Alexandre Viros (Adecco) "Les technologies peuvent aider Adecco à aller plus vite sur le repérage des softs skills et la formation"

Sur le marché de l'intérim, l'imposant Adecco s'est offert la start-up QAPA pour prendre de la vitesse. Au volant, Alexandre Viros, président France du groupe, déjà passé par Fnac-Darty et Oui.sncf.

Alexandre Viros est président France du groupe Adecco depuis septembre 2020. © Publicis Consultants

JDN. Vous avez décidé de passer par de la croissance externe en rachetant la plateforme française d'intérim QAPA pour 61 millions d'euros au troisième trimestre 2021. Est-ce parce que vous aviez pris trop de retard en termes de digitalisation ?

Alexandre Viros. C'est plutôt parce que sur les marchés qui accélèrent très vite, il y a un vrai intérêt à travailler avec des entreprises qui arrivent à pivoter assez fréquemment.

Vous disposiez déjà de l'offre digitale Adecco Quickmatch. Pourquoi se doter d'une deuxième offre ?

Il était important d'avoir notre propre offre digitale parce que ça démontrait qu'on avait dès le départ envie d'être présent dans le numérique. Simplement, ce sont des marchés sur lesquels si vous n'accélérez pas assez vite, vous perdez du temps. Notre activité en ligne était de bon niveau, mais on voulait être au meilleur niveau. Il fallait qu'on s'adosse à une start-up et cela fait partie du processus normal d'une entreprise qui veut accélérer sa transformation numérique. Nous avons choisi d'arrêter Adecco Quickmatch au moment où nous avons finalisé l'acquisition de QAPA.

Qu'est-ce que QAPA avait que les autres start-up d'intérim n'avaient pas ?

QAPA a notamment le souci de préserver un modèle social important propre à l'intérim dans un marché où le digital est parfois le faux nez de la précarité. C'est une valeur que nous partageons. Par ailleurs, nous avons réalisé avant l'acquisition une analyse approfondie de leurs outils technologiques. J'avais missionné dès mon arrivée (chez Adecco, ndrl) une équipe pour faire un screening de ce qui était disponible sur le marché. QAPA avait la meilleure technologie, à la fois la plus agile mais aussi la plus robuste.

La solution développée par QAPA permet de réduire les coûts des recruteurs et de raccourcir le processus de recrutement à quelques dizaines de minutes. Cette acquisition vous a-t-elle permis d'attirer de nouvelles entreprises clientes, de vous adresser à de nouveaux profils de candidats ?

On peut en effet attirer de nouvelles entreprises mais il arrive aussi qu'une même entreprise ait différentes attentes qui correspondent à la fois à l'offre Adecco et à l'offre QAPA, commercialement très agressive et extrêmement rapide. Nous sommes complémentaires. Auparavant, certains clients nous confiaient : "Sur tel ou tel métier, on pense qu'Adecco est le meilleur modèle. Sur d'autres en revanche, vous êtes en concurrence avec les pure players qui ont une autre approche et une capacité d'aller très très vite. On aimerait que vous soyez au rendez-vous mais vous ne l'êtes pas toujours." Quant aux profils de candidats, pour ceux passés dans un monde 100% digital, il est très cohérent aujourd'hui de tout faire via une app.

Vous avez annoncé que QAPA opérerait en tant que division d'Adecco…

QAPA fait partie de la famille mais garde pour le moment son autonomie. Dans le processus d'intégration d'une start-up dans un grand groupe, il ne faut pas leur couper les ailes mais justement leur donner tous les moyens de prendre leur envol.

Ne craignez-vous pas la cannibalisation ?

Non. Le modèle change et l'objectif est de répondre aux attentes des clients. Il faut simplement épouser et même être partie prenante des changements de l'industrie. Il y a justement une responsabilité des acteurs de la taille d'Adecco à créer des positions fortes, voire à structurer la HR tech parce que c'est un sujet d'avenir.

Sur quels points estimez-vous devoir être plus performants à l'avenir ? Passerez-vous par de nouvelles acquisitions pour atteindre ces objectifs ?

Nous voulons tout d'abord développer deux axes sur lesquels des technologies peuvent nous aider à aller plus vite : le repérage des softs skills et la formation. A quoi se forme-t-on une fois qu'on a découvert qu'on avait telle ou telle soft skill ? Il y a sans doute des choses à faire avec des acteurs digitaux sur les terrains du coaching, training, upskilling, reskilling...

Nous nous intéressons également aux dynamiques d'inclusion par le travail : le réseau Adecco Inclusion va passer de 100 à 150 agences d'ici 2023. Il nous reste à répondre à la question : comment est-ce qu'on fait de l'intérim numérique inclusif pour les personnes très éloignées de l'emploi ?

Enfin, nous voulons explorer le territoire de la data. Les données d'Adecco Analytics donnent une vraie cartographie très dynamique, quasiment en temps réel, des mouvements liés au marché du travail en France. C'est un patrimoine d'une richesse extraordinaire.