Elle trompe son entreprise et lui réclame 600 000 euros après sa rupture conventionnelle, la justice lui fait payer très cher
Son employeur avait confiance en elle, il a failli le payer de 600 000 euros de sa poche. Cette affaire invraisemblable, sur laquelle la Cour d'Appel de Versailles a tranché le 1er octobre 2025, se déroule dans une grande entreprise, qui compte plus de 2 000 salariés. Une employée y est embauchée en 2009 en qualité de juriste en droit social. "Cette personne est également titulaire d'un mandat de conseillère prud'hommes à Paris. Elle a un diplôme de Master en droit du travail et même un doctorat. Elle connait parfaitement le sujet", détaille Benjamin Pierrot, avocat en droit du travail au Barreau de Strasbourg.
Une dizaine d'années après son arrivée dans l'entreprise, la salariée émet le souhait de partir. Elle s'entend alors avec son employeur pour négocier une rupture conventionnelle. Or, ses activités prud'homales font d'elle une salariée protégée, ce qui signifie que la procédure est différente. "Si on n'est pas protégé, tout se fait en ligne assez rapidement. Pour les salariés protégés, il faut remplir un formulaire papier puis l'envoyer à l'inspection du travail qui doit autoriser la rupture du contrat", décrit Benjamin Pierrot.
Ici, l'employeur fait confiance à sa salariée. Il lui demande donc de s'occuper des formalités en indiquant qu'il signera à la fin, une fois le montant de l'indemnité décidé. Spécialiste de la procédure, la salariée choisit délibérément de prendre un formulaire classique pour sa rupture conventionnelle plutôt que celui pour salariés protégés . "On a des SMS de l'entreprise qui montrent la confiance totale qu'il avait en sa salariée. Avec 10 ans d'ancienneté et sa spécialisation, on peut le comprendre", ajoute l'avocat.

La rupture conventionnelle est signée le 14 novembre 2018, et prévoit une fin de contrat le 31 décembre 2018. Les deux parties se quittent en bons termes jusqu'au 18 décembre 2019, date à laquelle la salariée saisit le Conseil de Prud'hommes de Versailles pour réclamer la nullité de la rupture conventionnelle au motif que le formulaire utilisé n'était pas le bon. Elle réclame des centaines de milliers d'euros.
"Elle demandait 600 000 euros, une somme basée sur son salaire moyen qui était de 12 000 euros bruts par mois. Elle voulait 6 mois de salaire, une indemnité de préavis de 3 mois, une indemnité de licenciement et l'indemnité de violation du statut protecteur, propre aux salariés protégés", liste Benjamin Pierrot.
Le 5 juillet 2023, le Conseil de Prud'hommes de Versailles condamne en première instance l'entreprise à verser une indemnité de 5 837 euros à la salariée relatifs aux congés payés, l'une des multiples luttes engagées par la salariée. Il la déboute de toutes ses autres demandes, ce qui la pousse à faire appel pour obtenir les sommes qu'elle réclame. L'affaire est tranchée devant la Cour d'Appel de Versailles le 1er octobre 2025.
Heureusement pour l'employeur, le juge prononce la nullité de la rupture conventionnelle, estimant que la salariée a délibérément tenté de tromper l'entreprise. Elle est déboutée de ses demandes d'indemnités de licenciement et la fin du contrat est requalifiée en démission. La Cour énonce une liste de sommes que chaque partie doit verser à l'autre. Entre frais de justice et rappels de salaires, l'entreprise est tout de même condamnée à verser 35 708 euros à son ex-salariée... mais sort gagnante grâce à une autre décision de la cour..
En effet, la salariée est condamnée à rembourser l'indemnité perçue lors de sa rupture conventionnelle ainsi qu'à en verser une autre pour compenser l'absence de préavis lors de la fin de son contrat. Au total, elle doit payer 84 371 euros à son ancienne entreprise. Si on soustrait à cette somme ce que l'entreprise lui doit, il lui reste 48 662 euros à payer. Une perte sèche bien loin des 600 000 euros qu'elle espérait recevoir...