Quand la Grand Démission révèle l'importance de notre modèle social

La menace d'une Grande Démission en France et en Europe est-elle à redouter ?

Plus de 24 mois de crise sanitaire, de confinements successifs, d’informations contradictoires, de tensions économiques et sociales ont profondément marqué les collaborateurs. Tenus à distance de leur entreprise, de leurs collègues, les aspirations de certains ont changé. Leur rapport même à l’exercice professionnel s’est transformé, laissant émerger une notion à la fois forte et floue : la quête de sens.

Chacun peut apporter une définition personnelle de ce que l’on rattache à cette requête. Arme de défense contre la détresse psychologique engendrée par les incertitudes sanitaires, remise en question du lien au travail, rééquilibrage des valeurs… Selon la 9ème édition du baromètre Empreinte Humaine réalisé par OpinionWay, 41% des salariés (+3 points par rapport à octobre 2021) se disent en souffrance et celle-ci finit par s’exprimer, d’une façon ou d’une autre…

La lame de fond du Big Quit fait trembler le marché du travail US

Les effets secondaires d’une société encore affectée par une pandémie d’une violence inégalée depuis plus d’un siècle se font déjà sentir. Le Big Quit (ou Grande Démission) qui affecte les États-Unis en est l’incarnation la plus manifeste. Les statistiques publiées par le Département du Travail américain en octobre 2021, faisaient état de 20 millions de démissions déjà enregistrées depuis le début du printemps. 

Entre octobre et novembre 2021, plus de 8,7 millions d’Américains auraient démissionné de leur emploi. Selon une enquête réalisée par la Pew Research Center, les bas salaires (63%), l’absence de perspectives d’avancement (63%) ou encore le sentiment de manque de respect et de considération au travail (57%), sont les principales raisons qui amènent les salariés américains à voguer vers de nouveaux horizons professionnels. La conséquence : des pénuries de main d’œuvre dans certains secteurs d’activité, mais aussi une baisse de revenus pour près de 40% des démissionnaires qui auraient renoncé à leur emploi avant même d’en avoir trouvé un autre…

L’Europe et la France : déjà victimes de la Grande Démission ?

Plusieurs facteurs peuvent inciter les salariés français et européens à trouver une réponse à leur quête de sens en quittant leur emploi. Portés par une croissance post-Covid exceptionnelle, le marché de l’emploi est dynamique. Selon Eurostat, le taux de chômage de la zone euro a atteint 7 % de la population active en décembre2021 : son plus bas niveau depuis avril 1998 ! Quant au taux de chômage des moins de 25 ans, les plus concernés par ces nouvelles aspirations professionnelles, il est en recul de  4 points, passant de 18,2% à 14,9% dans l’UE. Le contexte international, la guerre aux portes de l’Europe, l’inflation galopante, pourraient toutefois dégrader les bonnes performances de l’économie Européenne.

Alors la menace d’une Grande Démission en France et en Europe est-elle à redouter ? Pas si sûr et c’est bien pour cela qu’elle se fait attendre ! Si les salariés américains délaissent leur employeur sans hésitation ni regret, c’est aussi en raison du marché du travail américain. Les licenciements sans préavis sont la règle outre-Atlantique. Par effet miroir, les démissions le sont aussi. Cette réalité n’a rien de comparable en France où le droit social et le Code du Travail prévoient des règles strictes qui protègent le salariés… et les organisations, de ces soubresauts. Cela affranchit-il le monde de l’entreprise d’un effort d’introspection sincère ? Bien au contraire.

Nouvelles tendances, nouvelles opportunités

Les pénuries de main-d’œuvre qui affectent certains secteurs d’activités sont l’illustration même d’une inversion des rapports de force dans le monde de l’entreprise. En septembre 2021, la Banque de France estimait à 300 000 le nombre d’emplois non pourvus en France. Une réalité qui impacte aussi bien l’hôtellerie-restauration, le BTP, l’industrie, le commerce ou la logistique. En cause, selon la DARES, le désalignement de l'offre et de la demande de nature quantitative et un manque d'attractivité de métiers moins qualifiés. Au-delà de certaines évidences, interrogeons-nous sur les tendances qui ont émergé au cours de la crise sanitaire. Désagrégation des codes managériaux, distance physique, hybridation des organisations, adoption du télétravail, recomposition de la mobilité géographique… Le rapport des salariés français à l’emploi est plus utilitariste que jamais et l’impact sur l’attachement du collaborateur à l’entreprise est majeur. C’est désormais à l’employeur de s’inscrire dans un effort constant de séduction pour attirer et retenir des talents qui ont les moyens conjoncturels d’être volages. Col bleus ou cols blancs, la tendance est identique.

Si la perspective d’une Grande Démission massive semble peu probable en France, les organisations doivent néanmoins s’adapter et s’armer pour répondre à ces nouveaux paradigmes. C’est à chaque entreprise d’accompagner ce changement culturel en créant son propre écosystème d’emploi flexible au regard de son cadre social et des exigences de son industrie, pour répondre au mieux aux nouvelles attentes des collaborateurs, et garantir la performance globale de son activité.