Développer les soft skills de vos équipes en sept étapes

Développer les soft skills de vos équipes en sept étapes Les soft skills, ou compétences comportementales, prennent de plus en plus d'importance dans l'emploi. Du moins sur le papier, car les entreprises peinent parfois à les mettre en place.

Les soft skills ont le vent en poupe. Dans un environnement incertain, l'adaptation ou  la capacité d'apprentissage sont parfois présentées comme plus importantes que les compétences techniques. Un livre blanc de l'Observatoire des Métiers du Futur les définit comme "tout ce qui n'est pas tendu par des savoir-faire", des aptitudes qui "touchent aux comportements, parfois définies comme compétences comportementales ou des codes comportementaux". En revanche, il ne s'agit ni de "traits de personnalité", ni de "talents qui sont eux de l'ordre de l'inné". Mais l'étude note que selon de nombreux salariés, les entreprises ne prennent pas suffisamment en compte et n'évaluent pas correctement ces compétences. Pourtant, mettre en place une politique de soft skills est possible, de façon méthodique.

1. Définir les soft skills utiles à l'entreprise

Les soft skills doivent avoir une utilité concrète pour l'entreprise et son business. Il faut donc, si ce n'est déjà fait, formaliser les actions concrètes menées dans le cadre de son activité, sa culture d'entreprise, la façon de se définir.

La question à se poser est ensuite "quels comportements concrets permettent l'atteinte de ces objectifs, ou incarnent les valeurs que nous promouvons ?". Inutile de faire des listes interminables : le but est que ces soft skills soient connues de tous les salariés. Blablacar en a ainsi déterminé cinq : growth mindset (aptitude à l'apprentissage), agilité, teamwork (capacité à travailler en équipe), business prioritization (compréhension des enjeux business appliquée à la priorisation de ses tâches), leadership.

Elles ont été définies à travers des enquêtes et des séances de travail avec des managers et des groupes de travail représentatifs. "Avec la crise covid, depuis un an et demi on a changé d'orientation business tous les deux – trois mois, explique Stéphanie Fraise, vice-présidente en charge des ressources humaines. On voit donc que l'agilité, l'adaptation au changement avec la capacité d'être positif, est indispensable pour travailler chez nous".

2. Créer une grille au niveau de l'entreprise, voire aux niveaux inférieurs

L'entreprise doit avoir au minimum une grille commune à toute son organisation. Elle peut si besoin être affinée selon d'autres critères. A Blablacar, elle décline ainsi les comportements attendus selon sa maturité dans l'entreprise. Par exemple, pour l'esprit proactif et l'apprentissage permanent, "on va attendre moins d'autonomie de la part des juniors, témoigne Stéphanie Fraise, alors qu'on attend d'un profil senior non seulement qu'il soit capable de trouver des sources pour se former mais aussi de partager ses connaissances". D'autres entreprises ont besoin de l'adapter au niveau d'un département, d'une équipe, d'une famille de métiers.

Chaque compétence doit être décrite avec des comportements observables. "C'est l'exercice le plus compliqué, mesurer et apporter de la qualification", reconnait Stéphanie Fraise, également administratrice de L'Observatoire des métiers du futur. Cela peut être chercher des informations soi-même pour se former en autonomie, formaliser sa vision en tant que leader, partager des informations, ne pas avoir peur de l'échec. La grille ne doit pas être figée mais prendre en compte les retours des salariés et des managers pour l'adapter aux besoins et l'optimiser.

3. Définir des actions concrètement mesurables

Pour être évalués, ces comportements doivent ensuite être définis à l'échelon encore inférieur sous forme d'actions concrètes. Stéphanie Fraise donne ainsi un exemple pour la soft skill d'attitude d'apprentissage permanent. "J'ai donné des objectifs à une collaboratrice : en quatre mois, elle doit approcher X personnes de son réseau, suivre deux webinaires, faire une formation : ce sont des objectifs chiffrés donc très clairs". Mais elle reconnait que "les actions ne sont pas tout le temps mesurables. Dans ce cas, il est important d'avoir l'évaluation d'un panel de pairs".

4. Former les équipes

Si certaines personnes ont spontanément une meilleure maîtrise de compétences "douces", la formation est indispensable. Cela permet de donner les mêmes opportunités à tous, et surtout de piloter le développement selon les besoins de l'entreprise.

