Ne rien avoir à faire au travail est une faute grave... imputable à l'employeur

Ne rien avoir à faire au travail est une faute grave... imputable à l'employeur Certains rêveraient de pouvoir s'ennuyer un peu au travail, pourtant, une charge de travail insuffisante est considérée comme un manquement grave de l'employeur.

Avoir trop peu de travail à accomplir durant sa journée peut sembler être une situation enviable pour certains salariés. Pourtant, lorsqu'un employeur ne fournit pas suffisamment de tâches à effectuer à son employé, cela peut constituer un véritable manquement à ses obligations contractuelles.  Dans une affaire récente, un salarié occupant un poste de conducteur de travaux avait été déclaré apte à la reprise d'une activité par le médecin du travail suite à un accident, mais avec certaines restrictions pendant 2 mois : l'interdiction de déplacements sur les chantiers et en véhicule. L'employeur l'a alors affecté temporairement à un emploi de bureau pour satisfaire à cette demande. Cependant, les tâches confiées se limitaient à l'établissement de devis, avec seulement 1 à 10 devis par jour. Face à cette situation, le salarié a pris acte de la rupture de son contrat, reprochant à son employeur de ne pas lui avoir fourni assez de travail.

La Cour d'appel, approuvée ensuite par la Cour de cassation, a donné raison au salarié. Bien que l'employeur ait respecté les préconisations du médecin du travail en affectant le salarié à un poste de bureau, les juges ont considéré qu'il n'avait en revanche pas respecté son obligation contractuelle de fournir une prestation de travail suffisante. Ce manquement a permis de justifier la prise d'acte de la rupture qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette décision met en lumière ce qu'on appelle la "mise au placard" ou "placardisation" d'un salarié. Une pratique, qui n'est pas nommément prévue par le Code du travail, consistant pour un employeur à confier à un employé des tâches en quantité insuffisante et/ou sans rapport avec ses qualifications et fonctions habituelles. Le salarié se trouve alors relégué, ostracisé, en marge de l'activité normale de l'entreprise. Elle peut s'apparenter à une sanction disciplinaire déguisée et néfaste pour le salarié qui en est victime. Au-delà de la perte de sens et de motivation au travail, elle peut entraîner des troubles psychologiques comme le "bore-out" (ennui profond et perte d'estime de soi causés par le manque de travail). Certains facteurs comme l'âge, un retour après une longue maladie ou un profil de salarié "insoumis" peuvent être à l'origine d'une mise au placard de la part de certains employeurs malveillants.

Par cet arrêt, la Cour de cassation confirme que le salarié victime peut prendre acte de la rupture de son contrat, et ce même si la mise au placard est de courte durée comme c'était le cas ici (une semaine). La prise d'acte permet alors au salarié de rompre immédiatement le contrat sans effectuer de préavis, en saisissant le Conseil de prud'hommes pour faire requalifier cette rupture en licenciement abusif ouvrant droit aux indemnités correspondantes. Il s'agit d'une décision protectrice des droits des salariés qui envoie un message clair aux employeurs : se contenter de verser un salaire sans fournir de travail en quantité et qualité suffisantes est une faute qui peut leur être imputée et justifier une rupture à leurs torts.