Geoffroy Roux de Bézieux (Medef) "Nous nous apprêtons à lancer un mooc 'Etes-vous RGPD compatible ?'"

La digitalisation des compétences est un levier de croissance pour l'économie française, selon le vice-président de l'organisation patronale.

JDN. La quatrième édition de l'université numérique du Medef se tiendra les 21 et 22 mars prochains pour évoquer le sujet des compétences, alors que la France souffre d'un manque de profils spécialisés dans le numérique. Quelles sont les conséquences pour notre économie ?

Geoffroy Roux de Bézieux est le vice-président du Medef. © Medef

Geoffroy Roux de Bézieux. La France manque effectivement de personnes spécialisées dans le numérique. Que ce soit dans les métiers de la tech au sens propre du terme, les data scientists ou les développeurs, comme dans les métiers traditionnels qui font, eux aussi, face à cette révolution digitale et évoluent très rapidement. Ce dernier point intéresse plus particulièrement le Medef.

Ce déficit de compétences dans le digital touche bien évidemment notre économie. Les start-up ont de grosses difficultés à recruter, ce qui peut entraver leur développement. Les entreprises plus traditionnelles sont parfois contraintes de retarder leur virage numérique, faute de compétences disponibles, ce qui nuit à leur compétitivité. La compétitivité d'un pays ne se cantonne pas à son efficacité en matière de gestion des coûts. Il y a d'autres facteurs moins tangibles comme les compétences.

Comment la France se place par rapport aux autres pays européens ?

La France est en dessous de la moyenne européenne en ce qui concerne la digitalisation des PME. Et la part du numérique dans la croissance est inférieure à celle de pays comme la Chine ou les Etats-Unis. Mais la question de l'adaptation des compétences est un enjeu européen qui ne touche pas que l'Hexagone. Sur le Vieux continent, le coût du travail est plus élevé qu'ailleurs. Pour rester dans la course, nous devons donc adapter notre savoir-faire.

Un des leviers à actionner serait la formation initiale. Quelle stratégie adopter ?

Au niveau de la formation initiale, l'enjeu est simple : il faut faire en sorte que les offres de formations collent avec les vrais besoins du marché du travail. Dans ce domaine, les entreprises ont un rôle à jouer et doivent être associées à l'élaboration des formations. La réforme de l'apprentissage va dans le bon sens dans la mesure où elle donne les clés aux entreprises pour former au plus près des métiers.

"En matière d'apprentissage, les entreprises doivent être associées à l'élaboration des formations"

Au niveau des universités, il faut également faire en sorte que les formations soient en adéquation avec les besoins. Mais le problème concerne tout le monde, jusqu'à la Silicon Valley où l'on s'arrache les data scientists parce que les formations n'y sont pas assez nombreuses. Il existe aussi des initiatives privées comme l'Ecole 42 qui vont dans la bonne direction et qui méritent d'être encouragées.

Et pour les salariés déjà en poste, comment améliorer la formation continue ?

Tout simplement en donnant aux salariés les clés pour se former tout au long de leur vie. Ce qui devrait être facilité par la réforme de la formation professionnelle qui va permettre à toutes les personnes en poste de mieux se former à des techniques nouvelles. L'idée d'abonder le compte personnel de formation (CPF) est par exemple pertinente. (le jeudi 22 février, les syndicats et le patronat ont conclu un accord qui prévoit d'abonder le CPF de 35 heures contre 24 heures actuellement. Le contenu de l'accord servira de socle pour une loi qui sera présentée en conseil des ministres en avril 2018, ndlr). Tous les secteurs sont concernés. La technique du "building information modeling" est, par exemple, de plus en plus utilisée dans le bâtiment et les professionnels de ce secteur d'activité doivent s'y mettre.

La révolution des compétences touche notamment les TPE et les PME. Quelles stratégies peuvent-elles mettre en place ?

"Les entreprises du Cac 40 ont déjà pris le virage du numérique"

En France il y a une différence très forte entre les groupes du Cac 40 qui ont pris le bon virage, en recrutant notamment des CDO, et les PME et TPE. Dans les années à venir, beaucoup de ces entreprises seront confiées à des dirigeants plus jeunes et plus digital natives. Mais elles doivent comprendre dès à présent que leurs process et business models sont digitalisables.

A son échelle, comment le Medef peut-il aider ces entreprises à prendre au mieux le tournant du numérique ?

Nos membres, qui dirigent des entreprises de 70 salariés en moyenne, peuvent profiter des outils que nous leur proposons. En septembre 2016, nous avons lancé un autodiagnostic en ligne sur la stratégie des entreprises qui a généré près de 17 000 sessions. Il y a un an, nous avons lancé un Mooc pour aider les dirigeants de TPE et PME à se former au numérique. Et cette année, nous nous apprêtons à lancer "Etes-vous RGPD compatible ?" pour aider les dirigeants à bien se mettre en conformité avec ce règlement européen. Il y a au-delà de tout ça un travail d'évangélisation indispensable pour susciter les prises de conscience. L'Université numérique du Medef s'inscrit dans ce cadre-là, en mettant en avant des exemples à suivre.