Florence Réal (Accenture) "Avec l'analyse des données, nous aurons plus de temps pour l'humain"

Pour la directrice du recrutement d'Accenture, évaluer les candidats par la donnée permet de mieux préparer les entretiens physiques. Voici quelques pistes recueillies à la conférence innovations RH organisée par JDN Events le 04 octobre.

Florence Réal, directrice du recrutement d'Accenture © Thomas Lianmongkhol / JDN Events

JDN. Comment vous servez-vous des données chez Accenture ?

Florence Réal. Je vais évoquer le cas du recrutement. Depuis un moment, les données nous permettent de comprendre d'où viennent nos candidats : est-ce que ce CV nous est venu par un collaborateur, après une action menée dans une école ? Elles servent également en termes de profil, sur la formation suivie par le candidat. Ce qu'Accenture va de plus en plus recenser et exploiter, ce sont les données permettant de comprendre un peu mieux comment se passe le processus de recrutement. Nous sommes rentrés l'année dernière dans une phase de structuration de ces données, le recruteur doit renseigner dans notre base toutes les étapes du recrutement. Cela doit nous permettre d'évaluer à quel moment nous perdons de bons candidats. Par exemple, en mesurant la durée du processus de recrutement, est-ce qu'on prend beaucoup de temps pour convier les candidats à un entretien ou, au contraire, est-ce en fin de processus que cela prend du temps ? Le deuxième intérêt, c'est de pouvoir suivre la féminisation du recrutement. Nous avons un enjeu fort chez Accenture, c'est l'égalité entre les hommes et les femmes. Nous nous sommes fixés de recruter 50% de femmes d'ici à 2020, c'est-à-dire demain.

50% pour tous les postes, du consultant junior au directeur ?

Oui, effectivement. Même si on sait qu'il y a certains postes pour lesquels il est plus facile d'attirer des femmes. Les données nous aident à comprendre quand nous perdons des candidates. Sur certains postes, en entrée de processus, il n'y a pas assez de femmes. Sur les postes très techniques, il y a beaucoup moins de jeunes filles que de jeunes hommes qui se présentent. Dans d'autres, nous nous rendons compte avec effroi que nous perdons les femmes en fin de processus. Il y a donc des décisions à prendre sur la manière dont nous recrutons en fonction des postes.

Peut-on craindre que les statisticiens remplacent un jour les DRH ?

Non, je pense que les statisticiens ont des compétences que nous n'avons pas et dans l'autre sens, nous avons des ambitions et des enjeux qui ne sont pas forcément les leurs. Il y a de la place pour tout monde. Dans ressources humaines, il y a humaines, nous nous occupons de vrais gens et il n'y a rien qui remplace l'interaction avec les gens. Ce que je trouve formidable avec l'usage et l'analyse des données, c'est que cela va nous laisser plus de temps pour nous consacrer à la relation humaine.

Vous avez évoqué lors de la conférence innovations RH l'utilisation du jeu vidéo pour évaluer par la donnée les qualités des candidats. Mais un manager peut préférer les entretiens physiques pour mieux connaître les candidats…

"Nous avons lancé une série de tests ludiques"

Les deux méthodes sont complémentaires. Dans le cadre du recrutement, l'idée c'est de pouvoir réduire certains biais.  Par exemple, si un recruteur préfère recruter quelqu'un qui a fait la même école que lui, le jeu réduit ce biais à l'entrée, nous ne regardons plus l'école mais comment les candidats se sont comportés pendant le jeu et, statistiquement, si ces personnes ont plus de chances de réussir le processus de recrutement. Et le recruteur va pouvoir s'appuyer sur ces résultats pendant les entretiens. Ces données vont permettre d'avoir des interactions plus intéressantes. Il y aura déjà des angles de discussions personnalisés pour le candidat. Surtout que pour les jeunes diplômés, l'expérience professionnelle est réduite et il est parfois difficile de trouver des angles pour l'entretien.

Comment fait-on pour mesurer les softs skills d'un candidat ? Par exemple, le leadership, l'esprit critique…

Avec la start-up Goshaba, nous avons lancé une série de tests ludiques. Ces tests se basent sur les sciences cognitives et nous permettent d'évaluer certaines softs skills. Par exemple, la dimension entrepreneuriale : la capacité à chercher des solutions différentes, à être innovant, à sortir du cadre. Ce n'est pas forcément une compétence recherchée il y a 10 ou 15 ans. Avant, le consultant appliquait une méthodologie. Aujourd'hui, nous avons besoin de personnes qui vont être beaucoup plus capables de s'adapter. Pour évaluer ce type de compétences, les recruteurs vont donc s'appuyer sur des jeux basés sur la science. Ce qui m'a beaucoup rassurée chez Goshaba, c'est cette approche scientifique. Evidemment, ça n'exclut pas une confirmation par un entretien individuel ou collectif. Dans un entretien collectif, l'ensemble de nos candidats travaillent sur une étude de cas par groupe de 5 ou 6 pour répondre à une problématique client. Et là, nous pouvons évaluer un certain nombre de traits, comme la capacité à travailler en groupe, le leadership…