Pourquoi et comment construire un contexte émotionnel qui favorise le bien-être, la qualité de vie au travail ?

Par contexte émotionnel, nous entendons les émotions dominantes qui circulent et spécifient ce que l’on appelle communément l’ambiance, le climat.

Grâce à de nombreux travaux effectués - notamment ceux de Flecher, Tran Pho, Scherer, Lazarus et Plutchik - nous savons que les émotions ont un impact sur le bien être et l’engagement des personnes dans le cadre du travail. Selon ce qui domine : la peur ou la confiance, la tristesse ou la joie, l’optimisme ou le pessimisme ..., on ne se sent pas et on ne se comporte pas de la même façon.

En tant que dirigeant ou manager, nous avons donc hautement intérêt à faire circuler les émotions à impact positif !

Les 4 classes d’émotions

Schématiquement, les émotions ou ce que l’on nomme en PNL les « états internes », c’est-à-dire ce que nous ressentons, peuvent se répartir en quatre classes :

  • Les émotions d’accomplissement favorisent l’engagement, l’implication des acteurs, leur satisfaction, voire leur accomplissement/épanouissement : la joie, l’acceptation, l’amitié, la sérénité, la confiance, la fierté, le plaisir, la satisfaction, le bonheur.
  • Les émotions d’approche nous mettent dans des prédispositions favorables pour engager positivement l’action : le soulagement, l’espoir, l’anticipation, le courage, l’intérêt, la reconnaissance, la surprise, la compassion.
  • Les émotions de résignation ou de démission nous dissuadent d’agir, d’entreprendre, d’oser : la peur, la tristesse, la culpabilité, la honte, la peine, le désappointement, la détresse, la déception, le remord.
  • Les émotions antagonistes sont créatrices de tensions, de conflits et sont très énergétivores : la colère, le dégoût, l’hostilité, la frustration, le mépris, l’envie, la jalousie, la méfiance.

Bien évidemment, le management aura intérêt à favoriser l’émergence et la pérennisation de contextes émotionnels où dominent les émotions d’accomplissement et d’approche.

La bonne nouvelle : « on peut produire les émotions recherchées »

Une émotion est une réaction psychologique et physique à un événement. Il suffit donc de rechercher les événements (comportements, pratiques, actions…) qui peuvent générer et ancrer les émotions ciblées.
Le schéma ci-dessous, que nous allons commenter, nous explique le processus de production d’une émotion.

Prenons comme exemple l’événement suivant : mon manager me dit  « Bravo pour ce dossier complet, bien structuré, remis dans les délais ».
A partir de cet événement, notre cerveau procède à une évaluation de manière généralement rapide, instantanée ou quasi instantanée. C’est ce que l’on appelle le processus SEC’s (Stimulus Evaluation Checks). Il va procéder à une évaluation de l’événement selon les quatre critères suivants :


La conséquence sera par exemple la production d’émotions de joie, de plaisir, de satisfaction. Ces émotions contribueront à mon bien-être, à mon épanouissement et renforceront mon implication professionnelle.
Si, en tant que manager d’une équipe, je veux que la joie, le plaisir, la satisfaction soient constitutifs du contexte émotionnel de mon équipe, j’enverrai des messages positifs de reconnaissance envers mes collaborateurs, chaque fois que j’en aurai l’occasion. L’expression de tels messages sera donc un type d’événement à intégrer dans mon répertoire de bonnes pratiques managériales pour générer des émotions qui favoriseront le bien-être, l’épanouissement et l’engagement/l’implication de mes équipiers.

Le mode opératoire à mettre en œuvre

Ce mode opératoire est une composante des démarches de « team building ». Nous le nommerons « Emotional Team Building » (ETB). Dans la pratique, lorsque l’on met en œuvre cette démarche, on a hautement intérêt à le faire de manière participative en y associant les collaborateurs (dans le cas d’une équipe) ou un groupe de travail (au niveau plus global d’une organisation).

Un pré-requis fondamental

La mise en œuvre efficace de la démarche suppose la conviction, l’engagement et l’exemplarité de la Direction et des managers concernés. En outre, il faut se rappeler que l’une des clés essentielles du bien-être et de la performance repose sur la « consonance émotionnelle », c'est-à-dire la convergence (au moins pour l’essentiel) entre les émotions appréciées par la personne et celles produites par le groupe.

Lorsqu’il y a dissonance émotionnelle, on constate quatre conséquences possibles.

  • Au niveau de la personne : mal être, risques au niveau de la santé, dopage, démotivation…
  • Au niveau du groupe : cohésion et collaboration mises à mal; tensions, conflits…
  • Au niveau de l’organisation : contestation hiérarchique, opposition aux changements, dégradation de l’image de marque, absentéisme, turnover.
  • Au niveau des clients : régression de la qualité de service, dégradation de la satisfaction
10 étapes clés

1. Identifier les émotions dominantes qui spécifient aujourd’hui  « la structure émotionnelle de fond » du groupe

Tout groupe, toute équipe fonctionne « de fait » dans un contexte émotionnel donné où dominent certaines émotions. Il faut commencer par repérer ces émotions pour identifier celles qui peuvent contribuer au bon fonctionnement (QVT et efficacité) et celles qui l’entravent.

