Externalisation : le Comité d’entreprise peut-il s’y opposer ?

De plus en plus de sociétés, de toutes tailles, recourent aujourd’hui à l’externalisation de certains de leurs services afin de réduire leurs coûts de personnel. Le Comité d'entreprise peut-il s'y opposer ? Réponse.

En 2000, sur une action initiée notamment par un Comité d'établissement, la Cour de cassation avait annulé une opération d'externalisation emportant transfert des contrats de travail au seul motif que les conditions d'application de l'article L. 122-12 du Code du travail n'étaient pas réunies. Toutefois, la question de la recevabilité de l'action du comité n'ayant pas été posée à la Cour, un doute planait sur l'octroi au comité d'un réel pouvoir d'opposition aux externalisations, même en l'absence de toute irrégularité dans la procédure de consultation. Le 14 mars 2007, la Cour a clarifié la situation : le comité d'entreprise ne dispose pas des mêmes droits d'action en justice que les syndicats.


Le CE n'a pas le pouvoir d'exercer une action en justice au nom des salariés

Dans cette affaire, une entreprise avait  prévu, dans le cadre d'une opération d'externalisation de son service de maintenance informatique, que les quatre salariés affectés à cette activité seraient transférés au sein d'une SSII. Le comité d'entreprise de la société avait alors été informé et consulté, en temps et en heure, sur le projet d'externalisation du service ainsi que sur ses conséquences pour les salariés concernés.

Or, quelques mois après l'opération d'externalisation, le comité d'entreprise, des syndicats et une partie des salariés transférés ont saisi le Conseil de prud'hommes aux fins d'obtenir l'annulation de l'opération et des accords conclus à cette occasion, la réintégration des salariés au sein de la société ainsi que des dommages-intérêts. La société a répliqué en faisant valoir que l'action du comité d'entreprise était irrecevable, ce dernier n'ayant aucun intérêt à agir. Le comité d'entreprise a alors soutenu qu'il avait, au contraire, pour objet d'assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l'évolution économique et financière de l'entreprise, ce qui lui confère un intérêt personnel à agir. La Cour d'appel, puis la Cour de cassation, ne l'ont pas suivi sur ce terrain. Elles ont, en effet, rejeté la demande du comité d'entreprise au motif qu'il ne tient d'aucune disposition légale le pouvoir d'exercer une action en justice au nom des salariés ou de se joindre à l'action de ces derniers lorsque ses intérêts propres ne sont pas en cause.


Son seul pouvoir : dénoncer une irrégularité de procédure ou une atteinte à ses intérêts propres

Il est de jurisprudence constante que le comité d'entreprise n'a pas légalement vocation à exercer les actions judiciaires appartenant aux salariés individuellement puisque, contrairement aux syndicats, ce n'est pas un organe de représentation des intérêts individuels des salariés ou des intérêts collectifs de la profession.  

Pour agir en justice contre une décision du chef d'entreprise, le comité d'entreprise doit ainsi justifier d'un intérêt propre découlant d'un préjudice direct et personnel subi du fait de cette décision. A la différence des syndicats, le comité d'entreprise n'est donc recevable à agir qu'en présence d'une atteinte à un droit qui lui est propre. Ce sera le cas, par exemple, en ce qui concerne le paiement de son budget, la reconnaissance d'une Unité Economique et Sociale (UES), l'absence de consultation du CE ou la consultation irrégulière, l'absence de Plan de Sauvegarde de l'Emploi (PSE) en matière de licenciement collectif pour motif économique...

Or, dans le cadre d'une opération d'externalisation, il s'avère que seuls les salariés dont les contrats de travail sont transférés sont directement intéressés et donc susceptibles d'invoquer un tel préjudice. Le comité d'entreprise n'est donc pas recevable à demander en justice l'annulation d'une opération d'externalisation et donc indirectement du transfert des contrats de travail des salariés, seuls les intérêts individuels de  ces derniers étant lésés par une application incorrecte de l'article L. 122-12 du Code du travail.

Le premier angle d'attaque alors ouvert au comité reste de soutenir que la procédure de consultation sur l'opération d'externalisation est irrégulière car tardive ou incomplète. Il pourra alors saisir le juge des référés pour obtenir la suspension de l'opération... jusqu'à ce qu'une procédure de consultation régulière soit menée à terme.

Mais il est également possible pour le comité d'entreprise d'agir dès lors que l'opération d'externalisation, en réduisant l'effectif au dessous du seuil légal ou en affectant le montant de la contribution de l'employeur, l'affecte dans son existence ou dans ses ressources.