Emmanuel Durand (Snap) "Le temps passé chaque jour à regarder des émissions au sein de Snap a doublé"

Le JDN poursuit sa série d'interviews de dirigeants face au coronavirus. Le patron de Snap France revient sur l'impact du coronavirus et explique comment les marques peuvent rebondir suite à cet épisode.

JDN. Quel est l'impact de la crise du coronavirus sur l'activité d'un groupe comme Snap ?

Emmanuel Durand est le patron de Snap France. © S. de P. Snap

Emmanuel Durand. Côtés usages, la tendance haussière que nous observions en début d'année a été renforcée par le confinement. Le temps passé chaque jour au premier trimestre par les Snapchatters à regarder du contenu Discover a augmenté de plus de 35% d'une année sur l'autre. Le temps passé chaque jour au sein de l'application à regarder des émissions a carrément doublé. Ce n'est pas une surprise car cet épisode de confinement a rappelé l'importance du lien social pour les gens. C'est précisément l'usage premier de Snap qui reste, avant tout, un service de messagerie intime et éphémère. Snap s'est imposé comme un substitut aux rencontres physiques.

Notre application a également répondu à un autre besoin : s'informer au travers de sources fiables. C'est le rôle joué par notre rubrique Discover. Plus de 30 partenaires, dont Le Monde, BFM et 20 Minutes, ont produit du contenu spécialement pensé pour la rubrique "Coronavirus : Actualités" que nous avons lancée. Nous avons également accueilli un nouveau partenaire, l'émission Allo Docteur, animée par Marina Carrère d'Encausse et Michel Cymes, au sein de laquelle les animateurs répondent aux questions de nos utilisateurs sur le sujet.

Pensez-vous que cette hausse de consommation survivra au déconfinement ?

On sait que l'on profite, comme l'ensemble des médias en ligne, d'un pic d'audience qui retombera sans doute une fois le confinement passé. Ceci étant dit, je pense que nous avons eu l'occasion de faire découvrir aux utilisateurs des fonctionnalités dont ils n'avaient pas connaissance et qu'ils continueront à utiliser à l'avenir. Ce sera peut-être le cas de la version desktop de l'application Snap Camera, dont le nombre de téléchargements a été multiplié par 30 avec le confinement. Il s'agit d'un outil de réunion vidéo plutôt BtoB, comme Zoom ou Hang Out, que nous avions lancé il y a quelques années, et qui intègre des fonctionnalités de réalité augmentée pour rendre la communication plus amusante. On sent que les gens ont besoin de légèreté dans cet environnement anxiogène.

Côté business, c'est effectivement anxiogène…

Nous sommes comme tout le monde impactés par une baisse des revenus. Le ralentissement global de l'économie se répercute sur les investissements publicitaires. Cette baisse n'a pas affecté nos résultats du premier trimestre, qui ont été très bons, avec une hausse annuelle de 44% des revenus. Mais le deuxième trimestre sera forcément impacté. Car les réactions des annonceurs varient selon les typologies et les situations. Certains, comme les acteurs du gaming, ont profité de la période pour augmenter leurs investissements car leur business a décollé. D'autres marques, bien qu'impactées, ont réalisé que cette période d'accalmie publicitaire représentait une opportunité de se faire entendre. Elles ont su profiter de cette crise pour proposer des choses innovantes. Je pense à un annonceur comme Toyota qui, faute de pouvoir faire découvrir son nouveau modèle Yaris Hybrid en concession, l'a dévoilé en avant-première dans une version en réalité augmentée grâce à une Lens Snapchat.

