"Mon patron voulait me retirer le télétravail, voici ce que j'ai fait pour l'en empêcher"

"Mon patron voulait me retirer le télétravail, voici ce que j'ai fait pour l'en empêcher" Le télétravail n'est pas si facilement révocable ou aménageable, le droit du travail encadre cette démarche.

C'est un avantage que les salariés craignent de voir disparaître. Près d'une entreprise sur cinq envisage de revoir les règles d'organisation du télétravail des cadres - les principaux concernés par ce dispositif. Et dans les entreprises de plus de 250 salariés, la tendance est encore plus marquée : une sur quatre prévoit d'ajuster sa politique de télétravail en 2025.

Pourtant, cet avantage n'est pas si facilement révocable ou aménageable, le droit du travail encadre cette démarche et la justice s'est penchée sur le sujet ces dernières années.

Une affaire a fait parler d'elle : en décembre 2021, une entreprise a été condamnée pour avoir mis fin au télétravail total de son salarié. L'entreprise souhaitait que son salarié revienne sur site deux jours par semaine. Mais le salarié était en télétravail depuis plus de dix ans et le lui retirer a été jugé comme une modification profonde de son contrat de travail, cela aurait bouleversé l'organisation personnelle de la vie du salarié.

Si cet exemple est révélateur des difficultés des patrons pour mettre fin au télétravail, il n'est pas universel. Ici, l'accord pour le télétravail était oral, l'employeur ne peut imposer sa décision unilatéralement. Il lui faut l'accord du salarié. "Or, le télétravail peut être régi par une charte ou un accord collectif au sein de l'entreprise", détaille au JDN Sabrina Adjam, avocate spécialisée en droit du travail.

Au sein de ces accords, il existe "une clause de réversibilité qui précise quand et selon quelles modalités l'employeur peut mettre fin au télétravail", ajoute l'avocate.

Naturellement, l'employeur qui souhaite revenir sur le télétravail de ses salariés doit alors respecter les clauses de l'accord. Mais ça ne suffit pas toujours. C'est ce qu'a rappelé la Cour d'appel de Paris en 2021, dans une affaire opposant une salariée d'une entreprise de piscines à son employeur.

Certes, la clause de réversibilité autorisait l'entreprise à mettre fin au télétravail sans l'accord de la salariée, mais la Cour souligne que cette clause doit toujours être "mise en œuvre de façon loyale". En clair : il ne suffit pas d'invoquer un droit, il faut l'utiliser de manière raisonnable. Or, dans ce cas précis, le télétravail de la salariée ne causait aucune difficulté organisationnelle. Quant à l'argument avancé par l'employeur, à savoir l'amélioration et le bon fonctionnement du service, il n'a pas été prouvé.

"Compte tenu de l'ancienneté de la situation de télétravail, de l'éloignement géographique de la salariée et de la composition de sa famille (la salariée avait un enfant), l'entreprise n'a pas mis en œuvre la clause de réversibilité de façon loyale", conclut la Cour.

"La mise en place du télétravail n'est donc pas une mince affaire", résume le cabinet de conseil FCC, dans une note pour les employeurs. Face à la complexité des accords sur le télétravail, "l'employeur doit mûrement réfléchir à sa décision de mettre en place le télétravail, au risque de rencontrer des difficultés pour revenir en arrière".