Rebundling : le retour des applications tout en un à la WeChat

Rebundling : le retour des applications tout en un à la WeChat Entre la difficulté à faire émerger plusieurs applications de niche et le coût croissant de leur entretien, l'option pragmatique consiste à concentrer ses efforts sur son navire amiral.

2014 avait consacré l'unbundling, cette stratégie qui consiste à découper son application en une galaxie d'applis spécialisées, plus légères et donc plus performantes, entre lesquelles l'utilisateur va naviguer. Une mode initiée notamment par Facebook avec le lancement de Messenger.

2016 pourrait bien sceller le mouvement inverse, avec des éditeurs décidés à tout regrouper pour concentrer leurs audiences et investissements médias autour d'une même application. Un retournement de veste peut-être aussi inspiré du succès du chinois WeChat, cette application de messagerie instantanée où il est rapidement devenu possible de réserver un cinéma, payer un taxi ou encore ouvrir un compte bancaire. Un usage atypique dans un monde applicatif jusque-là régi par le principe du "une application, un service", mais qui a séduit près de 650 millions d'utilisateurs.

En France, on a notamment vu AccorHotels se décider l'année dernière à rapatrier sa vingtaine d'applications de marques et de services différents sous une seule ombrelle : l'application AccorHotels. Dans un autre genre, le groupe PagesJaunes annonce vouloir désormais concentrer ses efforts sur sa principale application, PagesJaunes, quitte à laisse tomber en désuétude certains de ses services de niche qui n'ont pas su trouver leur public, comme Rest'oh ou C'est ici.

Bientôt au tour du secteur bancaire ?

Difficile de voir toutefois dans ces deux initiatives la conséquence directe du succès de WeChat, à en croire le patron de la Mobile Marketing Association France, Renaud Menerat. "On a là deux marques qui se sont posées la question de la rationalisation de leur parc d'applications, faute d'audience suffisante pour certaines et de budget pour toutes les entretenir", résume-t-il. Avec son autre casquette de patron de l'agence mobile UserAdgent, Renaud Menerat explique d'ailleurs être de plus en plus souvent amené à mettre en place ce genre de stratégie. "Le secteur bancaire, après avoir multiplié les applications, commence lui aussi à faire marche arrière."

Plein de lancements d'app, mais pas vraiment de stratégie derrière

Le directeur des opérations digitales du groupe AccorHotels, Renaud Japiot, ne dit pas autre chose lorsqu'il explique que son groupe a voulu remettre en question "l'héritage des années folles de l'application, qui voyaient les annonceurs multiplier les lancements sans forcément avoir de stratégie définie".

Au-delà du budget nécessaire, Renaud Japiot cite en vrac les contraintes engendrées par une telle démultiplication. "Il nous était très difficile de coordonner un programme de fidélité unique autour de cette nébuleuse d'applications et compliqué de les mettre à jour à mesure que les OS nous imposaient de plus en plus de nouvelles fonctionnalités à installer", confesse-t-il. Et dans sa bouche, une préoccupation majeure : "réaffirmer l'identité de la marque AccorHotels". 

Tout est rapatrié sous une marque : AccorHotels © Capture d'écran Accor

Si le groupe PagesJaunes n'a pas été aussi loin dans l'unbundling, le constat est le même. "La concurrence est devenue de plus en plus rude sur les stores d'application et le temps des utilisateurs n'est pas extensible à l'infini," avance Guénolé Wendling,  directeur général des activités PagesJaunes Digital. D'où sa volonté de recentrer les investissements autour de sa marque et de capitaliser sur ses près de 25 millions de téléchargements.   

Le groupe ne sacrifie pour autant pas son ambition de diversifier ses services. "Nous pensons pouvoir concurrencer des services comme Doctolib ou MonDocteur sur le sujet de la prise de rendez-vous avec des professionnels de la santé avec cette application généraliste qui cumule tout de même près de 250 millions de requêtes par mois sur le sujet."

Un choix pragmatique qui lui évite de devoir bâtir une autre application ex-nihilo… sans pour autant s'interdire de le faire. "Si un usage devait devenir majoritaire au sein de l'application, cela pourrait devenir pertinent de lancer une application dédiée", juge-t-il.

PagesJaunes s'autorise d'ailleurs quelques lancements à la marge, à l'image de l'application Hamak (mise en relation de particuliers pour des services). Une incursion du groupe dans l'économie collaborative. "C'est un petit laboratoire qui nous permet de tester notre offre de mise en relation au sein d'un secteur que nous ne connaissons pas encore bien". Pour le reste, une priorité : "continuer à enrichir les contenus intégrés à l'application PagesJaunes".

Accepter de "perdre" les utilisateurs inactifs lors de l'opération

C'est aussi le mantra qui anime le groupe AccorHotels, déterminé à faire de sa nouvelle application le partenaire de voyage privilégié de ses clients, depuis la réservation jusqu'à la chambre d'hôtel. 

La migration de ses utilisateurs s'est effectuée en deux temps. "Courant juin 2015, plus aucune application de la marque n'était téléchargeable. Ensuite, nous avons fait basculer le parc installé vers la nouvelle application ombrelle grâce à des mécaniques de push", résume Renaud Japiot. L'occasion pour AccorHotels de faire le deuil de toute une partie des mobinautes qui n'utilisaient pas les applications téléchargées depuis belle lurette… et n'iront sans doute pas sur la nouvelle.

"Il faut accepter cette déperdition et arrêter de raisonner uniquement en nombre de téléchargements pour regarder le véritable taux d'engagement de votre application", assène Renaud Japiot. D'autant que la migration permet de réveiller certains inactifs en les incitant via des push à basculer sur une application plus complète, qu'ils recommenceront à utiliser.

Réussir à tout retrouver au sein d'un même espace

L'enjeu est ensuite de combler les attentes de la majorité des utilisateurs au sein du nouvel espace. "Tout est question de consistance. Un utilisateur qui cherche en priorité une marque B doit pouvoir la trouver. Un autre qui recherche un service désormais indisponible doit être, lui, traité avec pédagogie." On touche ici du doigt à une problématique que Renaud Menerat estime être comme "le" sujet des marques sur le mobile en 2016 : la personnalisation de l'expérience utilisateur.

L'enjeu 2016 : une appli personnalisée et contextualisée 

"L'application doit s'adapter au contexte d'utilisation et cesser de perturber le mobinaute avec des fonctionnalités qui ne lui sont pas prioritaires à l'instant T", explique-t-il.

Une intelligence qui doit permettre à une application comme AccorHotels d'adapter sa homepage aux attentes du client, selon qu'il veuille réserver une nuitée, qu'il veuille faire son "check-in" ou qu'il recherche des informations sur les activités proposées dans les environs de son hôtel.

Pas évident de concilier exhaustivité et pertinence pour une marque qui, comme AccorHotels, répertorie près de 4 000 hôtels et est disponible dans 18 langues. Mais une nécessité tant il est devenu compliqué de sortir du lot, a fortiori lorsque l'on est une marque et que son application n'implique pas une utilisation quotidienne. "Une plus grande exhaustivité peut parfois sauver l'application et lui garder sa place parmi la trentaine d'heureux élus qui peuplent en moyenne chaque smartphone", analyse Renaud Japiot. Autrement dit, se recentrer pour optimiser ses chances de survie.