On imagine qu'ils ont également été nombreux à arrêter d'investir…

Bien sûr, certains ont tout coupé, parce que leur business physique était à l'arrêt ou qu'ils étaient en état de choc. Ils sont malgré tout restés en contacts avec nous car ils se questionnent sur la suite et la stratégie à mettre en place. Tous ont conscience de l'importance de gagner en agilité, pour être mieux préparés si un tel événement se reproduisait. Nous avons essayé de les accompagner dans cet après au travers de sessions de formation type webinar. La moitié de nos utilisateurs ont moins de 25 ans, cela nous permet d'observer l'évolution des usages digitaux, notamment en matière de consommation des médias. C'est forcément intéressant pour les entreprises qui veulent digitaliser leur modèle d'affaires. Je pense d'ailleurs que cet épisode occasionne beaucoup de réflexions sur l'interfaçage entre le monde physique et le digital, deux univers que Snap cherche, à travers sa caméra et sa réalité augmentée, à rapprocher depuis le début. Il faut savoir que plus de 75% de nos utilisateurs actifs interagissent quotidiennement avec la réalité augmentée. Les Lenses créés par notre communauté via Lens Studio représentent désormais plus de 30% du total des snaps envoyés chaque jour et les plus performantes atteignent des milliards de vues au sein de l'application.

Pensez-vous que les marques vont changer leur manière de communiquer suite au coronavirus ?

Il faut se méfier des velléités de changements. C'est un peu comme les résolutions du nouvel an, on ne sait jamais combien de temps elles dureront. On a tout de même quelques certitudes. La présence d'une marque sur Snap sera d'autant mieux perçue qu'elle se fait de manière créative. Ce qui implique, la plupart du temps, un passage de témoin vers le consommateur qui devient acteur comme c'est le cas avec notre outil Lens. C'est forcément inquiétant pour une marque de perdre le contrôle mais c'est un risque à prendre pour recevoir plus d'engagement.

Il est certain aussi que les marques qui communiquent pendant la crise doivent le faire de manière transparente et honnête. L'usage de Snap relève de l'intime et les marques qui s'expriment avec le bon ton n'ont aucun problème à s'insérer dans cette sphère. C'est peut-être aussi parce que la majorité de nos formats publicitaires sont skippables et donc non intrusifs. Car c'est important de respecter l'expérience utilisateur pour être accepté. Je pense d'ailleurs que c'est une notion que le marché a un peu oublié en passant au digital où on peut faire tellement de choses en matière de ciblage qu'on en oublie de faire des choses intéressantes. Le meilleur levier d'optimisation d'une campagne sur Snap, ça reste la créativité.

On peut être créatif même lorsqu'on cherche à vendre. Vous venez d'ailleurs d'ouvrir l'accès en France à un nouveau format, baptisé Dynamic Ads.

Snap est souvent identifié comme une plateforme permettant d'augmenter la considération d'une marque, de faire de l'awareness. Mais c'est aussi une plateforme qui permet de convertir de nouveaux utilisateurs. Une grosse partie de nos impressions publicitaires proviennent de campagnes à la performance car nos coût d'acquisition sont extrêmes compétitifs. Nous diffusons beaucoup de campagnes d'acquisition d'acteurs du casual gaming ou des paris. Le format Dynamic Ads est un outil très puissant qui va permettre aux acteurs de l'e-commerce de doper leurs conversions, en branchant directement leur catalogue produit à notre plateforme d'ad management, de façon à retoucher de manière automatique des utilisateurs qui ont visité leur site. Les premiers tests avec les e-commerçants sont très prometteurs.

D'autres annonces produit sont-elles prévues ?

Nous ferons de nouvelles annonces produits à l'occasion de notre Snapchat Partner Summit qui se tiendra en juin. Nous n'avons pas pu organiser cet événement physique, qui rassemble partenaires et développeurs, cette année mais nous nous rattraperons avec une version en ligne.

Emmanuel Durand est le patron de Snap France depuis mi-2016. Entré chez Warner Bros en 2009 comme vice-président marketing France et Benelux, Emmanuel Durand avait précédemment occupé les fonctions de CEO Active Cosmetics de L'Oréal Suisse et de directeur marketing de Sony Music.

Retrouvez toutes les interviews "Face à la crise" ici