Cela peut passer par de la formation classique : prise de parole en public, synthétisation de sa pensée… Pour Stéphanie Fraise, "le mentoring par les managers est très important. Ils observent, conseillent, donnent du feedback, en théorie le plus régulièrement possible : je t'ai observé dans telle situation, tu as déployé telle compétence, tu en es là dans ton développement…". L'entreprise a aussi recours au "peer mentoring. Ce n'est pas institutionnalisé mais cela fonctionne très bien : les salariés demandent conseil à leurs pairs, il y a une culture très libre sur le feedback".

"Deux leviers principaux apparaissent : l'expérience et la mise en situation", selon le livre blanc, qui précise toutefois que pour que ce soit couronné de succès, il faut un point d'étape et une répétition des entrainements. Surtout, l'entreprise doit avoir une culture qui accepte authentiquement l'échec, pour inciter les salariés à essayer.

Pour Stéphanie Fraise, "un élément très important, c'est pourquoi on fait tout ça. Le monde très changeant, l'obsolescence des compétences techniques, etc. sont importants à rappeler, cela justifie la mise en place de ce système".

5. Former les managers

Les N+1 des salariés doivent être formés à la fois au développement de ces compétences et à leur évaluation, afin de ne pas agir de façon arbitraire. A Blablacar, les managers ont eu une formation classique avec un intervenant externe, alliant théorie et cas concrets, et suivent régulièrement des ateliers. Ils ont aussi dans l'entreprise des partenaires au quotidien pour les soutenir, les aider à formuler les objectifs…

Cela oblige à un certain changement de mentalité : les managers ne doivent plus se préoccuper uniquement de l'atteinte des objectifs, mais de la façon dont leurs équipes les atteignent. "C'est important de faire étape par étape, de montrer aux managers l'intérêt. Cette année, on a demandé qu'au moins un objectif de développement personnel soit mis en place sur le semestre".

6. Evaluer de façon concrète et valoriser la façon d'atteindre ses objectifs

Les soft skills doivent être évaluées de façon concrète et le plus objectivement possible. A Blablacar, les managers analysent avec les salariés comment ceux-ci ont concrètement mobilisé leurs soft skills pour atteindre leurs objectifs business, comment ils ont développé leurs compétences. L'évaluation de la performance et des soft skills est menée à la fois par les managers et par les pairs. "On essaye de favoriser la coconstruction sur les actions à effectuer", explique la vice-présidente. L'évaluation peut aussi être doublée d'une autoévaluation afin de confronter les points de vue.

Dans tous les cas, c'est la grille précise et les objectifs clairs qui permettent une évaluation objective. Tests, échelles, questionnaires… Celle-ci peut prendre plusieurs formes mais doit s'appuyer sur un document formalisé, commun à toute l'entreprise ou le service. A ce titre, il existe des outils de "talent manager "qui permettent de suivre automatiquement le développement des soft skills pour chaque salarié.

7. Ne pas tout conditionner aux soft skills et éviter les risques

"Attention à ne pas créer d'attentes irréalistes, note le livre blanc de l'Observatoire, les soft skills certes se travaillent [...] mais on ne peut pas demander à quelqu'un de se transformer totalement en acquérant des compétences qui seraient à l'opposé de ses tendances naturelles".

Pour Stéphanie Fraise, il est important de "garder en tête le risque de subjectivité". Il peut être atténué en détaillant au maximum chaque compétence, comportement observable, objectif de développement. Les biais cognitifs des personnes qui évaluent doivent aussi être réduits en formalisant le plus possible les critères d'évaluation.

La DRH appelle également à "respecter la diversité : les soft skills ne définissent pas la personne, il faut être vigilant à ne pas tomber dans le jugement de personnalité". Et à respecter la singularité de chacun : une même soft skill peut être mobilisée différemment par deux salariés d'une même entreprise, et aboutir à des résultats tout aussi positifs.

Le livre blanc de l'Observatoire appelle aussi à "être vigilant avec le caractère prédictif des modèles de soft skills" : une réussite à un test de personnalité ne prédit en rien les performances futures de la personne à un poste, et la réussite peut venir de comportements pas toujours anticipés dans les modèles.

Certaines entreprises intègrent l'évaluation des soft skills dans les décisions d'augmentation et de primes, mais cela doit être soigneusement étudié au préalable. A Blablacar, "on ne l'utilise pas dans l'évaluation pour calculer les bonus et les augmentations. Je ne suis pas sûre qu'on le fera un jour, s'interroge Stéphanie Fraise, c'est périlleux. On l'utilise pour faire grandir les collaborateurs". Et valoriser les soft skills ne veut évidemment pas dire abandonner les "hard skills", car même si les exigences évoluent, les compétences techniques restent fondamentales dans la majeure partie des métiers.