements en France en raison d'un droit du travail beaucoup trop rigide. Prendre une décision de justice contre le forfait-jour des cadres ne ferait que replonger la France dans la crise du marché du travail, alors même que le recrutement reprend progressivement. Les chiffres du chômage en recul en témoignent.
Il existe en Allemagne près de 12 000 entreprises de plus de 200 salariés, contre un peu moins de 5 000 en France. L'Allemagne bénéficie donc d'un tissu économique beaucoup plus fort, avec des PME qui peuvent grossir. Or en France, dès qu'une PME se développe, le droit du travail leur tombe dessus avec une législation plus rigide, et des taxes supplémentaires. Dans un tel contexte, comment donner envie aux entrepreneurs ? A chaque fois qu'ils dépassent d'un salarié un certain seuil d'employés, de 49 à 50 par exemple, ils sont sanctionnés. Ces entreprises qui commencent à se développer et qui proposent des forfaits-jour pour leurs cadres vont de nouveau être pénalisées. Imaginez plus d'un million et demi de cadres à indemniser sur les cinq dernières années, sans compter l'impossibilité de comptabiliser le nombre d'heures supplémentaires...
Après le CPE, le CNE, la prime sur dividende de 1 000 euros, toucher au forfait-cadre serait une erreur aux conséquences désastreuses non seulement pour les entreprises, mais aussi pour le marché du travail et pour l'économie française.