La réalité virtuelle dans les médias... déjà une réalité

La réalité virtuelle dans les médias... déjà une réalité Le New York Times, Le Monde ou encore The Economist testent cette technologie afin de donner une nouvelle dimension à leurs production vidéo.

Si l'on parle aujourd'hui beaucoup de Facebook Live, Periscope et des nombreuses opportunités qu'ils offrent aux médias pour interagir avec leur audience, certains éditeurs préparent déjà le coup d'après. En l'occurrence, la réalité virtuelle, dans laquelle près d'un milliard de dollars ont été investis en 2015, selon Digicapital. Une technologie qui constitue une étape charnière en matière de storytelling et d'accès à l'information.

Se balader à la surface de Pluton, découvrir la vue ébouriffante qu'offre le sommet du World Trade Center One ou plonger en immersion avec deux chercheurs pour comprendre les codes de la communication entre dauphins et baleines… Le New York Times propose d'ores et déjà toute une batterie de sujets dans une rubrique dédiée au format : "NYTVR". Les internautes sont invités à télécharger l'application dédiée et à placer leur smartphone au centre du casque de réalité virtuelle made in Google, Cardboard, pour visionner les contenus.

Bientôt, les vidéos du New York Times seront compatibles avec les casques type Oculus Rift ou Samsung VR

Conscient qu'il lui faut démocratiser ce nouvel usage, le quotidien new-yorkais est même allé jusqu'à distribuer en novembre dernier une paire de Cardboard à ses près de 1 million d'abonnés papier à l'occasion de la sortie d'un documentaire baptisé "The Displaced", suivant un groupe de réfugiés syriens. Rebelote en mai avec l'envoi de Cardboard aux 300 000 abonnés online les plus fidèles pour leur faire découvrir la surface de Pluton en réalité virtuelle.

Et bientôt, ces vidéos seront compatibles avec d'autres casques de réalité virtuelle, type Oculus Rift ou Samsung VR, annonce le quotidien. "Nous n'avons pas encore de date mais nous allons nous lancer sur d'autres plateformes, c'est le sens de l'histoire et c'est la direction que nous voulons prendre", explique Sam Dolnick, l'un des rédacteurs en chef du quotidien. A la clé : une expérience immersive qui permettra de plonger l'internaute dans l'image et de s'échapper du cadre figé d'un format vidéo traditionnel, en regardant devant et derrière lui, en levant les yeux au ciel ou les baissant vers le sol. Suffisant pour lui permettre de s'évader dans des décors qui ne lui sont pas familiers.

Résultat, le nombre de téléchargement de l'application NYTVR atteint les 600 000. Si le journal ne s'attend pas à un usage quotidien de son app, les alertes envoyées à chaque nouvelle publication et les promotions sur ses autres espaces lui permettent de garder des mobinautes fidèles.

D'autres ont suivi son exemple. Qu'il s'agisse du Huffington Post et de son reportage de trois minutes, The Crossing, sur les réfugiés qui débarquent chaque jour sur les côtés grecques ou encore Le Monde qui a capturé le recueillement des Parisiens suite aux attentats du 13 novembre. On peut citer également l'exemple de Conde Nast, l'éditeur de Vanity Fair et Vogue, qui est en train de plancher sur une série de 6 épisodes en réalité virtuelle. Baptisée "Invisible", elle sortira à l'automne.

Tests et pragmatisme au Monde

Quel rôle aura la réalité virtuelle dans l'information de demain ? Comment les journalistes feront-ils pour exploiter ce nouvel outil ? Autant de questions que l'on se pose d'ores et déjà au service vidéo du Monde où des journalistes comme Antonin Sabot "apprennent sur le tas une nouvelle façon de tourner et monter les sujets". Même si "les contraintes sont légions entre le temps de production, les difficultés de tournage et l'acquisition de technologie."

Plutôt que de réaliser des vidéos en réalité virtuelle, Le Monde se cantonne pour le moment essentiellement au format 360. Plus rarement, elles embarquent du texte, des panneaux ou d'autres types de contenus interactifs. "Des ajouts en post-production qui peuvent vite multiplier par quatre le temps de production de la vidéo par rapport à un format normal", justifie Antonin Sabot. Faute de moyens, les journalistes doivent rester pragmatiques et se rappeler que la technologie doit réellement appuyer le propos du journaliste. "On peut vite tomber dans le gadget", prévient Antonin Sabot.

La réflexion est d'autant plus nécessaire que ces projets embarquent rarement un modèle de monétisation, en témoigne Sam Dolnick qui les considère comme "des contenus premiums offerts aux abonnés". Le New York Times continue en tout cas d'investir, au point d'avoir embauché courant novembre une rédactrice dédiée exclusivement aux contenus VR, Jenna Pirog. En coordination avec les équipes digitales et vidéo, elle est chargée de réfléchir à la distribution des contenus en VR au sein de l'application dédiée. Et d'identifier les histoires qui peuvent faire l'objet d'un traitement en réalité virtuelle.

The Economist réfléchit lui aussi aux moyens de financer ses premiers sujets en réalité virtuelle, laissant la piste du paiement à l'acte de côté.  L'hebdomadaire anglais privilégie pour le moment le sponsoring de marque ou une offre bundle sur abonnement. Car avant de penser gagner de l'argent avec ces nouveaux formats, les éditeurs devront comprendre à quels usages ils répondent vraiment. 

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