Comment protéger notre culture d'entreprise face à la pandémie

Il est essentiel pour les entreprises de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour préserver leur culture d'entreprise durant cette crise sanitaire mondiale sans précédent.

Alors que nous entamons notre ultime semaine de confinement, le télétravail, lui, devrait jouer les prolongations jusqu'à cet été. Cette situation me rappelle ce que j'ai pu ressentir durant mon congé maternité. Si j'étais ravie de pouvoir bénéficier d'un congé rémunéré, un luxe auquel la plupart des femmes n'ont pas accès d'où je viens (les Etats-Unis), au bout de quelques semaines à la maison, j'ai commencé à éprouver de l'angoisse : est-ce qu'on allait m'oublier au travail ?

Est-ce je me sentirais exclue et plus du tout dans le coup à mon retour ? En n’étant pas avec mes collègues, est-ce que je loupais des choses qui m’empêcheraient de contribuer pleinement au succès de l’entreprise ? À quoi ressemblerait la reprise ?

Aujourd’hui, ces mêmes interrogations, et bien d’autres encore, préoccupent des millions de personnes à travers le monde, actuellement en confinement ou en quarantaine et en télétravail. C’est pourquoi il est essentiel pour les entreprises de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour préserver leur culture d’entreprise durant cette crise sanitaire mondiale sans précédent.

En tant que Responsable « Culture » d’une start-up, j’ai fait mienne la mission de préserver notre culture et de la rendre accessible à tous nos télétravailleurs, dans le but de faciliter la transition entre cette situation temporaire et le jour où nous pourrons de nouveau nous asseoir autour d’une table de réunion et partager des gâteaux dans la cuisine.

Par chance, notre entreprise est plutôt à l’avant-garde sur certains de ces aspects car avec des bureaux répartis sur trois pays, nous sommes habitués à travailler à distance.

Cela dit, c’est une chose d’être dans une entreprise qui vous permet de faire du télétravail, c’en est une autre de vivre une crise qui vous CONTRAINT à travailler de la maison. Alors nous devons imaginer des stratégies pour que notre culture de bureau s’adapte à cette période de télétravail forcé.

Notre préoccupation première : les rapports humains. Même si nos collègues de travail ne sont pas forcément des amis proches, avoir la possibilité de maintenir des liens avec eux ne peut être que bénéfique. Et alors qu’il est, à l’heure actuelle, impossible d’échanger dans l’ascenseur ou d’aller boire un verre avec son équipe, c’est à nous de prendre les mesures nécessaires pour que ces liens perdurent. Nous avons par exemple mis en place, pour ceux qui le souhaitent, le café du matin sur Zoom, organisé par les chefs d’équipes. On n’y parle que brièvement de travail, l’idée étant avant tout de prendre des nouvelles les uns des autres, d’échanger sur la façon dont chacun vit le confinement, de partager nos coups de cœur Netflix, en évitant bien sûr très soigneusement tout commentaire d’ordre capillaire !

Il est également important de garder présent à l’esprit que nous avons tous des vies personnelles et des objectifs professionnels différents. Et pour refléter cela, j’ai divisé mon équipe en trois groupes.

1)     Les parents en télétravail

Le confinement et le télétravail sont une épreuve pour chacun d’entre nous, et s’occuper de ses enfants tout en travaillant de chez soi entraîne son lot de défis supplémentaires. Il faut en effet faire en sorte que la scolarité suive son cours, que les enfants puissent faire un peu d’exercice, qu’ils ne passent pas trop de temps dehors sous peine de recevoir une amende, qu’ils MANGENT correctement, qu’ils rangent leur chambre, etc … Pour ces parents, il est important d’avoir un employeur qui les soutienne. Nous avons sans tarder créé des chaînes Slack dédiées afin que les parents puissent partager conseils et astuces, et suivre des activités physiques pour toute la famille. Nous proposons également aux enfants des activités ludiques comme des concours de déguisements, etc …

Les gagnants se voient remettre des cadeaux dont ils peuvent profiter tout de suite comme un abonnement à une plate-forme de divertissement en ligne ou un chèque cadeau qui peut être offert à son épicier ou à un livreur pour le remercier, mais aussi des prix pour « après le confinement » comme des chèques restaurant pour aider les établissements que l’on aime bien à reprendre leur activité, des billets pour une pièce de théâtre ou un événement sportif programmés à l’automne, ou encore des choses toutes bêtes comme du papier toilette !

