AMP et emailing : pourquoi ça coince… et pourquoi c'est dommage

AMP et emailing : pourquoi ça coince… et pourquoi c'est dommage Le service de messagerie Outlook ne supporte plus ce format qui permet d'apporter de l'interactivité aux email des marques… qui de toutes façons ne s'y intéressent pas beaucoup, à tort.

En annonçant mi-septembre qu'il arrêtait de supporter AMP au sein de son service de messagerie Outlook à partir du 1er octobre, Microsoft a peut-être condamné un format dont beaucoup d'experts espéraient qu'il réconcilie enfin l'email marketing avec l'interactivité. Un espoir né en février 2018 lorsque Google avait annoncé l'arrivée de ce standard désormais open-source au sein de son outil de messagerie, Gmail. L'enjeu était alors moins d'accélérer le temps de chargement des emails (la principale raison d'être d'AMP sur le Web) que d'introduire, grâce à certaines balises AMP, un peu d'interactivité au sein d'un environnement qui interdit le javascript.

A peine 30 et 50% des emails enbasés par les marques peuvent profiter d'AMP

Le service de messagerie de Microsoft ne s'est pas étendu sur les raisons d'une décision prise après plusieurs mois de tests. "Outlook s'est contenté d'expliquer qu'il allait se concentrer sur d'autres moyens d'apporter de l'interactivité", note Jonathan Loriaux, le fondateur de la société d'emailing, BadSender. Le retrait d'Outlook, dont la part de marché dans les boîtes mails des Français reste importante, porte en tout cas un vrai coup au déploiement d'AMP en France. Orange, autre gros acteur du marché, ne le supportant pas, cela ne laisse plus que Gmail et Yahoo (et encore ce dernier avec quelques difficultés) parmi les messageries compatibles avec le format. De sorte que ce sont, selon les estimations de Jonathan Loriaux, entre 30 et 50% des emails enbasés par les marques qui peuvent profiter d'AMP. "Ce n'est pas suffisant pour inciter les divisions CRM à consacrer des ressources au format", craint Jonathan Loriaux. L'expert emailing note d'ailleurs que certaines marques ont, suite à l'annonce, déjà mis leurs investissements sur ce sujet en pause.

Ils n'étaient, il faut bien l'avouer, de toute façon déjà pas nombreux. "Si l'annonce de Google a beaucoup fait parler au début, le soufflet est vite retombé", à en croire le président de l'organisation des acteurs du data marketing, SNCD, Bruno Florence. "Ce n'était pas vraiment une priorité de nos clients", confirme Jonathan Loriaux. La raison de ce manque d'enthousiasme ? Les bénéfices d'AMP s'observent plutôt du côté de l'email SAV, un territoire sur lesquelles les marques investissent peu. Le format permet en effet de déporter toute une série d'interactions entre la marque et le client directement au sein de l'email. "Le client qui a déposé une réclamation peut, par exemple, répondre au service SAV directement depuis sa boîte mail", illustre Jonathan Loriaux. Autre exemple : un utilisateur peut voir, directement au sein de l'email, où en est un colis retardé, plutôt que devoir se rendre sur le site du transporteur et y taper le numéro de suivi. "C'est plus révolutionnaire qu'un prix qui s'adapte en temps réel ou une promotion qui s'épuise passé un certain délai comme on le voit parfois dans les emails qui mettent de l'interactivité in-image", assure Jonathan Loriaux.

"Le potentiel de l'email de SAV est clairement sous-investi"

Le problème c'est que bien des marques semblent penser différemment. "Le potentiel de l'email de SAV est clairement sous-investi, estime Jonathan Loriaux. Si les marques sortaient le nez de leur production quotidienne pour essayer d'améliorer les performances de leurs campagnes, elles réaliseraient qu'AMP est un sujet important." C'est d'autant plus vrai que, coronavirus oblige, certaines d'entre elles ont coupé leur budget acquisition pour se concentrer sur la fidélisation. Il est, dans ces conditions, étonnant qu'elles n'en profitent pas pour en améliorer les performances. "Le ROI d'un email de confirmation correctement exploité est énorme", assure Jonathan Loriaux. C'est notamment l'occasion d'inciter l'utilisateur à retourner sur le site pour faire d'autres achats… Sur ce terrain, AMP a déjà fait ses preuves. "Les tests menés aux Etats-Unis ont démontré que le format générait de la performance incrémentale", rappelle Bruno Florance. Suffisant pour justifier les quelques investissements nécessaires au développement d'une version AMP d'un emailing. "Faire de l'AMP implique de doubler les coûts de codage et d'intégration puisqu'il faut également faire une version HTML pour ceux dont la boîte mail n'est pas compatible", pointe Jonathan Loriaux. Loin d'être insurmontable donc.

"L'email n'arrive pas à sortir du format classique dans lequel il est empêtré depuis 20 ans"

"L'interactivité c'est vraiment le serpent de mer de l'emailing", s'amuse Bruno Florence. En 2010 déjà, Microsoft avait développé une technologie - active view - permettant aux marketeurs de rendre leurs emails moins statiques, se souvient le patron du SNCD. La fonctionnalité n'avait, tout comme AMP aujourd'hui, pas réussi à s'imposer dans les usages. "L'email n'arrive pas à sortir du format classique dans lequel il est empêtré depuis 20 ans", regrette Bruno Florence. Jonathan Loriaux est tout aussi catégorique. "L'email est l'enfant pauvre de la R&D." Pas mal d'annonceurs se disent que le levier fonctionne très bien sans qu'ils lui consacrent beaucoup de ressources et se disent donc que dans ces conditions, ils auraient tort de changer quoi que ce soit. Un choix qui interpelle Jonathan Loriaux. "Quand on voit que des campagnes qui coûtent moins de 1 000 euros en termes de développement rapportent plusieurs dizaines de milliers d'euros aux marques, on se dit qu'elles gagneraient à faire des efforts sur le sujet", conclut l'expert.