Les jeux vidéos, nouveau terrain de bataille du "capitalisme de l'attention"

L'économie de l'attention fait son grand retour dans le secteur du gaming, pour le plus grand bonheur des clients désormais bénéficiaires de plus de services

Il est une bataille qui s’est tenue avec grands fracas durant la période Covid. Celle de l’économie de l’attention, auprès de consommateurs déjà captifs, dans un monde à l’arrêt. La captation du temps libre a été cruciale durant ces quelques mois, rythmés à coups de séries Netflix, de blockbusters et d’occupations manuelles diverses et variées. 

Trois ans plus tard, les effets du Covid et de cette lutte sans merci en faveur d’un capitalisme de l’attention se font encore ressentir. Le marché du streaming vidéo ne s’est jamais aussi bien porté. Celui du jeu vidéo est en pleine effervescence et PwC estime que le chiffre d’affaires total du marché OTT devrait augmenter à un taux de croissance annuel moyen de 6,5% d’ici 2027. 

Certes, quelques oiseaux de mauvais augure préfèrent pointer du doigt les performances financières en demie-teinte des acteurs du divertissement. Mais dans l’ensemble, la météo est au beau fixe. Et pour cause. Le secteur s’est remodelé, prenant comme précepte principal cette fameuse “économie de l’attention”, autour d’un triptyque réflexif. Comment captiver un consommateur sursollicité ? Comment s’assurer que ce consommateur non seulement apprécie l’un de vos contenus, mais surtout revienne chez vous ? Comment, enfin, faire de ce consommateur une base de clientèle solide et pérenne ? 

Le leader du streaming vidéo Netflix a amplement répondu à ces trois questions. Initialement connue pour sa plateforme de films et séries en streaming, l’entreprise a mis en place un plan clair, articulé autour de deux piliers. En premier lieu, la consolidation d’un portefeuille déjà fourni, sur la base de contenus originaux et de contenus sélectionnés. En parallèle, le développement d’une offre nouvelle, composée d’un catalogue de jeux vidéos disponibles directement sur la plateforme sans supplément budgétaire pour l’utilisateur final. Si l’on reprend les bases des principes de l’économie de l’attention : Netflix nous propose constamment des contenus nouveaux, basés sur nos goûts, qui s’intègrent parfaitement à notre quotidien et deviennent vite indispensables. 

Cette stratégie, orientée autour de la diversification de l’offre, crée une synergie astucieuse entre deux secteurs qui ont le vent en poupe. D’un côté, le streaming dont le nombre d’abonnés a explosé, passant de 1,1 milliard en 2020 à environ 1,8 milliard en 2023. De l’autre, le jeu vidéo plébiscité par la génération Z dont 95% jouent à au moins un jeu. Les récentes annonces de Microsoft, avec son Xbox Games Showcase, prouvent les enjeux nouveaux du monde du jeu vidéo. Soumis à une concurrence féroce, les acteurs du secteur rivalisent d’inventivité pour continuer à capter l’attention de leurs adeptes. Microsoft annonçait récemment l’ouverture de son catalogue à des consoles rivales. Un bouleversement pour un acteur dont la spécificité tenait jusqu’alors dans un catalogue combiné à une manette. 

Dans cette quête de la “captation d’attention”, les jeux vidéos doivent se réinventer. Imaginer d’autres modes de conquête d’audience, au-delà de la pure création d’univers fictifs et d’effets de jeux. Ubisoft l’a bien compris. L’éditeur breton a lancé des modules d’abonnements, donnant accès à un ensemble de services additionnels (jeux vidéos exclusifs, stockage cloud, catalogue étendu…). Avec un objectif clair : gagner en compétitivité dans un milieu de plus en plus saturé. 

Pris parallèlement, les exemples des géants que sont Microsoft et Ubisoft sont parlants. A l’heure du “snacking” de contenus, le défi est désormais de retenir le consommateur et de le faire adhérer à un univers lié à une marque. Adieu la possession d’un bien physique (la Xbox dans le cas de Microsoft). Adieu aussi la volatilité d’une marque à l’autre. L’heure est désormais aux univers, construits autour de jeux certes, mais surtout de services, de catalogues diversifiés, d’exclusivités… 

Le client est roi. Il est aujourd’hui volatil, versatile, certes. Mais avant tout, il reste sensible à l’immersion dans un univers fantasmé. Il est temps pour les éditeurs de faire de leur expérience un véritable voyage dans un univers à la fois accessible et sophistiqué. Il est temps de se lancer officiellement dans la bataille de l’économie de l’attention.