2.  Définir la carte émotionnelle cible pour assurer « bien-être » et « performance »

Quelles sont les émotions dont on veut qu’elles structurent le contexte émotionnel recherché ? Pour ne pas déboucher sur une « usine à gaz », nous limitons généralement le nombre des émotions clés ciblées entre cinq et huit. En réalité, si on cible bien ces émotions, elles en génèreront d’autres. Par exemple, la sérénité est produite par la combinaison de la joie et de la confiance. A titre d’exemple, voici les huit émotions les plus fréquemment retenues.

  • Joie/gaieté,
  • Plaisir,
  • Acceptation (se sentir accepter tel que l’on est),
  • Fierté (ressentir de la fierté par rapport à soi, à son travail, à son équipe, à son entreprise)
  • Confiance (se sentir en confiance),
  • Reconnaissance (se sentir reconnu),
  • Anticipation (se sentir en capacité d’accueillir l’avenir avec les adaptations et innovations nécessaires),
  • Vigilance (pouvoir libérer toutes ses antennes sensorielles pour être un butineur de savoirs et d’informations dans son environnement).

3.  Recenser les impacts attendus de la production des émotions cibles

Nous savons que la joie a des impacts en termes de tonicité et libération d’énergie. Nous savons que la confiance liée à l’anticipation a des impacts en termes de cohésion d’équipe et de collaboration. En pratique, nous disposons d’une cartographie des impacts émotionnels qui aide à sélectionner les émotions ciblées au point précédent.

4.  Rechercher les événements à activer pour produire les émotions cibles

Il s’agit de rechercher les « événements » à mettre en œuvre par le management et/ou les collaborateurs pour générer les émotions ciblées. Dans la pratique, si l’on veut que cela fonctionne, et nous y sommes très attachés chez FORMATYS, il faut déboucher sur des pratiques simples, réalistes…..

Comme nous l’avons déjà noté, pour générer des émotions de plaisir et de reconnaissance, un manager délivrera des messages de reconnaissance chaque fois qu’il en aura l’occasion. Pour générer des émotions de confiance, nous réfléchissons et tenons nos engagements. Pour générer des émotions de joie et de gaieté, nous organisons des petits déjeuners conviviaux,…

5. Identifier lesquels de ces événements sont déjà activés/produits de façon satisfaisante. L’enjeu est ici le maintien de cette activation (qui continue à faire quoi ?)

6. Identifier lesquels de ces événements sont déjà activés mais de manière incomplète/insatisfaisante. L’enjeu est ici d’améliorer cette activation (qui désormais fait quoi)

7. Définir les événements non mis en œuvre à activer

8.  Engager les acteurs concernés par la mise en œuvre des événements à activer

Cet engagement sera d’autant facilité qu’une démarche participative aura été mise en œuvre. Ensuite, c’est de bien en faire la « règle du jeu » d’un fonctionnement partagé. Et n’oublions pas :  le plus important, c’est l’exemplarité du manager lui-même.

9. Assurer l’activation durable des événements

Outre l’exemplarité du management, il est nécessaire également de responsabiliser des collaborateurs sur l’activation de certains événements (par exemple, l’organisation des petits déjeuners). Le manager ou des collaborateurs doivent avoir un « devoir d’alerte » pour intervenir rapidement en cas de dérive. Cela, pour ne pas laisser filer une bonne pratique ou laisser s’implémenter de mauvaises pratiques. Il faut également formaliser au moins une fois par an une évaluation du processus avec les collaborateurs, ce que nous reprenons au point 10.

10. Evaluation du processus

Cette évaluation est indispensable pour faire vivre la démarche, l’ancrer dans la durée, s’assurer de son efficience et savoir la faire évoluer en tant que de besoin. Elle s’articule autour de sept points :

  • Qu’est-ce qui a été effectivement mis en œuvre ?
  • Qu’est-ce qui n’a pas été ou insuffisamment mis en œuvre ?
  • Impacts/résultats obtenus en termes de production émotionnelle, en termes de contribution à la QVT et à l’efficience ?
  • Qu’est-ce qu’on décide de maintenir (émotions ciblées et évènements à activer) ?
  • Qu’est-ce qu’on décide de faire évoluer ?
  • Qu’est-ce qu’on décide de supprimer ?
  • Qu’est-ce qu’on décide d’innover ?

Conclusion

Il faut nous rappeler que l’émotion a notamment deux caractéristiques :

  • Elle est une « information » dans le sens où elle nous renseigne (personne ou équipe) sur comment nous nous sentons.
  • Une « décision » dans le sens où, comme nous l’avons montré, on peut choisir de produire certaines émotions. Nous avons donc le pouvoir de construire des contextes émotionnels propices au bien être des personnes et à la performance.

Par l’expérience que nous en avons, nous pouvons affirmer que lorsqu’une équipe se sent bien, sous réserve d’être bien orientée, elle renforce considérablement ses chances d’être durablement performante.