2)     Les travailleurs essentiels sans enfant

Les personnes confinées et qui n’ont pas d’enfant peuvent être confrontées à des difficultés d’un autre ordre : l’ennui, la claustrophobie, le besoin de se dépenser, les disputes avec les conjoints ou les colocataires dans des appartements en milieu urbain, parfois exigus. Pour les soutenir, il suffit parfois simplement de les aider à mettre en place une bonne hygiène de vie durant le confinement. Dans cette optique, nous avons mis à disposition de nos employés des vidéos de fitness, et nous encourageons les responsables à organiser des réunions quotidiennes informelles de moins de 15 minutes pour faire des débriefings, passer en revue les objectifs, mais aussi partager une vision à plus long terme. Même si leurs habitudes et leurs façons de travailler ont été chamboulées, ces personnes seront en effet plus à même de répondre aux défis qui les attendent si elles ont une idée claire du cap choisi par leur entreprise.

3)     Les salariés en chômage partiel

Ici en France, nous avons l’option du chômage partiel, un dispositif qui permet aux entreprises de mettre leurs employés en arrêt temporaire pendant la durée du confinement sans avoir à les licencier et avec l’assurance pour ces derniers de recevoir de la part de l’État une bonne partie de leur salaire. Ce sont les personnes avec lesquelles il est le plus important de garder contact car, tout comme moi durant mon congé maternité, elles pourraient très facilement se sentir exclues. Je dois dire que le terme de « travailleur essentiel » me déplaît un peu car il n’est jamais très constructif de qualifier de « non essentielles » des personnes qui ne sont plus en mesure de travailler, qui vivent une période faite d’incertitudes et qui s’inquiètent pour l’avenir. Pour ces salariés, garder le contact est donc essentiel. Car même s’ils sont éclipsés par la menace que représente le coronavirus, les problèmes que posent le confinement sont sources de préoccupation : en effet, la toxicomanie, les violences domestiques et autres problématiques sociales n’ont pas disparu pour autant pendant cette crise et peuvent même être exacerbées. Nous faisons donc en sorte d’assurer un cadre qui se rapproche au maximum de la normalité, en veillant à ce que tout le monde puisse prendre part aux réunions, aux jeux et concours, en leur faisant savoir qu’ils sont toujours essentiels à la vie de notre communauté, même en capacité réduite. Dans cet effort, nous diffusons en ce moment notre newsletter mensuelle à une fréquence hebdomadaire pour s’informer davantage sur l’actualité de l’entreprise. Nous avons également introduit un peu de légèreté, avec des memes, l’organisation d’événements et de jeux.

Toutes ces actions ont bien sûr pour but de nous divertir et de nous détendre, mais pas seulement : elles permettent d’envoyer un message fort à tous nos employés, en particulier ceux en chômage partiel, qui ont besoin de savoir que leur entreprise jouit d’une bonne santé financière.. Nombre d’entre eux ont travaillé pour suffisamment de start-up pour savoir que lorsque l’argent vient à manquer, leurs postes sont les premiers à être concernés par les licenciements. C’est pourquoi nous faisons notre possible pour maintenir toutes ces activités, non seulement pour garder intact le lien social, mais aussi pour rassurer nos troupes et leur dire : « Nous allons nous en sortir et les choses vont revenir à la normale. » Nous sommes bien conscients d’être dans une position privilégiée car nous ne licencions personne, au contraire, nous continuons d’embaucher. Ce n’est pas évident de tisser des liens de solidarité en étant isolé les uns des autres, mais nous y parvenons.

La meilleure façon de surmonter cette épreuve qu’est la distanciation physique est d’en faire un effort collectif.