Vidéo instream : les recettes du Parisien et d'Unify pour doubler chaque année leurs revenus

Vidéo instream : les recettes du Parisien et d'Unify pour doubler chaque année leurs revenus Avoir une équipe dédiée, même étoffée, ne suffit pas pour profiter des CPM élevés de la vidéo. Il faut aussi connaitre ses audiences et savoir aller les chercher. Entre autres.

La vidéo a de quoi continuer de mettre en appétit bon nombre d'éditeurs souhaitant diversifier et renforcer leurs sources de revenus. Après une année 2020 difficile à cause de la pandémie, ce format qualitatif par excellence est revenu sur le devant de la scène du marché publicitaire digital avec des investissements en hausse de 46% en 2021 (soit 34% de plus qu'en 2019). Très prisée par les annonceurs, la vidéo a l'avantage de générer des niveaux de CPM bien supérieurs à ceux du display classique. "La vidéo offre sans doute les meilleurs CPM aussi bien en gré à gré qu'en programmatique. C'est aussi le format privilégié des opérations spéciales et des grands programmes, deux leviers moteurs de monétisation", résume Nicolas Danard, directeur en charge du digital et du revenu management chez Les Echos Le Parisien Médias.

Mais comment s'y mettre et par où commencer, quand on se souvient que l'écrasante majorité de ces investissements privilégient le format instream (91% de ce marché en 2021), c'est-à-dire des vidéos publicitaires intégrées à des contenus vidéo préexistants par opposition aux formats outstream, qui  peuvent être insérés directement dans le texte ?

Investir dans des équipes dédiées

Tout d'abord en faisant de la production de contenus vidéo une priorité de ses investissements et en la plaçant au cœur d'une feuille de route intégrée. "Faire de la vidéo, cela a un coût, à commencer par les talents, des journalistes vidéo web aujourd'hui très prisés", explique Aurélien Viers, rédacteur-en-chef du pôle vidéo du Parisien, débauché de L'Obs en 2018 pour assumer la mission de créer "une vraie offre de vidéo sur le web". Si la vidéo est décrite comme un "axe important du site parisien.fr depuis sa création", et malgré l'existence d'un pôle dédié à ce format dans la rédaction depuis 2014, il a fallu attendre 2018 en effet pour qu'une offre structurée soit mise en place.

Sur les 400 journalistes employés par le quotidien, 15 sont aujourd'hui intégralement dédiés au service vidéo, soit trois fois plus qu'il y a quatre ans. Ces professionnels sont à l'origine des 300 vidéos diffusées chaque mois par le quotidien tous canaux et formats confondus. Une accélération qui a été possible grâce à une décision prise au niveau de la direction et conçue en collaboration avec trois services stratégiques du journal : la rédaction, la direction numérique et la régie. 2021 marque à ce titre un cap important pour Le Parisien, quand sa direction décide d'intégrer pour la première fois la mesure Médiamétrie Internet vidéo. Le titre affiche aujourd'hui 10,7 millions de vidéonautes uniques mensuels (Médiamétrie, février 2022) et plus de 134 millions de vidéos vues le même mois de février. "Nous avons préféré attendre d'être consistants sur la force de nos audiences et la solidité de nos KPI publicitaires de visibilité et de complétion avant de donner à voir au marché les résultats", résume Nicolas Danard.

Cette volonté d'accorder à la vidéo une place centrale est tout aussi récente chez Unify, le pôle de marques pure players (Aufeminin, Marmiton, Doctissimo, Les Numériques, etc.) et activités digitales du groupe TF1. En quatre ans, la production de vidéos toutes marques médias confondues a été multiplié par dix avec une accélération nette après la crise sanitaire. À l'origine de cet envol, l'intégration de cinq studios de production et la mise en place du Garage by Unify, entité regroupant près de 50 professionnels de la vidéo chargés d'appuyer la production des rédactions.

Gérer toutes les plateformes

Développer son offre vidéo suppose d'être systématiquement présent sur tous les réseaux et médias sociaux qui sont cohérents avec l'ADN de sa marque média. La raison est que les audiences sont partout et notamment sur les réseaux. "Il est certain que l'éditeur a tout intérêt à ce que ses inventaires soient consommés et monétisés sur ses propriétés mais aujourd'hui il est inconcevable de l'envisager sans assurer une présence forte sur les réseaux sociaux", analyse Nicolas Capuron, directeur général adjoint d'Unify.

