Pierre Coquard (Erold) "La publicité a des limites sur les thématiques de santé"

Arrivée du groupe Marie Claire dans le capital, développement des OPS et du gré à gré, lancement en juin d'un e-santé.fr entièrement métamorphosé en site sans publicité… Pierre Coquard, CEO d'Erold (ex-Planet Media), livre sa stratégie.

JDN. Vous êtes à la tête d'Erold, éditeur indépendant côté en bourse, pure player spécialisé dans la cible senior (Medisite, planet.fr, e-santé.fr), qui annonce une forte progression de ses audiences (+20% en une année) mais une baisse au premier trimestre de ses recettes média (-14% comparé à 2021) et de son CA total (-8%). Comment expliquez-vous ces résultats ?

Pierre Coquard, CEO d'Erold. © Mon Portrait Pro

Pierre Coquard. La ligne qui impacte notre chiffre d'affaires n'est pas corrélée à nos audiences. De plus, elle a peu d'incidence sur notre marge, qui sera très bonne, nous la présenterons à la fin du semestre. Il s'agit de la ligne "média direct", représentée à 80 % par notre modèle historique de monétisation : la location de nos bases de données aux annonceurs. Ces derniers s'en servaient pour leurs campagnes d'emailing. Or, l'emailing est en perte de vitesse structurelle, et pas uniquement chez nous. Les raisons sont multiples, à commencer par la concurrence des réseaux sociaux qui permettent aux marques de toucher des audiences qualifiées de manière beaucoup plus efficace et peu chère. L'emailing est également de plus en plus limité par les filtres anti-spam et les contraintes imposées par les fournisseurs de services. Ce n'est donc plus une activité d'avenir. Depuis mon arrivée en 2019, nous nous concentrons sur la monétisation de nos audiences en programmatique (des recettes en hausse de 11 % le premier trimestre comparé à 2021, ndlr.). Grâce à l'arrivée du groupe Marie Claire dans notre capital en octobre dernier, nous allons pouvoir nous concentrer sur le développement des opérations spéciales et du gré à gré, jusque-là absents de notre modèle.

Quel est le niveau de participation du groupe Marie Claire et comment collaborez-vous ?

Le groupe Marie Claire est entré dans notre capital à hauteur de 18,8 %. Ils nous apportent leur expérience et savoir-faire en gré à gré, opérations spéciales et dans les deals directs avec certains annonceurs auxquels nous n'avions pas accès en tant que petits éditeurs. Nous sommes sans doute parmi les meilleurs dans la monétisation programmatique mais il nous manquait cette activité de régie en direct avec les agences et les annonceurs, que nous pouvons désormais développer grâce à GMC.

"E-santé sera bientôt un site sans aucune monétisation publicitaire"

Deux de vos sites se positionnent sur le créneau santé. Comment gérez-vous cette data particulièrement sensible ? Contribue-t-elle à valoriser votre inventaire ?

E-santé sera bientôt un site sans aucune monétisation publicitaire. Quant à Medisite, nous travaillons quasi exclusivement en ciblage sociodémographique et contextuel porté uniquement sur les sujets " OTC ", qui concernent des médicaments vendus sans nécessité de prescription médicale. Nous ne ciblons jamais les contextes ayant trait aux pathologies.

Votre modèle était jusqu'à présent 100 % publicitaire. Comment va-t-il évoluer ?

Nous allons intégrer l'abonnement à notre modèle pour la toute nouvelle version du site e-sante.fr. Nous avions acheté cette marque en 2016. Depuis, nous la maintenions live, le temps d'opérer cette transition. Jusqu'à présent monétisé en programmatique, e-sante.fr deviendra le premier site santé grand public sans publicité, ni cookie ni aucune collecte de données. Il sera accessible sur abonnement, avec quelques articles accessibles gratuitement. Et dans ce contexte nous allons également proposer de nouveaux services à nos audiences. Par exemple, un contenu médical personnalisé en lien avec un médecin qui répondra aux questions de nos lecteurs par e-mail sous 24 heures.

Nous souhaitons en effet développer l'offre de services à nos audiences. C'est déjà le cas pour les  produits d'assurance, que nous commercialisons depuis cinq mois bientôt. Nous avons deux personnes en CDI chez nous dont le métier est d'être courtiers. Ils répondent aux demandes de nos lecteurs en leur prodiguant des conseils et en leur indiquant les meilleures options aux meilleurs prix. C'est un axe fort de notre stratégie : proposer à notre audience des produits et des services en lien avec leurs attentes et besoins.

"Nous souhaitons développer l'offre de services à nos audiences"

Pourquoi ce choix d'arrêter la monétisation sur e-santé.fr ?

C'est très délicat de monétiser la santé. Une monétisation chargée n'est pas non plus très compatible avec un travail journalistique expert en profondeur et validé auprès des sources médicales. Les annonceurs non plus ne souhaitent pas nécessairement être présents dans les pages où on aborde des pathologies importantes. Sur Medisite nous avons une rubrique, "La parole aux patients", qui fonctionne très bien. Nous avons beaucoup d'audiences sur ces pages mais n'arrivons pas vraiment à monétiser ces inventaires. La publicité a des limites sur les thématiques de santé. C'est pourquoi nous souhaitons faire évoluer notre modèle vers un site 100 % sans publicité ni collecte de datas.

Vos audiences (9,4 M de VU par mois) se sont bien développées en 12 mois (+20 % en février et +19 % en janvier, comparé aux mêmes périodes de 2021). Comment expliquez-vous ce résultat ?

Deux aspects majeurs peuvent expliquer cette progression : nos newsletters quotidiennes, qui drivent 35% de notre trafic, et un travail éditorial revu pour répondre aux préoccupations quotidiennes de nos cibles, ce qui favorise le référencement naturel.