La vidéo joue à ce titre un rôle central : tous les nouveaux réseaux sociaux sont essentiellement conçus en vidéo. "L'approche classique du journaliste qui produit une vidéo pour compléter son article est nécessaire mais ne suffit pas. Il faut produire des déclinaisons de son contenu pour les réseaux sociaux. Ces dernières ne sont pas écrites ni pensées de la même manière", précise Nicolas Capuron. De plus, selon la nature de chaque marque média, le réseau social à privilégier pour la diffusion de ses vidéos ne sera pas le même : aufeminin appelle sans doute TikTok, tandis que Les Numériques a toute sa place chez Twitch. "Vous devez très tôt comprendre la nature et les attentes de vos audiences pour choisir les bonnes plateformes." D'où l'importance de compléter le travail de la rédaction avec des équipes dédiées aux réseaux sociaux. "Ces équipes maîtrisent les différents codes de la vidéo (short contents, lives, explainers, etc.), qui varient selon les différentes plateformes de diffusion", ajoute-t-il.

Suivant cette même logique, depuis septembre dernier, Le Parisien s'appuie sur une cellule entièrement dédiée à la vidéo sur les médias sociaux. Appelée "Shorts", elle vient renforcer la conquête d'audience sur les réseaux et médias sociaux grâce à une production de vidéos pure players sur l'actualité diffusées sur Facebook, Instagram, Snapchat et TikTok mais également sur YouTube et Dailymotion. "Cela va des productions originales jusqu'à la réadaptation des vidéos produites par la rédaction pour le site web à ces environnements", précise Aurélien Viers.

Surprendre ses audiences

"L'éditeur doit faire les choses par étape, rester fidèle à sa ligne et ne pas hésiter à tester des formats forts, qui marquent les esprits pour favoriser l'awarness notamment auprès des plus jeunes", conseille Aurélien Viers. "Nous avons commencé en construisant une production forte de vidéo sur le site autour de l'actualité chaude, qui est le gros marqueur du Parisien, un quotidien dont l'ADN est de relater l'actualité sur le terrain." L'étape suivante, dès 2020, a été de conquérir les audiences des réseaux sociaux, d'abord en leur proposant de séries vidéo aux identités fortes et en lien avec leurs centres d'intérêt quotidiens (l'alimentation, avec "Food-checking", la mobilité urbaine, avec "Biclou", et plus récemment les faits divers, avec "Crime story").

Etre là où sont les audiences, c'est aussi chercher à les capter avec du contenu qualitatif pour favoriser le temps passé. "Les lecteurs qui passent beaucoup de temps à consulter nos contenus sont moins susceptibles de se désabonner. C'est aussi un challenge de monétisation, possible grâce à un volume de diffusion conséquent", explique Aurélien Viers.

Maîtriser l'intéropérabilité et les priorités des players

Il ne suffit pas de disposer du contenu, toujours faut-il faire face à toutes les contraintes techniques imposées par un écosystème devenu de plus en plus complexe. "En matière de vidéo, les régies doivent gérer en permanence l'intéropérabilité entre les différents players et l'ad server et bien maîtriser la cascade de la monétisation publicitaire, c'est-à-dire les  priorités données aux différentes sources de demande afin de garantir un taux de remplissage maximal", rappelle Nicolas Danard.

Des résultats au rendez-vous

Ces efforts de part et d'autre semblent payer. Chez Le Parisien, chaque année depuis 2019, les revenus  publicitaires générés par la vidéo sont multipliés par deux au point que ces derniers pèsent déjà  pour plus de 20% des recettes. Chez Unify, on évoque également des revenus doublés chaque année, sans oublier le rôle stratégique de la vidéo au sein des opérations spéciales, qui répondront cette année pour plus de la moitié des recettes publicitaires des marques médias phares d'Unify d'après Nicolas Capuron. "Par ailleurs, comme nous sommes devenus plus légitimes sur la vidéo, nous développons également une production de brand content en marque blanche", conclut-il.